Tour Centurion, étage 38. Le cœur de la capitale battait en contrebas, mais ici, loin du tumulte, se jouaient d’autres batailles. La salle de conférence privée, ovale, aux murs insonorisés, baignait dans une lumière chaude et tamisée. L’atmosphère était feutrée, presque religieuse, mais la tension était bien réelle.Une quinzaine d’hommes — politiciens, généraux à la retraite, barons de l’industrie, quelques figures du renseignement — étaient assis autour de la grande table en bois massif. Tous puissants. Tous silencieux.Et au centre de cette constellation de pouvoir : Nathan.Costume trois pièces sur mesure, montres discrètes mais luxueuses, regard perçant sous des paupières mi-closes. Il parlait peu. Il n’en avait pas besoin. Sa réputation parlait pour lui : stratège, influenceur de l’ombre, maître des équilibres instables. Il n’avait jamais eu besoin d’un titre officiel pour gouverner.À sa droite, deux anciens ministres au visage fermé. Des hommes d’expérience, qui savaient lire
Le soleil d’avril caressait doucement les trottoirs propres du quartier en pleine gentrification. Autrefois décrépite, la rue s’était transformée : façades repeintes, arbres plantés, trottoirs élargis. Au coin de l’artère principale, "Chez Rose & Fils" attirait les regards.La devanture était flambant neuve : lettres dorées sur fond noir mat, grandes baies vitrées brillantes, une terrasse en bois clair ornée de fleurs fraîches dans des pots en céramique. Les serveurs, chemises blanches impeccables et tabliers noirs, naviguaient entre les tables avec efficacité. Des rires discrets montaient des conversations feutrées.Fabrice, derrière le comptoir, observait tout. Chemise crème soigneusement repassée, bras nus révélant un bracelet discret, cheveux courts parfaitement taillés. Il n’avait pas seulement changé d’apparence — il avait changé de statut.Il vérifiait la caisse d’un œil, suivait les gestes des serveurs de l’autre, saluait les habitués d’un signe de tête maîtrisé. On l’appelait
La nuit était tombée depuis longtemps, et le silence du lac donnait à l’endroit un aspect presque irréel. Une villa ultra-moderne, posée à flanc de colline, surplombait les eaux sombres. Pas de voisins. Aucun bruit de ville. Juste le crépitement d’un feu dans une cheminée extérieure, entouré de fauteuils en cuir noir.Le Boss, habituellement en position de force, était ce soir l’homme en retrait. Son regard, froid mais attentif, était tourné vers la silhouette assise en face de lui.L’homme ne bougeait presque pas. Son visage restait caché par les ombres, mais chaque mot qu’il prononçait semblait porter plus de poids qu’un coup de feu.— Les jeunes sont prêts ? demanda-t-il, voix calme, basse, presque rassurante. Mais glaciale.Le Boss se redressa légèrement, sur la défensive malgré lui.— Oui, Patron. Ils ont été formés dans les opérations précédentes. Discrets. Efficaces. Pas de traces, pas de bavures.— Et loyaux ?Un petit silence. Le genre de silence qui teste la sincérité.— Aut
Fabrice avait trente ans, mais son cœur semblait encore chercher sa voie. Il vivait dans une petite maison délabrée, nichée au fond d’une ruelle poussiéreuse de la ville. Les murs, usés par le temps, portaient les marques d’un passé difficile. Le toit fuyait parfois, et les meubles craquaient sous le poids des années, mais c’était leur maison. Il y vivait avec sa mère, Jeanne, et sa petite sœur, Diane, une adolescente de quinze ans, studieuse et rêveuse.Leur lien familial était profond, tissé de souffrances et de silences partagés. Jeanne, la mère, était une femme digne malgré l’usure du temps. Elle travaillait depuis toujours comme cuisinière dans une petite école primaire. Chaque soir, elle rentrait épuisée, mais le sourire revenait aussitôt qu’elle posait les yeux sur ses enfants.Fabrice, lui, vivait dans l’ombre. Depuis ses seize ans, il avait choisi une voie risquée : vols à la tire, cambriolages, deals clandestins. Il n’était pas violent, pas par nature, mais il avait compris
