LéaLa porte reste ouverte entre nous trois, et l'air est devenu lourd, chargé d'une tension que je ne parviens pas à dissiper. Je sens mon cœur s’alourdir, comme si chaque battement était un écho d'une réalité qui ne m'appartient pas. Ce que je croyais être un matin parfait vient de se briser en mille éclats, et l'incertitude m'envahit, me paralyse.Maxime, toujours figé derrière moi, semble être plongé dans un tourbillon d'émotions contradictoires. La confusion sur son visage est évidente, mais ce n’est pas la confusion qui me terrifie. C’est la possibilité qu’il ait un passé que je ne connais pas, un passé qu’il a choisi de taire. Et maintenant, tout ce silence me hurle qu’il y a bien plus entre nous que je n'aurais jamais imaginé.Je jette un dernier coup d'œil à la femme qui se tient devant nous. Son regard est honnête, presque implorant, et cela me touche d’une manière que je n’aurais pas anticipée. Elle est là, brisée mais déterminée, comme si elle portait le poids d’une vérité
LéaJe ne sais pas comment mes jambes me portent encore.La porte claque derrière moi, mais le bruit résonne en moi comme un coup de tonnerre. Je descends les escaliers sans me retourner. J’étouffe. L’air de l’appartement s’est transformé en poison, et j’ai eu besoin de m’enfuir avant de suffoquer pour de bon.La pluie m’accueille à la sortie de l’immeuble. Fine, glacée, elle perle sur ma peau comme une réponse muette à ce que je viens de vivre. J’aurais voulu qu’il me retienne. Qu’il dise mon nom autrement, sans cette voix brisée. J’aurais voulu qu’il sache quoi faire.Mais il est resté là. Perdu. Silencieux.Et maintenant, je marche dans les rues détrempées sans savoir où aller. Je pourrais appeler Inès. Je pourrais prendre un train. Je pourrais… disparaître, juste un moment. Mais je n’en ai pas la force.Ce que je ressens, c’est cette faille, immense, béante, entre ce que j’imaginais et la vérité. Et pourtant, malgré tout, je n’arrive pas à le haïr. Est-ce ça, aimer quelqu’un ? L’a
LéaIl est près de huit heures quand Inès arrive.Elle ne dit rien. Elle ne pose pas de questions. Elle se contente de m’ouvrir la portière et de m’attendre, moteur allumé, chauffage au maximum.Je m’installe à côté d’elle, trempée, glacée, épuisée. J’ai l’impression d’avoir laissé une part de moi dans cette nuit. Comme si la pluie avait lessivé ma peau jusqu’à la faire disparaître.Personne ne parle. Et c’est peut-être ce que j’aime le plus chez elle.Ce silence qu’elle sait remplir d’une présence entière. Pas un silence gêné, ni un silence d’attente. Un silence de ceux qui comprennent. Qui accueillent. Qui enveloppent.Je fixe la route par la vitre embuée pendant qu’elle conduit. Le jour se lève, timidement. Tout semble gris. Le ciel. L’asphalte. Mon cœur.Je n’ai pas dormi. Pas une minute. J’ai froid jusqu’aux os, et même l’intérieur de moi semble détrempé.Je repense à ses yeux, à Maxime, à la façon dont il m’a regardée. Ou plutôt… à la façon dont il a choisi de ne pas le faire.-
LéaJe n'ai pas fermé les yeux de la nuit.Le silence est lourd, comme une mer calme prête à engloutir tout ce qui se trouve à sa surface.Je n’ai plus de larmes. Il ne reste plus que des souvenirs qui me brûlent. J’ai pris ma décision, mais le poids de chaque mot échangé me semble toujours aussi lourd. Et pourtant, je ne veux pas me perdre dans l'attente, dans l'espérance fragile.Inès est partie tôt ce matin, comme d'habitude. Elle a eu l'air de comprendre que je voulais être seule, même si, une fois de plus, son absence me pèse. Je me retrouve ici, dans ce silence, face à cette solitude que je connais trop bien.Mon téléphone est posé devant moi, comme une promesse qu'il ne tiendra peut-être jamais. Son message résonne encore dans ma tête. Le son de ses mots, sincères ou non, ne me quitte pas. Si j’étais honnête avec moi-même, je dirais que je suis épuisée de cette lutte intérieure.Je suis fatiguée de l'incertitude, fatiguée de l’amour qui me ronge, fatiguée d’espérer qu’il vienne
LéaJe reste là, immobile, les yeux ancrés dans les siens. Son regard est un mélange de douleur et de détermination, et pourtant, il y a quelque chose de doux, d’infiniment sincère dans la façon dont il me fixe.Il n’a pas dit un mot. Il ne m’a pas prise dans ses bras. Il ne m’a même pas souri. Pourtant, il est là. Enfin là. Après tout ce temps.Je n’ai pas bougé. Je ne peux pas bouger. J’ai l’impression que mes jambes sont en béton. C’est étrange, mais cette scène m’est familière. Comme si tout ce qui s’était passé entre nous n’était qu’une préparation à ce moment précis. Mais, même si tout semble suspendu, mon cœur bat trop fort.Il franchit le dernier pas. Il est si proche que je peux sentir sa chaleur, et pourtant, un abîme de silence se creuse entre nous. J’ai l’impression qu’il attend quelque chose de moi, mais quoi ? Un mot, un geste, un regard… Je me demande ce qu’il attend de moi.Je prends une grande inspiration, puis je murmure, presque à moi-même :Léa— Tu as choisi de re
