De Retour à La Maison : La Mariée Éloignée

Le silence dans la demeure Voss était d’habitude solennel, presque religieux. Chaque recoin respirait le luxe et l’élégance, du sol en marbre blanc immaculé aux colonnes ivoire qui encadraient les vastes ouvertures donnant sur des jardins d’exception. Les murs étaient ornés de tableaux de maîtres, les lustres en cristal pendaient du plafond comme des joyaux suspendus, et les tapis orientaux amortissaient chaque pas avec grâce.

Mais en cet instant, ce sanctuaire de noblesse et de richesse vibrait sous le poids d’une colère dévastatrice.

— TU NE FERAIS PAS CETTE ERREUR ! tonna la voix d’Alaric Voss, le patriarche de la famille.

Le cri, brutal, s’était répercuté contre les murs, résonnant dans la pièce comme un coup de tonnerre. Alaric, imposant dans son costume trois-pièces gris sombre, se tenait debout au centre du salon. Son visage, d’ordinaire si maîtrisé, était déformé par la rage. Ses yeux noirs, durs comme l’acier, foudroyaient la jeune femme face à lui.

— Papa, que tu le veuilles ou non… je vais quand même l’épouser, répondit Elliana, droite comme un roc.

À ses côtés, sa mère Marissa, en robe de soie bleu pâle, les mains tremblantes, se tenait entre eux, paniquée, le regard passant de l’un à l’autre.

— Elliana… ma chérie, murmura-t-elle d’une voix brisée. Tu es jeune, impulsive… Réfléchis encore, je t’en supplie. Tu ne peux pas abandonner ta famille, ton avenir, pour… pour cet homme dont on ne sait rien !

Mais Elliana ne fléchit pas. Ses longs cheveux châtains encadraient un visage résolu, ses yeux noisette flamboyaient d'une détermination farouche. Dans sa main droite, elle tenait une valise noire, simple, presque banale. Le contraste était saisissant dans cette salle d’un autre monde.

— Caleb est un homme bien, déclara-t-elle. Il n’a peut-être pas d’argent, ni de nom, mais il a un cœur pur. Il me respecte. Il m’aime. Et moi aussi, je l’aime.

Alaric éclata de rire, un rire sec et amer.

— Un cœur pur ? Il n’a rien, Elliana ! Rien à t’offrir, rien pour te protéger, rien pour construire un foyer ! Ce mariage est une folie. Il ne te rendra jamais heureuse.

— Tu n’en sais rien, répliqua-t-elle. Parce que tu juges les gens à leur compte en banque.

— Et toi, tu sacrifies tout pour une illusion !

Marissa, les yeux embués de larmes, tenta une dernière fois :

— Elliana… ma chérie… On n’est même pas sûrs que cet homme te convienne. Et si tu regrettes ? Et si tu souffres loin de nous ?

La jeune femme inspira profondément. Puis, lentement, elle leva la tête et déclara avec une clarté implacable :

— Alors je souffrirai. Mais ce sera mon choix. Je l'épouserai, quoi qu’il arrive. Et à partir de ce jour… je ne suis plus une Voss.

Elle tourna les talons, fit quelques pas.

— Elliana ! cria Marissa, affolée. Reviens ! Tu ne peux pas… Tu ne peux pas partir comme ça !

Mais Elliana n’avait pas l’intention de faire demi-tour. Sa silhouette, fine mais résolue, se dirigea vers la grande porte d’entrée, que le majordome, pétrifié, n’osa pas refermer.

— CHÉRIE, supplia Marissa à son mari, les larmes coulant sur ses joues. Elle s’en va… notre Elliana… Comment va-t-elle vivre avec cet homme ?

Alaric, immobile, le visage fermé, ne répondit rien. Il serra les mâchoires et resta là, figé dans sa fierté blessée.

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À peine Elliana eut-elle franchi les marches du perron qu’elle fut stoppée net.

Devant elle, ses trois frères l’attendaient. Lukas, le plus âgé, le regard grave, croisa les bras sur sa poitrine. À sa droite, Matteo, toujours impulsif, semblait au bord de l’éclat. Julian, le plus jeune, paraissait juste… triste.

— Ellie, dit Lukas d’une voix basse. Tu n’as pas besoin de faire ça. Rentre.

— Vous ne comprenez pas, dit-elle. Je dois le faire.

— Tu fais une erreur, lança Matteo. Tu crois que c’est ça, la liberté ? Te marier avec un mec fauché dont on ignore tout ?

— Je ne fais plus partie de cette famille, répliqua-t-elle d’un ton sec.

Et d’un geste ferme, elle repoussa leurs mains tendues, une larme silencieuse roulant sur sa joue. Puis elle passa entre eux et s’éloigna, sans se retourner.

Julian fit un pas vers elle.

— Elliana ! Attends ! RÉFLÉCHIS !

Mais elle était déjà partie.

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Pendant ce temps, dans un petit temple de quartier, Caleb attendait. Les bancs étaient vides, à l’exception de quelques voisins et de deux vieilles tantes. L’air sentait la fleur d’oranger et la nervosité.

— Où est-elle ? demanda Miranda, la mère de Caleb, une femme maigre au regard méprisant. Je te l’avais dit. Une fille comme elle ne viendra jamais. Tu n’es qu’un rêveur, Caleb.

— Elle va venir, maman. Je la connais.

— Pff, répliqua Miranda en croisant les bras. Je ne comprends pas comment tu peux tomber amoureux d’une orpheline. C’est louche, son histoire. Une femme sans famille, sans racines… Tu crois vraiment qu’elle est faite pour toi ?

Caleb pinça les lèvres, prêt à défendre Elliana.

— Elliana est sincère. C’est une bonne femme.

À côté, Cassie, sa jeune sœur de seize ans, gloussa discrètement.

— Franchement, t’as de la chance qu’une orpheline pareille t’ait choisi. C’est sûrement parce qu’elle n’a personne d’autre…

Soudain, elle s’arrêta de parler.

— …Elle est là, dit-elle en pointant du doigt.

Elliana entra dans le temple, essoufflée, toujours vêtue de sa robe simple. Elle s’avança vers eux, posant un regard calme sur sa future belle-famille.

— Pardonnez mon retard, dit-elle en s’inclinant devant Miranda. J’ai mis du temps… à dire au revoir.

Miranda l’observa longuement, puis lâcha froidement :

— Tu as de la chance que mon fils t’aime bien. Il est trop bien pour toi. Une orpheline, on ne sait même pas d’où tu viens…

Cassie éclata d’un petit rire moqueur, la main sur la bouche.

Mais Caleb s’interposa, tenant doucement la main d’Elliana.

— Maman, Elliana est une bonne femme. Tu verras. Je suis fier de l’épouser.

Miranda soupira, visiblement peu convaincue.

— On verra combien de temps elle tiendra dans cette maison…

Elliana ne répondit rien. Elle fixait l’autel. Elle avait quitté tout ce qu’elle connaissait, tout ce qu’elle possédait. Elle n’avait que Caleb. Et pourtant, en ce moment, cela lui suffisait.