rideaux élimés de la chambre de Fabrice, quand son téléphone vibra sur la table de chevet. Encore ensommeillé, il tendit le bras et regarda l’écran : Winner : “Gros coup ce soir. Trois boîtes de nuit. On vide les coffres. Tu viens ou pas ?”Il resta figé quelques secondes. Ce n’était plus un petit vol improvisé. Trois établissements, une seule nuit. Un plan risqué, mais sûrement très rentable. Il prit une grande inspiration, balaya du regard la pièce défraîchie où sa sœur dormait dans l’autre chambre, et répondit : “J’suis là.”---La nuit tomba rapidement. Les rues de la ville prenaient leur visage nocturne : néons, klaxons, cris lointains et basses sourdes des clubs en activité. Dans une voiture banalisée garée dans une ruelle peu éclairée, Winner, Fabrice, et deux autres gars – Lewis et Kévin, attendaient. Le moteur ronronnait faiblement.Fabrice (tendu) :— Trois clubs dans la même nuit ? Sérieusement ? Tu vises la prison ou quoi ?Winner (calme, un sourire froid aux lèvres) :—
Deux semaines plus tard, tout avait changé. Comme si le vent avait tourné. La misère semblait s’être éloignée, remplacée par une étrange sensation de calme et de fierté.Fabrice venait de signer le bail d’une petite maison neuve, légèrement en retrait du tumulte du centre-ville. Elle n’était pas grande, mais elle était propre, fraîchement peinte, et surtout… saine. Plus de murs qui s’effritent, plus de toit qui goutte. Trois chambres, un petit jardin où pousseraient bientôt quelques fleurs, et une cuisine avec des carreaux blancs impeccables.Le jour de l’emménagement, sa mère resta longtemps sur le pas de la porte, les mains sur la bouche.— Mon Dieu… c’est vraiment pour nous, ça ? C’est pas un rêve ? souffla-t-elle.Fabrice rit doucement.— Touche les murs, maman. C’est bien réel.Elle posa sa main sur le chambranle de la porte, comme pour en vérifier la solidité.— Tu es sûr qu’on peut payer ça chaque mois ? Fabrice… je ne veux pas de dettes. Je ne veux pas de mauvaises surprises.
Le rideau de fer du restaurant glissa lentement dans un bruit grinçant qui résonna jusque dans les entrailles de la rue endormie. Le quartier, si animé le jour, se vidait peu à peu, ne laissant que les murmures des vendeuses qui rangeaient leurs étals et les derniers éclats de rires de clients repus.Rose, les bras chargés d’un panier de provisions à moitié vide, essuya son front avec le coin de son torchon.— Quelle journée, mes enfants… soupira-t-elle. Quelle journée !— On a eu presque le double de clients par rapport à hier, annonça Diane, la voix pleine de fierté. Et une dame a dit qu’elle reviendra juste pour tes beignets, maman !— Les beignets à la banane, hein ? demanda Fabrice avec un sourire. Je t’avais dit que c’était ta meilleure arme secrète.Rose éclata de rire en prenant Diane dans ses bras.— Toi aussi, t’as bien travaillé, ma chérie. T’as été rapide à la caisse ! Une vraie petite commerçante.Diane gonfla la poitrine avec orgueil.— Et j’ai rendu la monnaie juste, he
À l’autre bout de la ville, bien loin du cliquetis des casseroles de Rose, des rues cabossées de Yassa et des rendez-vous louches dans des dépôts abandonnés, s’élevait La Maison du Haut.Une villa majestueuse, perchée sur une colline résidentielle, entourée d’un mur en pierres blanches et d’une grille automatisée qui coulissait sans bruit. Devant la grille, deux vigiles en uniforme bleu nuit surveillaient les allées et venues, oreillette vissée à l’oreille, main toujours proche de la hanche.Le jardin, lui, ressemblait à une brochure de paysagisme : haies parfaitement taillées, allées en marbre rose, et une fontaine centrale en forme de fleur de lys. Le genre d’endroit où même le vent semblait discipliné.À l’intérieur, la salle à manger baignait dans une lumière naturelle filtrée par des rideaux crème. Sur une longue table en acajou, le petit-déjeuner resplendissait : jus de grenade fraîchement pressé, salades de fruits tropicaux, viennoiseries dorées à point, charcuterie fine, froma
La nuit était tombée depuis longtemps, et le silence du lac donnait à l’endroit un aspect presque irréel. Une villa ultra-moderne, posée à flanc de colline, surplombait les eaux sombres. Pas de voisins. Aucun bruit de ville. Juste le crépitement d’un feu dans une cheminée extérieure, entouré de fauteuils en cuir noir.Le Boss, habituellement en position de force, était ce soir l’homme en retrait. Son regard, froid mais attentif, était tourné vers la silhouette assise en face de lui.L’homme ne bougeait presque pas. Son visage restait caché par les ombres, mais chaque mot qu’il prononçait semblait porter plus de poids qu’un coup de feu.— Les jeunes sont prêts ? demanda-t-il, voix calme, basse, presque rassurante. Mais glaciale.Le Boss se redressa légèrement, sur la défensive malgré lui.— Oui, Patron. Ils ont été formés dans les opérations précédentes. Discrets. Efficaces. Pas de traces, pas de bavures.— Et loyaux ?Un petit silence. Le genre de silence qui teste la sincérité.— Aut