LéaJe ne sais pas pourquoi, mais quelque chose en moi s’est allégé. Il y a quelque chose de libérateur dans cette décision, dans le fait d’avoir accepté de lui accorder cette chance. Pourtant, ce n’est pas facile. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix, si c’est lui ou moi qui aurons la force de tout reconstruire. Mais je crois que la véritable question n’est pas de savoir qui a tort ou raison. C’est une question de volonté. De l’intensité des gestes, de la profondeur des actes. C’est là que tout va se jouer.Je me relève lentement, tout en maintenant son regard. Il reste immobile, à genoux devant moi. J’ai l’impression qu’il attend encore une réponse, une assurance. Mais je n’ai pas la force de lui donner des mots pleins de certitudes. Je veux qu’il comprenne qu’il doit me prouver quelque chose, mais de façon différente. Pas dans le discours, mais dans l’engagement.Léa— Je n’attends pas des promesses, Maxime. Je veux voir ce que tu fais. Parce que des paroles, j’en ai eu assez.
Léa & MaximeLéaIl y a ce silence entre nous, doux et fragile. Il a ma main dans la sienne, comme si ce simple contact suffisait à tout dire. Peut-être que, pour lui, c’est déjà immense. Un geste chargé d’espoir. De repentir. De promesse muette.Mais moi, je sens autre chose remonter. Une pensée enfouie. Un doute tenace. Un prénom.Clara.Je ne veux pas briser ce moment. Pas maintenant, alors que quelque chose en nous recommence à respirer. Mais je ne peux pas faire semblant. Pas si on veut repartir sur des bases honnêtes. Pas si je veux croire, vraiment croire, en ce qu’il prétend vouloir construire avec moi.Je retire doucement ma main de la sienne. Pas violemment. Juste assez pour poser une distance. Une frontière fine mais claire. Il fronce légèrement les sourcils. Je le vois. Il sent que quelque chose vient. Et il ne recule pas. Il ne fuit pas. Il attend.Léa— Et avec Clara… ça se passe comment ?Ma voix est calme. Presque posée. Mais à l’intérieur, c’est une tempête contenue.
MaximeElle ne part pas.Elle reste.Et dans ce silence entre nous, quelque chose respire encore.C’est minuscule. Un souffle.Mais assez pour me faire tenir debout.Léa est là, face à moi, les bras croisés, le visage fermé. Pas dans une colère explosive. Non. C’est plus dangereux que ça. C’est ce genre de calme qui précède les tempêtes. Où tout peut encore basculer. Où chaque mot compte.Je sens que je suis sur un fil. Et qu’un seul faux pas me renverrait dans ce vide que j’ai moi-même creusé.Je prends une longue inspiration.Maxime— Tu veux tout savoir, Léa ? Même les zones grises ? Parce qu’il y en a. Et je veux pas que tu t’embarques dans quelque chose d’injuste pour toi.Elle ne dit rien.Elle attend.Et je déteste ce silence, parce que je sais ce qu’il veut dire : elle me laisse une chance de dire la vérité. Une seule. Une vraie.Alors je parle.Maxime— J’ai été paumé. Vraiment. Avec Clara, j’ai cru que je pouvais faire ce qu’il fallait. Être un bon gars. Le père présent. Le
LéaLe jardin était redevenu silencieux.Comme s’il reprenait son souffle après tant de cœurs battants, de mots chuchotés et de souvenirs réveillés.Camille était partie.Son ombre s’était effacée lentement dans le halo doré de la nuit, et son sourire tremblant restait encore dans l’air, comme une dernière note tenue.Elle m’avait serrée fort. Pas pour me dire adieu, non. Pour dire qu’elle comprenait. Qu’elle me rendait ma place.Qu’elle m’aimait.Mon père aussi.Il avait le regard un peu perdu, comme s’il cherchait la petite fille que j’étais encore quelques instants plus tôt. Il ne m’avait pas parlé — il n’en avait pas besoin. Ses bras autour de moi avaient suffi.Et j’avais senti son front contre mes cheveux, son souffle sur ma tempe, ce soupir qu’il n’avait pas retenu.Puis Maxime avait tout doucement éteint les guirlandes.Une à une, les lumières avaient cligné, vacillé, puis rendu l’âme, comme des lucioles fatiguées.Il avait soufflé les bougies sans bruit, ramassé les verres, l
