Chapitre 7

En écoutant sa voix calme et sans éclat, le cœur de Mathis avait l'impression d'être soudainement piqué par quelque chose.

Il a involontairement froncé les sourcils, « Pourquoi vouloir la jeter tout à coup ? Mais t'y tenais beaucoup à cette robe de mariée, non ? »

Chloé n'a pas nié.

Pendant ces trois dernières années, elle a pris soin de réserver un emplacement spécial dans sa penderie pour y accrocher cette robe de mariée.

Chaque année, elle l'a même envoyée chez le pressing pour qu'elle soit nettoyée et entretenue.

Mais la raison pour laquelle elle l'a précieusement gardée, c'était parce qu'elle a toujours pensé qu'on ne se mariait qu'une seule fois dans sa vie, et que cette robe devait bien sûr rester comme un souvenir.

Maintenant qu'ils vont divorcer, il est fort probable que Mathis va bientôt amener l'élue de son cœur chez eux. Cette robe de mariée, tout comme elle-même, est devenue une présence superflue dans cette maison.

Chloé a esquissé un léger sourire, « La robe de mariée est abîmée. Je me suis rendu compte y a quelques jours qu'elle avait un grand trou. »

« Mais on ne peut pas la jeter aussi facilement. »

Mathis a regardé son sourire forcé, croyant qu'elle avait du mal à s'en séparer, « Dans ce cas, je vais demander au magasin de robes de venir la récupérer pour voir s'ils peuvent la réparer… »

« Laisse tomber. »

Chloé a secoué la tête, le regardant droit dans les yeux, « Ce qui est cassé, on ne peut pas le réparer. »

Elle parlait du cœur des gens, de leur mariage.

Après avoir dit cela, sans attendre la moindre réponse de Mathis, elle s'est retournée et est entrée dans la maison.

En la voyant toujours marcher avec difficulté, Mathis s'est souvenu et a rapidement fait quelques pas pour la rattraper, « Au fait, tu es blessée ou quoi ? Ça fait déjà deux ou trois jours, pourquoi tu boites encore ? »

Cette inquiétude est arrivée un peu tard, à quoi bon ?

Cependant, elle avait besoin qu'il se sente coupable.

Elle a légèrement baissé les yeux et a répondu sincèrement : « Ça allait mieux, mais hier soir je suis retournée chez les Fontaine, et j'ai marché quatre heures dans la neige. »

« Qu'est-ce que t'as dit ? »

Mathis a été stupéfait, son regard a glissé involontairement sur sa cheville rouge et enflée, et ses pupilles se sont contractées, « Ta cheville, comment ça se fait qu'elle… »

Chloé a cligné des yeux, « Je me suis juste fait une entorse. »

Sa voix était si calme, si dénuée de la moindre plainte.

Il a froncé les sourcils, « Pourquoi avoir marché aussi longtemps, et en plus… »

Il n'osait même pas imaginer la suite.

Chloé n'était-elle pas aussi une membre de la famille Fontaine ? Pourquoi était-elle rentrée dans un tel état ?

Chloé a levé les yeux vers lui, et une image lui a traversé l'esprit : celle où elle rêvait autrefois de l'épouser, corps et âme.

Elle a vraiment espéré un jour vivre aux côtés de Mathis jusqu'à la fin de leur vie.

Elle est restée silencieuse un long moment, a réprimé l'amertume qui lui serrait le cœur. Finalement, sous la pression de ses questions, elle a souri et a dit : « Parce que tu n'es pas revenu avec moi. »

Il a réprimé l'agacement qui lui montait au cœur et a fait rouler sa gorge, « Tu ris encore, ça ne fait pas mal ? »

« Si, ça fait mal. »

Chloé a hoché la tête, « Mais je m'y suis habituée. »

« Tu t'y es habituée ? »

« Oui. »

Elle a serré légèrement la paume de sa main, sa voix était à peine audible : « Chaque fois que tu ne m'accompagnes pas, je dois forcément passer par ce genre de situation. »

En réalité, c'était bien pire que cela.

Depuis son enfance, chaque petit manquement à la volonté de la vieille dame Fontaine lui valait une punition.

Le chemin recouvert de petits cailloux avait été conçu spécialement pour elle.

Avant même d'avoir passé un an chez les Fontaine, alors qu'elle avait six ans, elle avait déjà appris à rester debout pendant de longues heures sur ces pierres glacées, à endurer la douleur et l'inconfort, tout cela pour satisfaire les exigences sévères de la vieille dame.

Mathis s'est accroupi pour soulever légèrement sa longue robe, a découvert ses genoux rouges et enflés.

Sa cheville était également légèrement gonflée, couverte de petites ecchymoses dues aux frottements répétés.

Sur sa peau claire et délicate, ces marques ressortaient encore plus cruellement.

En comparaison avec les genoux légèrement rougis de Clara il y a quelques jours, c'était une blessure bien plus grave.

Une colère sourde a envahi Mathis, qui a alors saisi Chloé dans ses bras et l'a posée sur le canapé en fronçant les sourcils : « Pourquoi ne m'as-tu pas appelé quand tu as été punie ? »

Autrefois, les familles Laurent et Fontaine étaient d'une puissance comparable, aucune ne prenait l'avantage sur l'autre.

