Chapitre 4

Point de vue de Mia

Je me suis assise dans le salon faiblement éclairé, regardant les minutes s'écouler lentement. La maison semblait encore plus vide que d'habitude. Depuis l'incident au bureau, il y a trois jours, Kyle n'était pas rentré. Je savais qu'il me punissait, mais je continuais de l'attendre.

L'horloge a sonné minuit. Puis une heure. Puis deux heures. Kyle n'était toujours pas revenu.

Mon téléphone a vibré, me faisant sursauter. L'écran s'est allumé, affichant un message d'un vieil ami de l'université.

« Salut, inconnue ! Ça fait une éternité. Un café demain ? »

C'était Jeo Parker. Cela faisait très longtemps que je n'avais plus eu de ses nouvelles. À l'université, nous avions passé d'innombrables heures ensemble dans l'atelier d'art. Même quand je ne croyais plus en moi, lui croyait encore en mon talent.

J'ai hésité avant de répondre. Un café ne pouvait pas faire de mal, n'est-ce pas ?

« D'accord. Où ça ? »

Le lendemain matin, je suis arrivée dans un café tranquille au centre-ville. Jeo était déjà là, et son sourire familier a réchauffé toute la pièce. Lorsqu'il m'a vue, il s'est levé, et j'ai été surprise de voir à quel point le temps semblait avoir été clément avec lui. Ses cheveux noirs étaient coiffés avec un désordre élégant, et ses yeux bleus étaient toujours aussi doux que dans mes souvenirs.

« Mia Williams », a-t-il dit en me prenant doucement dans ses bras, « toujours aussi belle. »

J'ai rougi, peu habituée à ce genre de proximité directe. « Toi aussi, tu as bonne mine, Jeo. »

« Je t'ai commandé un chocolat chaud, pas un café », a-t-il dit en s'asseyant, « tu ne supportes jamais le café le matin. »

Le fait qu'il se souvienne d'un détail aussi petit m'a noué la gorge. Depuis combien de temps personne n'avait-il prêté attention à un détail aussi insignifiant à mon sujet ?

« Alors », a-t-il commencé, « j'ai entendu dire que tu travailles chez K.T. Entreprises ? »

J'ai hoché la tête, en remuant doucement mon chocolat chaud. « Aux ressources humaines. »

« Sérieusement ? » Il a levé un sourcil. « La fille qui a peint cette incroyable fresque dans l'auditorium universitaire a fini en RH ? »

« Les choses changent », ai-je murmuré.

« Elles n'ont pas besoin de changer, forcément. » Il s'est penché en avant. « C'est d'ailleurs pour ça que je voulais te voir. Ma boîte de design vient de décrocher un gros projet. On cherche de nouveaux talents, et j'ai immédiatement pensé à toi. »

« Moi ? »

« Ne fais pas semblant d'être surprise, Mia. Tu as toujours été la fille la plus douée. Tu te souviens de cette bourse que tu as refusée ? »

Bien sûr que je m'en souvenais. C'était peu de temps après que Kyle m'avait engagée comme secrétaire. Je m'étais convaincue qu'être près de lui comptait plus que de poursuivre mes rêves.

« Je ne sais pas, Jeo. Cela fait des années que je n'ai pas touché un pinceau. »

« Viens juste voir l'atelier », a-t-il insisté. « Aucune pression. Juste une visite. »

Son enthousiasme était contagieux. Pour la première fois depuis des jours, j'ai senti un sourire naître sur mon visage. « Peut-être que je pourrais - »

« Mia. »

Cette voix. Mon sourire s'est figé.

Kyle se tenait à côté de notre table, son expression indéchiffrable. Il portait un costume noir impeccable. Il avait l'air parfait, intouchable.

« Monsieur Branson », ai-je murmuré automatiquement.

Jeo s'est levé et a tendu la main. « Kyle Branson ? Je suis Jeo Parker. Un ami de Mia de l'université. »

Kyle n'a pas daigné serrer sa main. Son regard restait fixé sur moi. « Tu peux venir un instant, Mia ? »

Ce n'était pas une question. J'ai tremblé en me levant, évitant le regard inquiet de Jeo.

« Mia », a lancé Jeo dans mon dos, « pense à ce que je t'ai dit, d'accord ? »

La mâchoire de Kyle s'est crispée. Il m'a attrapée par le coude et m'a entraînée dehors. Même à travers le tissu de ma manche, son contact m'a brûlée.

« C'est qui, ce type ? » La voix de Kyle était basse, menaçante.

