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Chapitre 6

Chapitre 6

Le soir même, Gustave presse Augusto de questions : comment peut-il tolérer ces agissements et ces discours ? Que font-ils dans ce pensionnat ? Pourquoi lui a-t-il parlé de compétition entre eux, qu’entend-il par là ?

Son camarade, gêné, explique que l’institut a été construit pour permettre aux tortionnaires du monde entier de laisser une trace de leurs « recherches », de leurs techniques, afin de former l’élite de demain.

– Si tu es ici, c’est que ton père a été élève ici, comme le mien, et qu’il te destine à de grands projets, conclut-il.

Gustave commence à comprendre que dans les salles de travaux pratiques, ils ne font pas de la chimie ou de la mécanique : ils sont évalués sur leur mémoire, mais aussi sur leur résistance et leur cruauté.

– Tu ne dois pas faire ton dégoûté, mais il ne faut pas qu’ils pensent que tu te délectes non plus : nous sommes ici pour servir une cause, comme d’autres l’ont fait avant nous, récite Augusto. Il précise : L’école permet en outre de se faire remarquer, et les meilleurs éléments sont embauchés dès leur sortie : ils n’ont pas à se faire de soucis pour leur avenir... Donc, même si c’est dur au départ, tu dois te contenir, car ils sont partout ! Ils te voient, t’entendent, et si tu ne te comportes pas comme ils l’attendent...

– Ben quoi ? reprit Gustave, ils te mettent dehors ? Moi ça me va, je n’ai qu’une envie, c’est de me casser d’ici !

– Tu crois vraiment qu’ils te laissent partir, avec ce que tu sais ? Ah non mon vieux, ici, soit tu fais profil bas, soit tu disparais... Et personne n’a plus de tes nouvelles. En même temps, les crocodiles pullulent dans le fleuve Amazone, c’est utile pour éviter les questions.

– Et les parents ? Ils ne cherchent pas à savoir ce que sont devenus leurs enfants ?

– Tu n’écoutes pas ce que je te dis ? Nos parents sont passés par ici, et si tu y es inscrit, c’est parce qu’ils veulent que tu vives l’équivalent de ce qu’ils ont traversé... Ils connaissent les conséquences, ils les acceptent même ! 

Gustave réfléchit à la réaction de son père s’il apprenait qu’il avait échoué. Il ressentirait de la colère, sans doute, de la honte aussi... mais serait-il triste ? Il n’en est pas si sûr... Cette pensée l’accable plus qu’il ne le voudrait. Il s’en veut immédiatement de ne pas savoir se protéger de cet homme qui le fait tant souffrir.

Les adolescents gardent plus ou moins le silence pendant le reste de la soirée et, alors qu’ils se préparent à se coucher, un surveillant d’une trentaine d’années ouvre la porte. Il explique :

– Augusto, nous avons besoin de toi. Votre camarade de chambre est arrivé, il faut que tu ailles l’accueillir.

– D’accord, je viens tout de suite, le temps de me rhabiller, répond le jeune homme.

Le surveillant ferme la porte et Augusto se tourne vers Gustave :

– Attention, cette conversation doit rester privée, on ne sait pas qui IL sera, dit-il, montrant le troisième lit d’un mouvement du menton.

Il regarde Gustave droit dans les yeux, il rajoute :

– Et ici, c’est une question de vie ou de mort.

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