Le soleil d’avril caressait doucement les trottoirs propres du quartier en pleine gentrification. Autrefois décrépite, la rue s’était transformée : façades repeintes, arbres plantés, trottoirs élargis. Au coin de l’artère principale, "Chez Rose & Fils" attirait les regards.La devanture était flambant neuve : lettres dorées sur fond noir mat, grandes baies vitrées brillantes, une terrasse en bois clair ornée de fleurs fraîches dans des pots en céramique. Les serveurs, chemises blanches impeccables et tabliers noirs, naviguaient entre les tables avec efficacité. Des rires discrets montaient des conversations feutrées.Fabrice, derrière le comptoir, observait tout. Chemise crème soigneusement repassée, bras nus révélant un bracelet discret, cheveux courts parfaitement taillés. Il n’avait pas seulement changé d’apparence — il avait changé de statut.Il vérifiait la caisse d’un œil, suivait les gestes des serveurs de l’autre, saluait les habitués d’un signe de tête maîtrisé. On l’appelait
Tour Centurion, étage 38. Le cœur de la capitale battait en contrebas, mais ici, loin du tumulte, se jouaient d’autres batailles. La salle de conférence privée, ovale, aux murs insonorisés, baignait dans une lumière chaude et tamisée. L’atmosphère était feutrée, presque religieuse, mais la tension était bien réelle.Une quinzaine d’hommes — politiciens, généraux à la retraite, barons de l’industrie, quelques figures du renseignement — étaient assis autour de la grande table en bois massif. Tous puissants. Tous silencieux.Et au centre de cette constellation de pouvoir : Nathan.Costume trois pièces sur mesure, montres discrètes mais luxueuses, regard perçant sous des paupières mi-closes. Il parlait peu. Il n’en avait pas besoin. Sa réputation parlait pour lui : stratège, influenceur de l’ombre, maître des équilibres instables. Il n’avait jamais eu besoin d’un titre officiel pour gouverner.À sa droite, deux anciens ministres au visage fermé. Des hommes d’expérience, qui savaient lire
Au sommet de la colline d’Ébène Heights, quartier ultra-sécurisé où les regards indiscrets n’avaient jamais accès, trônait un immeuble moderne aux murs de verre et d’acier. Dernier étage. Penthouse privatisé. Un ascenseur sécurisé y menait, protégé par reconnaissance digitale et code biométrique. Seuls les hommes du Patron pouvaient y accéder. Ce soir-là, l’atmosphère était lourde, tendue, comme si même le luxe retenait son souffle.La salle de réunion privée du Boss était une œuvre d’architecture froide et impeccable. Le sol, en marbre noir miroir, reflétait les lumières tamisées du plafond. Un aquarium géant longeait le mur du fond, peuplé de poissons exotiques, seul mouvement visible dans cette ambiance figée. Un bar minimaliste brillait à gauche, et au centre, une immense table en verre trempé, encadrée de fauteuils en cuir anthracite.Fabrice, Winner, Lewis, Max et Steve étaient déjà installés. Aucun ne parlait. Même les respirations semblaient mesurées.La porte coulissante s’ou
Il était 22h30. Une nuit sans lune. Le ciel, vaste drap d’encre, enveloppait la ville d’un silence oppressant. L’air était tiède, presque lourd, comme chargé d’électricité. Dans les rues chics de la commune résidentielle de Kambassi, les villas se succédaient, gardées par des murs hauts, des caméras et des alarmes dernier cri. Mais celle qu’ils visaient ce soir-là… se voulait trop discrète pour éveiller les soupçons. Une villa aux lumières toujours éteintes, aux allées bien entretenues, sans chien, sans jardinier. L’objectif.Garé à deux rues de là, un 4x4 noir aux vitres teintées vibrait faiblement, moteur éteint, système de refroidissement en veille. À l’intérieur, Max, silhouette fine, lunettes rectangulaires, tapait frénétiquement sur un clavier portatif branché à une console improvisée. Trois écrans montraient en direct les abords de la maison.— Caméra nord désactivée. Sud aussi. Est clignote, mais j’ai la main. On est bons, dit-il dans le micro, ses doigts dansants sur le pavé