Ces dernières années, après que Maxime a pris la direction de l'entreprise familiale Fontaine, avec sa détermination et ses décisions rapides, il a profondément modifié le fonctionnement de l'entreprise, creusant ainsi l'écart avec les Laurent.

Pourtant, la femme de Mathis n'était pas du genre à se laisser maltraiter de cette façon.

Les yeux clairs de Chloé brillaient d'une innocence délibérée lorsqu'elle a demandé : « Tu n'avais pas dit que tu avais une urgence quand tu es parti ? Je pensais que c'était vraiment important et que je ne devais pas te déranger. »

« … »

Mathis est resté sans voix.

Pendant un instant, il s'est demandé : s'il avait su que s'il empêchait Clara de sortir avec quelqu'un, cela causerait une blessure aussi grave à Chloé, aurait-il agi de la même façon ?

Alors qu'il hésitait, il a levé les yeux pour croiser ce visage si doux et soumis.

Une oppression a envahi sa poitrine, et il a pris la trousse à pharmacie, tout en nettoyant doucement les blessures, il a demandé d'une voix douce : « Pourquoi ne m'as-tu jamais parlé des punitions avant ? »

Chloé est restée silencieuse.

Parce qu'auparavant, elle a vraiment voulu être une bonne épouse pour Mathis. Elle a sincèrement cru qu'il serait un bon compagnon.

Aux yeux de tous, la famille Fontaine était sa famille d'origine. Combien de personnes osaient se plaindre à leur mari de leur propre famille d'origine ?

Elle n'était pas assez naïve pour ignorer qu'elle n'était pas la préférée de Mathis.

Elle savait depuis toujours que Mathis ne l'aimait pas beaucoup.

Mais elle a seulement découvert il y a quelques jours qu'il ne l'avait jamais aimée.

Heureusement, elle n'a jamais compté vivre grâce à l'amour de quelqu'un.

Les mains de Chloé posées sur ses jambes jouaient doucement avec ses doigts, sa voix était à peine audible : « Je ne veux pas que tu sois embarrassé entre moi et la famille Fontaine. »

« Après tout, le Groupe Laurent doit encore avoir des relations commerciales avec les Fontaine. »

Elle ne pouvait pas dire la vérité, alors elle s'est mise à raconter des bêtises avec sincérité.

Mais après l'avoir entendue, Mathis a eu comme un bloc dans la gorge, se sentant terriblement coupable envers elle. Sa maturité ne devait pas servir de prétexte pour la blesser.

Il a pris une profonde inspiration, a étouffé son malaise, puis il a passé la main dans les cheveux de Chloé en la cajolant : « Désolé, cette fois c'est moi qui ai mal agi. J'ai aussi oublié notre anniversaire de mariage il y a quelques jours, est-ce que tu veux un cadeau ? »

« Je te le donnerai sans faute. »

Maison, voiture, bijoux, sacs à main, ça marche.

Il était toujours généreux dans ce domaine.

« Hum… »

Chloé a réfléchi un instant avant de murmurer d'une voix claire : « Alors j'espère que tu aimeras le cadeau que je t'ai préparé pour ton anniversaire. »

« C'est tout ? »

« Oui. »

Elle a doucement hoché la tête.

À vingt ans, le souhait d'anniversaire de Chloé a été de se marier avec Mathis.

À vingt-quatre ans, son souhait était de quitter Mathis, proprement et définitivement.

En croisant le regard sincère de Mathis, Chloé a eu pour la première fois un léger sentiment de culpabilité.

Mais la seconde suivante, le téléphone de Mathis a sonné.

La sonnerie était différente de d'habitude, clairement une sonnerie personnalisée pour quelqu'un.

D'un coup d'œil, Chloé a vu l'appel affiché : Clara.

Mathis a décroché, et après avoir entendu ce que disait l'autre côté, il s'est levé brusquement, son visage s'est figé, « C'est grave ? Pourquoi tu n'as pas appelé le chauffeur pour venir te chercher ? Comment tu as pu te faire une entorse alors que tout allait bien ? »

« Envoie-moi ta localisation, j'arrive tout de suite ! »

Après avoir raccroché, il s'apprêtait à partir, mais il avait seulement nettoyé la moitié des blessures de Chloé, tenant encore un coton-tige imbibé de médicament dans sa main, ce qui le mettait dans une position délicate.

Chloé a tendu la main pour prendre le coton-tige, compatissante et compréhensive, lui offrant une porte de sortie : « Je peux le faire moi-même, tu devrais y aller si tu as quelque chose d'important à faire. »

Les enfants qui faisaient du bruit avaient plus de chances d'avoir des bonbons, mais la vie de Chloé était différente. Plus elle criait, moins elle en avait, et en plus elle se prenait une bonne réprimande.

Mais elle se disait qu'un jour, elle pourrait s'acheter des bonbons toute seule. Beaucoup, beaucoup.

« … D'accord. »

Mathis a poussé un soupir de soulagement, puis a expliqué machinalement : « C'est Clara qui est blessée, elle est seule avec l'enfant dehors, ce n'est pas pratique, je vais aller voir. »

Après avoir parlé, il a tourné les talons et s'est précipité vers la sortie.

Dans un élan étrange, Chloé a murmuré : « Mathis, pourquoi est-ce que je ne t'ai jamais entendu l'appeler belle-sœur ? »