LénaLa nuit s'efface lentement. Pas d'un coup. Pas brutalement. Elle recule à pas feutrés, comme un fauve las qui cède enfin la place au jour. Et moi, je suis là. Assise dans les ruines, le dos calé contre une colonne fendue, les jambes repliées, le regard perdu dans l’invisible.Alexio dort encore. Son souffle régulier berce le silence. Sa main ne m’a pas quittée de la nuit. Il l’a gardée contre la sienne, agrippée comme on agrippe un fil de vie. Un ancrage. Une promesse.J’observe les ombres glisser le long des pierres. Chaque recoin de ce manoir détruit murmure une histoire. Je reconnais là les dalles où il s’est effondré. Là, l’endroit où le Cri a tout fendu. Et plus loin, la cloison calcinée, noircie par le feu d’un monde que nous avons presque laissé gagner.Mais ce matin, il y a autre chose. Une clarté naissante. Une douceur que je n’avais plus ressentie depuis des mois. Pas de cris. Pas de fuite. Pas de Cercle, de malédiction, de pacte à trahir. Seulement l’air. Frais. Chargé
LénaLe vent s’est calmé.Le manoir est toujours éventré, ouvert aux étoiles comme une carcasse blessée qui ne sait plus se refermer. Les murs sont éclatés, noircis par les flammes d’hier, et pourtant ils tiennent encore, par miracle ou par défi. Le toit s’est effondré par endroits, laissant la nuit couler jusqu’à nous. Des morceaux de charpente pendent au-dessus de nos têtes, vestiges suspendus d’un monde qui s’est effondré.Mais cette nuit… il y a un silence plus doux. Un silence qui ne fait pas peur. Une trêve. Une respiration que l’univers nous accorde, entre deux douleurs, entre deux batailles. Une parenthèse volée aux ruines.L’air sent la pierre brûlée, la suie, la terre humide. Mais aussi… autre chose. Quelque chose de plus vivant. Plus doux. Le parfum de l’après. Le parfum d’une nuit qui n’appartient qu’à nous.Je retourne près de lui.Alexio dort à demi, le torse nu sous les draps que j’ai tirés tant bien que mal entre deux pans de mur qui tiennent encore debout. Ses cheveux
LénaLe manoir respire encore. D’un souffle rauque, brisé. Comme un mourant qui s’accroche à sa dernière exhale.Mais moi, je suis vivante.Je tiens Alexio contre moi. Son corps tremble. Pas de douleur. Pas de peur. Juste… de la mémoire.Ce qu’il a vu là-bas ne s’oublie pas. Ce qu’il a été… ne se guérit pas. Il y a quelque chose de cendre dans ses yeux, un éclat fendu qu’aucune lumière ne pourra jamais totalement réparer.Je passe mes doigts sur sa joue.Il ferme les yeux, comme si ce simple geste suffisait à éloigner les hurlements du passé.Alexio— C’était une prison faite de moi. Chaque pas, une faute. Chaque souffle, une sentence. Tout était moi. Et rien n’était vivant.Léna— Tu n’y retourneras plus.Il ne répond pas.Pas parce qu’il doute de moi. Mais parce qu’il sait : certains enfers collent à la peau. Certains gouffres s’accrochent à l’âme, et murmurent, même quand on s’en croit sorti.Ezra (abasourdi)— Comment… comment t’as fait ça ? Léna, t’étais pas censée… Tu étais part
Le monde ne respire plus.L’air est figé. Comme suspendu dans une attente qui ne viendra jamais. Je suis debout dans les ruines du Cercle, mais tout semble m’avoir quittée. Mon souffle. Ma voix. Ma lumière.Je suis seule. Et pourtant, leurs pas résonnent autour de moi. Leurs silhouettes se meuvent lentement dans l’ombre, comme si le moindre mouvement pouvait briser l’illusion que tout cela n’est qu’un cauchemar.Les murs suintent un silence qui saigne. Le cercle est brisé, les runes mortes. Le manoir n’est plus qu’un tombeau sans nom, et au centre… le vide. Une absence si vaste qu’elle dévore tout.Alexio n’est plus là.Je ne l’ai pas vu partir. Pas vraiment.Je l’ai senti s’éteindre.Comme un feu qu’on noie sous la cendre.Un souffle coupé.Un cri avalé.LénaJe reste figée, la main toujours tendue vers l’endroit où il a disparu. Comme si je pouvais encore le retenir. Comme si le simple geste de ma volonté suffisait à renverser l’impossible. Comme si l’amour suffisait à défier la mor