« Juste un vieil ami. »

« Un ami ne te regarde pas de cette façon. »

J'ai brusquement retiré mon bras. « Quelle façon ? Comme toi tu regardes Taylor ? »

Ses yeux ont brillé un instant. « Ce n'est pas pareil. »

« Et qu'est-ce qui est différent, Kyle ? »

« Parce que tu as signé le contrat. » Il s'était approché d'un pas, me coinçant contre le mur. « Tu as accepté certaines conditions. Tant que notre mariage durera, tu ne peux pas avoir de relation avec un autre homme. »

J'ai esquissé un sourire amer. « Notre mariage ? C'est comme ça que tu qualifies ce que nous avons ? »

« C'est toujours légalement valable. » Son souffle a effleuré mon visage. « Ou tu as déjà oublié ? »

« Non, » ai-je murmuré, « je n'ai rien oublié. Y compris où tu étais pendant ces trois jours. »

Quelque chose avait traversé son regard. De la culpabilité ? De la colère ? Je n'arrivais plus à faire la différence.

« Ce que je fais ne te regarde pas. »

« Mais ce que moi je fais, ça te regarde ? » ai-je répliqué d'un ton provocateur. « Ce n'est pas juste, Kyle. »

« La vie n'est pas juste. » Il a ajusté sa cravate. « Souviens-toi de notre accord, Mia. Ne me force pas à te le rappeler. »

Il a tourné les talons, puis s'est arrêté. « Et dis à ton ami d'arrêter de perdre son temps. Tu n'es pas disponible. »

« Il m'a juste proposé un emploi. » lui ai-je lancé dans le dos.

Kyle s'est figé. Il s'est lentement retourné. « Quoi ? »

« Un emploi. Dans sa boîte de design. » J'ai levé le menton. « Je peignais avant… »

« Avant quoi ? »

« Avant de devenir ta secrétaire. » Ces mots avaient un goût amer dans ma bouche. « Avant de signer ton contrat. »

Le visage de Kyle s'est assombri. « Tu ne vas pas accepter. »

« Pourquoi pas ? De toute façon, tu m'as suspendue. »

« C'est temporaire. » Il s'est rapproché à nouveau. « Tu es ma femme, Mia. »

« Ta femme ? » J'ai soutenu son regard. « Mais d'après ce que je vois, je ne suis ta femme que quand ça t'arrange. Quand tu veux prouver au conseil d'administration que ta vie est stable. Ou quand tu as besoin de quelqu'un dans ton lit. »

Ses poings se sont serrés. « Ce n'est pas comme ça. »

« Alors où étais-tu ces trois derniers jours, Kyle ? Avec Taylor ? »

Kyle a saisi mon poignet. Il ne m'a pas fait mal, mais sa prise a été ferme. « Tu savais dès le départ à quoi t'attendre. Ne fais pas comme si je t'avais trompée. »

« Non, » ai-je dit d'une voix basse, « c'est moi qui me suis trompée. J'ai cru que peut-être… peut-être qu'avec assez de patience, assez de gentillesse, en suivant toutes tes règles… » J'ai brusquement retiré mon bras. « Mais j'avais tort, pas vrai ? »

Un éclair est passé dans ses yeux. « Mia… »

« Tu ne peux pas contrôler tous les aspects de ma vie, Kyle. Plus maintenant. »

« Le contrat - »

« Le contrat dit que je ne peux pas avoir de relation avec un autre homme. Il ne dit pas que je ne peux pas accepter un travail. » J'ai redressé les épaules. « À moins que tu ne sois jaloux ? »

Il a laissé échapper un rire froid. « Jaloux ? Jaloux de lui ? Ne sois pas ridicule. »

« Alors il n'y a pas de problème, n'est-ce pas ? »

Nous sommes restés là, à nous fixer. Pendant un instant, j'ai cru percevoir quelque chose dans son regard. Mais il a vite repris son expression froide.

« Très bien, » a-t-il dit d'un ton glacial. « Accepte ce travail. Mais souviens-toi de qui tu es, Mia. Tu es toujours ma femme. »

« Non, Kyle. Je suis ton employée, qui a eu la malchance de signer un contrat de mariage. Il y a une différence. »

« On en parlera à la maison. » a-t-il dit enfin. Et sans un mot de plus, il est parti. Cette fois, je l'ai laissé partir.

Mon téléphone s'est remis à vibrer. C'était un message de Jeo.

« Tu vas bien ? Tu veux qu'on reparle de ce poste ? »

J'ai passé un long moment à regarder ce message. Puis j'ai répondu : « Raconte-moi un peu plus sur le poste. »