MaximeJe l’ai regardée s’éloigner vers la salle de bains, ses hanches ondulant avec cette aisance que j’avais vu revenir peu à peu, depuis qu’on était ici.Elle se reconstruisait.Et moi, je me reconstruisais avec elle.Quand j’ai entendu l’eau commencer à couler, longtemps, sans précipitation, j’ai pris mon téléphone.Deux appels. Pas plus.Mais deux essentiels.Son père.Et Camille.Je ne leur ai pas expliqué. Il n’y avait pas besoin.J’ai juste dit que j’avais besoin d’eux ce soir. Que c’était important. Que ça devait être simple. Vrai. Doux.Comme elle.Camille a eu mille réactions en une seconde.Elle a d’abord cru à une mauvaise nouvelle. Puis à une fête surprise. Puis à une demande en mariage.Et elle m’a balancé dans la même phrase : « T’as intérêt à pas faire ça à l’arrache, Maxime, je te jure. »Je lui ai dit de me faire confiance.Son père, lui, a été d’un calme qui m’a traversé comme un souffle.« Dis-moi l’heure. »Rien d’autre.Je crois qu’il savait.Ce type sent tout.
LéaLe matin est tombé sur la maison comme un voile de soie.Je me suis réveillée avant lui.Ou plutôt : je me suis laissée réveiller par la lumière.Elle entrait à flots, douce et dorée, comme si elle savait que c’était notre premier matin ici. Qu’il ne fallait rien brusquer. Rien forcer.Tout était encore en suspens.Des cartons posés contre les murs, des vêtements sans place, des objets silencieux sur les étagères vides.Mais dans le lit, ce matin-là, il y avait nous.Je suis restée allongée un moment, à l’écouter respirer derrière moi.Son torse effleurait mon dos.Son bras, en travers de mes hanches, me gardait là, ancrée.Ce n’était pas une étreinte possessive.Plutôt un fil invisible.Un attachement muet.J’avais envie de bouger, de me retourner. De le regarder dormir.Et puis non.Je voulais juste être là, dans cette lenteur neuve.Dans ce presque rien.Il y avait une paix dans ce lit qu’on avait déplacé la veille au soir, à la hâte, au milieu des rires fatigués et des draps f
LéaLe carton glisse entre mes doigts.Il n’est pas lourd. Pas vraiment. Mais mes bras tremblent un peu.Ce n’est pas la fatigue.C’est autre chose. Une onde invisible qui parcourt mon corps, entre la peur et l’excitation.Je suis debout au seuil de la maison.Notre maison.Maxime ouvre la porte devant moi, avec ce geste calme et précis qu’il a toujours eu, comme s’il savait exactement ce qu’il faisait — alors que je vois bien dans ses yeux qu’il est aussi bouleversé que moi.Le bois craque légèrement sous nos pas.L’air est un peu plus frais à l’intérieur. Et il y a cette odeur particulière — mélange de peinture, de poussière fine et de promesses.Il pose la main sur le chambranle, puis se tourne vers moi.« Bienvenue chez toi. »Je ne réponds pas.Je ne peux pas.Je regarde autour de moi, les murs nus, les fenêtres immenses, les éclats de lumière qui se posent déjà au sol comme des présences.C’est réel.Et irréel.Je pose le carton dans l’entrée.Et j’avance.---MaximeElle marche
LéaLa nuit avançait.À petits pas feutrés, comme si elle avait peur de troubler l’équilibre fragile qui s’était instauré entre nous.Je croyais que les émotions s’étaient déjà toutes exprimées.Que le cœur avait tout dit.Mais Maxime gardait encore quelque chose.Je le sentais dans sa respiration.Dans cette tension infime, nichée au creux de son silence.Il m’avait parlé d’amour.Il avait posé ses mains sur mon ventre, sur ce petit être à venir.Et moi, je m’étais laissée envelopper.Pas tout à fait rassurée.Mais un peu plus vivante.Et pourtant…Il y avait autre chose.Un éclat au fond de ses yeux.Une hésitation qui n’avait rien à voir avec le doute.Plutôt cette forme d’appréhension qu’on ressent juste avant de faire un pas important.Un saut.Il s’est redressé légèrement, sans me lâcher du regard.Comme s’il se préparait à me confier une vérité encore plus fragile.Et j’ai su.Qu’on allait franchir une autre frontière.« Il y a encore une chose que je dois te dire… »Sa voix ét
LéaIl était presque vingt-trois heures.La nuit avait recouvert la ville d’un silence dense, ponctué de quelques sirènes lointaines et du clapotis discret de la pluie contre les vitres.J’étais dans mon lit, mais pas vraiment là. Mon corps reposait, figé, alors que mon esprit flottait quelque part entre le regret, l’attente et la fatigue.Je ne pleurais plus.Je ne pensais plus pleurer.Mais chaque battement de cœur était une tension muette, un fil tendu à craquer.Je croyais qu’il ne viendrait pas.Je croyais que c’était fini.Qu’il n’y avait plus rien à dire.Et pourtant… quelque chose en moi résistait.Pas l’espoir — non. Plus ça.Mais un instinct, peut-être. Une mémoire.Et puis, la sonnette.Un son net, étrangement doux dans cette nuit suspendue.Mon cœur a cessé de battre pendant une seconde.Puis il est reparti, en désordre.Je suis restée figée.Quelques secondes à peine.Mais assez pour sentir ce qu’un simple « ding » pouvait réveiller.La peur. L’élan. La colère. Le manque.