Un silence ancien hante le manoir.Pas celui du repos.Pas celui de la paix.Un silence qui écoute. Qui observe. Qui attend.Je me tiens debout dans la salle principale. Les murs de pierre suintent une humidité presque vivante. Chaque torche vacille, comme si elle hésitait à défier les ténèbres qui s’amassent, à répandre sa lueur sur ce qui ne devrait plus exister. L’air est plus froid qu’il ne devrait. Dense. Comme si chaque respiration avalait un peu de cendre.Je sens les regards.Léna. Son cœur bat trop vite.Ezra. Silencieux, tendu comme un arc.Elara. Prête à fuir ou à tuer, elle-même ne sait pas encore.Et au fond, un autre.Marcus.Le messager du passé.Marcus— Le Cercle Noir ne se réveille pas seul. Ils ont été appelés.Alexio— Par qui ?Il ne répond pas tout de suite. Il s’avance, ses bottes résonnant sur les dalles anciennes comme une sentence. Son manteau effleure les colonnes sculptées de glyphes oubliés. Il marche comme un homme qui connaît les ruines du monde.Marcus
Un battement.Profond.Puissant.Ancien.Ce n’est pas mon cœur.C’est le sang.Un appel viscéral, une soif que je croyais maîtriser mais qui, en cet instant, est plus forte que jamais.La TentationLéna fronce les sourcils. Elle sent le changement en moi.Elle recule légèrement, pas par peur, mais par instinct.Léna— Tu as besoin de te nourrir.Je secoue la tête.Alexio— Non. Pas maintenant.Elle pose une main sur ma joue, forçant mon regard à croiser le sien.Léna— Si tu ne le fais pas, ce sera pire.Elle a raison.Je le sais.Mais quelque chose en moi résiste.Parce que je sais que cette fois, ce ne sera pas comme d’habitude.Ce n’est pas une simple faim.C’est un gouffre.Une nécessité.Lorian a réveillé en moi ce que j’ai passé des siècles à enterrer.Je ferme les yeux, luttant contre l’appel du sang.Mais Léna ne me laisse pas fuir.Elle prend ma main, l’attire contre elle.Son pouls bat sous ma paume.Régulier.Vivant.Léna— Prends ce dont tu as besoin.Je recule brusquement
Lorian se redresse lentement. Des débris tombent autour de lui, mais il n’a pas une égratignure.Lorian— Intéressant.Il époussette nonchalamment son manteau, comme si rien ne s’était passé.Puis il me fixe.Lorian— Tu es toujours aussi impulsif.Je serre les dents. Mes muscles tremblent sous l’effort. Son pouvoir m’écrase, m’enveloppe, me traîne vers l’abîme d’où je suis censé venir.Mais je refuse.Je me redresse.Les ténèbres palpitent autour de nous, comme une bête affamée attendant son heure.Léna— Alexio, on doit partir.Sa main attrape mon poignet, essayant de m’attirer vers la sortie.Mais Lorian s’interpose en un battement de cils.Son ombre s’étire, se mêle aux pierres brisées.Lorian— Partir ?Son rire est une lame.Lorian— Tu crois qu’il peut fuir ce qu’il est ?Il tourne son regard vers Léna, et cette fois, il n’y a plus d’amusement.Seulement du jugement.Lorian— Tu n’as pas idée de ce qu’il représente.Léna ne bronche pas.Léna— Je sais qui il est.Un éclat trave
Léna Un frisson glacé parcourt mon échine.Nous avons brisé le cycle.Mais certaines forces ne supportent pas qu’on défie leur volonté.Un rire s’élève, venu de l’ombre. Profond. Ancien.Froid comme la mort.La vraie menace ne faisait que commencer.Un souffle glacé traverse le temple. Le sol vibre sous nous, comme si la terre elle-même retenait son souffle. L’Ancienne reste impassible, mais je devine une lueur d’alerte dans son regard.Puis, une voix s’élève.Un murmure, d’abord indistinct, puis plus clair. Un rire, grave, résonne dans l’immensité de la salle.???— Tu crois avoir brisé tes chaînes, Alexio ?Je me fige. Ce ton… Ce timbre de voix.Il vient de l’ombre même, d’un endroit où la lumière n’a jamais existé.Léna se rapproche instinctivement, sa main serrée autour de mon bras.Léna— Qui… qui est là ?Une silhouette se détache de l’obscurité. Lentement. Sûrement.Son pas est léger, mais chaque mouvement fait trembler les fondations du temple. Il n’est pas simplement là. Il
Alexio— Nous n’avons plus le choix.L’Ancienne incline la tête, puis tend une main vers nous. Une brume sombre s’élève du sol, s’enroule autour de nos corps, et en un instant, le monde bascule.Le Jugement du SangNous ne sommes plus dans le temple. Autour de nous, une mer de ténèbres s’étend à l’infini. Seule une plateforme de pierre nous soutient, suspendue dans le néant.Des ombres surgissent. Des silhouettes déformées, des fragments de souvenirs, des éclats de douleur.Puis, une scène prend forme devant nous.Léna— C’est…Son souffle se coupe. Nous voyons un homme et une femme. Un amour interdit. Un serment brisé.Et une trahison.Les images défilent comme une tempête, trop rapides, trop violentes. L’homme—un vampire—et la femme—humaine—avaient défié les lois de leur monde. Mais leur amour avait été leur perte.Elle avait été sacrifiée. Lui, condamné à l’errance éternelle.Leur malédiction n’avait pas pris fin avec eux. Elle s’était transmise, génération après génération… jusqu’