La salle de réunion était une œuvre d’art du pouvoir silencieux. Les rideaux en velours rouge tombaient lourdement des plafonds hauts, étouffant les bruits comme pour mieux contenir les secrets. Les fauteuils en cuir fauve encerclaient une table ovale en bois massif, vernie à la perfection. Chaque place était équipée d’un verre en cristal, d’un carnet de notes en cuir et d’un stylo gravé au blason de la Commission Stratégique d’Aménagement National.Les hommes présents portaient des costumes cousus main, mais c’était dans leurs regards que brillait le véritable tissu du pouvoir : assurance, méfiance, calcul.Vital entra le dernier. Costume bleu nuit ajusté, cravate rouge sombre, attaché-case en cuir de crocodile. Il avança d’un pas fluide, le visage barré de ce sourire poli qui ne touchait jamais les yeux. Il serra quelques mains avec la chaleur mécanique d’un robot bien programmé, distribua des tapes dans le dos, effleura des épaules… et s’assit enfin, face à Nathan, déjà installé.N
Chapitre 15 : Le bon fils… ou le bon menteur ?Le soleil de midi cognait dur, transformant le petit restaurant familial en une étuve où les ventilateurs semblaient tourner dans le vide. Mais malgré la chaleur étouffante, l’ambiance était à la fête. Les tables ne désemplissaient pas, les marmites chantaient sur les réchauds, et la caisse tintait régulièrement.Diane courait d’un bout à l’autre avec deux assiettes pleines, pendant que leur mère surveillait les commandes, le visage ruisselant mais le cœur léger.Fabrice, lui, s’était éclipsé discrètement derrière le comptoir. Il tenait une lourde liasse de papiers, les doigts un peu moites, le regard oscillant entre confiance et anxiété.— Maman, j’ai réfléchi à tout ça, dit-il, un sourire nerveux aux lèvres. Il est temps qu’on agrandisse le resto.Elle leva les yeux de son cahier de comptes.— Agrandir ? Tu veux dire casser les murs ?— Oui. Et construire une terrasse couverte ici, là où y a le vieux banc. On refait le carrelage, on mod
L’aube naissait à peine, déchirant le ciel de ses premières lueurs grises. Le silence de la chambre de Fabrice fut brisé par une vibration discrète. Son téléphone clignotait sur la petite table de nuit branlante, juste à côté de sa montre et de quelques billets froissés.À moitié endormi, il tendit la main, déverrouilla l’écran. Un message court, sec, comme toujours :> Winner : "Gros plan à discuter. On se voit dans la journée. Reste chaud."Fabrice soupira, se frotta les yeux, puis répondit :> Fabrice : "Pas de souci. J’me libère après le resto. On reste discrets."Il jeta un coup d’œil vers Diane, endormie dans le lit voisin. Son souffle régulier, sa main serrée contre un coussin. Il ne voulait pas l’éveiller. Il se leva doucement, posa les pieds nus sur le sol froid. Une nouvelle journée commençait, entre les apparences… et l’ombre.—Pendant ce temps, à l’autre bout de la ville, le monde des puissants s’animait dans un tout autre décor.Un hôtel cinq étoiles, aux murs de marbre
La nuit était tombée depuis longtemps, enveloppant le quartier d’une obscurité paisible, seulement troublée par quelques échos lointains : une moto qui passait, un enfant qui pleurait, un téléviseur allumé derrière une fenêtre.Le petit restaurant familial venait tout juste de fermer ses portes. La lumière blafarde de la devanture s’était éteinte, laissant place au silence de la fin de journée. À l’intérieur, l’ambiance était calme, presque sacrée. Les bruits métalliques des couverts rangés, des verrous tournés, des balais frottant le sol composaient une dernière mélodie de labeur.Diane, 10 ans, sautillait entre les tables, empilant les chaises comme elle pouvait. Son uniforme d’école était froissé, mais ses gestes étaient pleins d’entrain. Leur mère, les traits tirés par la fatigue mais l’œil encore vigilant, vérifiait les chiffres du jour sur un vieux cahier de comptes.Fabrice, balai en main, jetait des regards réguliers vers sa montre. Il sentait l’heure tourner, non pas comme un