DAMIENJe l’ai regardée partir.Son dos droit. Son pas parfaitement rythmé. Comme si ce déjeuner n’avait été qu’un interlude sans importance. Comme si mes questions ne l’avaient pas effleurée. Comme si le mensonge qu’elle a sculpté dans ses réponses pouvait encore me faire douter.Mais je ne doute plus.Je sais.Et je suis fatigué de faire semblant de ne pas savoir.Elle pense encore que c’est réversible. Que le contrôle peut lui offrir une issue. Que son calme est un camouflage efficace. Elle ne comprend pas que je l’ai déjà traversée. Que je l’ai lue de l’intérieur. Et que ce qu’elle essaie de me cacher me hurle à la figure plus fort que n’importe quelle vérité.Je ne suis pas l’homme qui exige des aveux.Je suis celui qui agit.Alors ce soir, c’est moi qui fixe les règles.Pas pour l’humilier. Pas pour la briser.Pour la réveiller.Pour lui montrer que ce lien qu’elle a distordu je suis encore capable de le tordre plus fort qu’elle. Et qu’elle devra choisir : obéir… ou perdre.ÉLOD
ÉLODIEIl est 1h47 quand j’entre chez moi.Je ne mets pas la lumière tout de suite. Je reste là. Dos contre la porte. Immobile. Les doigts crispés sur le métal de la serrure comme s’il pouvait encore me retenir, comme si un retour en arrière était encore possible.Mais il ne l’est pas.Le silence me tombe dessus comme une chape. Épais. Viscéral. Je l’accueille. Parce qu’il me permet de faire le tri. De me désassembler. De me recomposer.Mon téléphone est resté muet. Aucun message. Aucune question. Aucune colère.Et c’est ça, le pire.Damien ne se tait jamais quand il doute. Il agit. Il interroge. Il cherche. Alors ce silence n’est pas une attente. C’est un verdict. Une sanction que je ne peux ni lire ni anticiper.Je me glisse sous la douche. Lentement. L’eau est trop chaude. Elle me brûle, mais je ne la baisse pas. Je veux cette morsure. Je veux qu’elle efface. Qu’elle nettoie. Qu’elle m’arrache ce qui s’est imprimé dans ma chair au fil de la soirée.Le vin.Le regard de Lucian.Le f
DAMIENJe n’ai pas eu de réponse ce matin.Juste un message envoyé tard dans la nuit, laconique, sans chaleur. Une phrase sèche, polie, vaguement informative, le genre de message qu’on pourrait adresser à n’importe qui surtout pas à moi. Pas de point d’exclamation. Pas de sourire caché dans les mots. Pas même un détour pour adoucir l’absence.— Je te dis à demain. J’ai une grosse journée demain soir donc on ne pourra pas se voir ce soir . Et ça suffit. Parce qu’Élodie, quand elle ment, ne fabrique rien. Elle efface. Elle nettoie chaque phrase de tout ce qui pourrait la trahir. Elle gomme le battement d’émotion, la maladresse tendre. Elle réduit ses réponses à l’ossature froide de l’essentiel, comme si l’économie de mots pouvait compenser le poids du silence.Mais je la connais. Je sais ce que deviennent ses silences quand elle est en train de fuir. Je sais ce que cachent ses mots quand elle est en train de céder. Elle ne nie jamais frontalement. Elle éteint les lumières une à une. El
ÉLODIEJe ne dors pas.Je suis rentrée. J’ai enlevé mes talons, démaquillé mes yeux. J’ai même tenté de manger quelque chose.Mais tout est resté en surface.Comme si mon corps avait réintégré l’appartement… sans moi.Sur la table basse, mon téléphone vibre.Pas un message. Pas un appel.Un mail.L’expéditeur : Secrétariat Lucian ArdentL’objet : Suite à l’entretien de ce jourJe clique. Madame,Monsieur Ardent vous remercie pour l’entretien mené ce jour. Il a grandement apprécié la qualité de votre écoute ainsi que la finesse de votre approche.Si vous êtes disponible, il vous invite à un dîner privé ce vendredi, à 20h00, dans le cadre d’un échange plus informel sur les dynamiques médiatiques et la stratégie politique en période pré-électorale.Lieu : précisé par SMS une heure avant.Tenue de ville.Merci de confirmer par retour de mail.Cordialement,S. Lecourt, assistante particulièreJe relis le message plusieurs fois.Pas une faute. Pas un mot de trop.C’est une invitation parfa
Élodie Le matin est doux.Trop doux.Je m’éveille dans un silence de coton. Les draps froissés autour de moi portent encore la trace de son corps, l’empreinte invisible de ses mains, le murmure de ses soupirs dans mon cou.Mais il n’est plus là.Pas un bruit, pas un froissement.Seule la lumière oblique du matin glisse lentement sur les murs, comme un rappel que le monde continue à tourner avec ou sans lui.Je reste un instant immobile, le regard perdu dans le vide.Je sens encore sa chaleur sur ma peau.Et, plus profondément, ce calme étrange qui m’habite.Pas un vide.Une suspension.Un territoire nouveau.Je me lève, nue sous la chemise qu’il a laissée.Elle porte son odeur cette note sèche et profonde, boisée, presque minérale. Elle m’enveloppe comme une deuxième peau.Dans la cuisine, une tasse de café repose sur le plan de travail, encore tiède. À côté, une note, manuscrite, posée soigneusement. « J’ai dû partir. Tu dormais trop bien pour qu’on t’arrache au silence.Reviens à
ÉVAIl m’a demandé ce que je voulais manger.J’ai répondu : « Surprends-moi. »Mais ce que je voulais vraiment… c’était me laisser faire.Pas seulement pour le dîner.Pour tout.Pour une nuit. Une seule.Me reposer dans les bras de quelqu’un sans lutter, sans réfléchir, sans porter le monde sur mes épaules.Ce soir, je n’ai pas envie de choisir. Pas envie d’exister dans la résistance. J’ai envie qu’il pense pour deux. Qu’il sente pour moi.Qu’il prenne les rênes de ce que je ne sais plus nommer.Et s’il le fait, ce ne sera pas pour me posséder.Ce sera parce que je l’aurai autorisé.Parce que je veux qu’il le fasse.Il m’a dit : « Prends ton temps. »Il ne m’a pas donné d’heure, pas imposé d’urgence. Juste cette phrase simple, qui voulait dire : Viens quand tu seras prête à t’abandonner.Dans la salle de bain, je me suis regardée longtemps.Pas pour corriger quoi que ce soit. Pas pour plaire.Juste pour me reconnaître.Puis j’ai enfilé la robe.Noire. Fluide. Sans soutien-gorge. Sans