LéaLe soir est tombé sans que je m’en aperçoive.Je suis restée longtemps dehors, après le départ de Clara.Assise sur ce banc, les mains dans les poches, le regard perdu entre les branches nues d’un arbre et les fenêtres allumées des appartements.Je ne savais pas encore quoi faire de ce moment.Ce qu’il représentait.Cette paix silencieuse qu’elle m’avait offerte. Ce renoncement sans violence.Comme un cadeau involontaire.Ou un adieu muet.J’étais rentrée lentement. Les jambes lourdes, le cœur en apnée.L’appartement était resté tel que je l’avais laissé : vide, tiède, immobile.Et cette fois, ce n’était pas seulement le silence…C’était l’absence.---Je me suis glissée dans le lit sans allumer la lumière.Je voulais rester dans l’ombre, là où mes pensées pouvaient flotter sans être jugées.Je crois que c’est là que j’ai pleuré.Pas bruyamment. Pas comme dans les films.Mais ces larmes muettes, longues, chaudes, qui coulent sans même secouer les épaules.Celles qui lavent ce qu’o
LéaJe suis restée seule, assise sur le canapé, longtemps après son départ.Le silence s’était refermé comme une chape sur la pièce. Trop dense. Trop lourd. Trop vrai.Tout semblait suspendu. Comme si le temps lui-même retenait son souffle.Il n’y avait plus de cris, plus de battements furieux, plus d’illusions. Seulement cette vérité brute qui tenait encore dans l’air, comme un résidu amer sur la langue.J’ai posé une main sur mon ventre, par réflexe.Comme pour me rappeler ce que je portais.Comme pour lui dire, à ce petit être à peine perceptible : Je suis là. Je tiens. Je ne bouge pas. Même si tout autour vacille.Je ne savais pas si j’étais soulagée ou anéantie.C’était sans doute un mélange des deux.Un étrange vertige entre lucidité et douleur.Il avait été honnête. Brutalement honnête. Et ça faisait mal.Mais j’en avais besoin. Parce qu’il fallait ça, cette clarté, même tranchante.Je ne voulais plus être celle à qui l’on cache. Celle à qui l’on ment pour “la protéger”.J’étai
LéaEt je ne voulais pas qu’elle nous rattrape plus tard, comme un poison lent. Je ne voulais pas faire semblant. Plus maintenant. J’avais trop vécu dans les demi-mots, les silences chargés, les zones grises. J’avais trop laissé les autres écrire les lignes de ma vie.Alors je me suis reculée. Juste assez pour qu’il comprenne que ce que j’allais dire comptait. Que ce n’était pas un caprice. Que c’était important. Inévitable.« Et Clara ? »Il a figé.Un battement de paupières. Un silence dense. J’ai senti quelque chose se tendre sous sa peau, comme un fil qui menace de rompre.Je l’ai regardé droit dans les yeux. Sans colère. Sans hargne. Juste avec cette force calme qu’on apprend quand on n’a plus rien à perdre. Quand on a déjà tout perdu une fois.« Elle est aussi enceinte de toi. Qu’est-ce que tu comptes faire ? »---MaximeJ’aurais voulu qu’elle ne le sache pas. Mais bien sûr qu’elle savait.Léa a toujours su voir au-delà des mots. Au-delà des silences. Elle sent les failles, mê