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Chapitre 3 – L’Engrenage

Penulis: Déesse
last update Terakhir Diperbarui: 2025-02-17 21:10:40

L’aube teintait le ciel de Bellefontaine d’un gris pâle lorsque je quittai ma chambre. L’air du matin portait encore la fraîcheur de la nuit, un contraste saisissant avec la chaleur étouffante qui s’abattrait bientôt sur la plantation. J’avais à peine dormi. Les paroles de mon père résonnaient encore dans ma tête, et le visage d’Aïda hantait mes pensées.

Je descendis silencieusement l’escalier de bois poli et traversai le grand hall, évitant les domestiques qui commençaient déjà leur journée. J’avais besoin d’air, d’espace, de quelque chose pour étouffer la colère qui me rongeait.

Dehors, les champs s’étendaient à perte de vue, baignés d’une lumière timide. J’aperçus les esclaves en train de se rassembler, leurs silhouettes sombres se découpant contre la brume matinale. Ils se préparaient pour une autre journée de labeur, une autre journée d’épuisement sous le regard de surveillants armés de fouets.

Mon regard chercha Aïda.

Je la trouvai près d’une charrette, parlant à une vieille femme qui portait un panier d’herbes fraîches. Elle semblait concentrée, ses gestes mesurés, mais je vis l’ombre d’une tension dans la raideur de ses épaules. Comme si elle sentait déjà le poids de cette journée avant même qu’elle ne commence.

Je m’approchai.

Lorsqu’elle me vit, son visage resta impassible, mais son regard s’assombrit légèrement.

— « Vous ne devriez pas être ici, » murmura-t-elle en continuant d’arranger les plantes dans le panier.

— « Je voulais te voir. »

— « Vous m’avez vue hier soir. »

— « Ce n’était pas suffisant. »

Elle s’arrêta un instant, puis reprit son travail, comme si mes paroles n’avaient aucune importance.

— « Monsieur Gabriel, vous êtes en train de jouer avec le feu. Vous le savez, n’est-ce pas ? »

— « Peut-être. Mais toi aussi. »

Elle releva enfin les yeux vers moi, et je crus y voir un éclat de défi.

— « La différence, c’est que moi, je ne peux pas me permettre de perdre. »

Un cri retentit soudain derrière nous, brisant notre échange.

— « Hé, toi ! »

Un homme s’avançait à grands pas. C’était Baptiste, l’un des contremaîtres de mon père. Un colosse aux traits durs, vêtu d’une chemise de lin maculée de sueur. Ses yeux passèrent d’Aïda à moi, puis revinrent sur elle avec une lueur mauvaise.

— « Qu’est-ce que tu fais encore là à bavarder ? » grogna-t-il. « Le travail ne va pas se faire tout seul. »

Je sentis Aïda se raidir à côté de moi, mais elle ne répondit pas.

— « C’est moi qui lui parlais, » dis-je d’un ton calme, mais tranchant.

Baptiste me fixa avec un mélange d’hésitation et de défi. Il n’était pas habitué à ce qu’on lui résiste, encore moins de la part d’un Montreuil.

— « Avec tout le respect, Monsieur Gabriel, votre père ne tolérerait pas qu’un esclave traîne au lieu de travailler. »

— « Mon père n’est pas là. »

Un silence pesant s’installa.

Je vis le combat intérieur de Baptiste : il savait que mon nom le protégeait, mais il savait aussi que mon père finirait par l’apprendre. Après quelques secondes, il cracha sur le sol et tourna les talons.

— « Remets-toi au travail, » lança-t-il à Aïda avant de s’éloigner.

Je me tournai vers elle, mais elle me coupa avant que je ne puisse parler.

— « Vous croyez que vous m’aidez, Gabriel ? »

— « Je ne voulais pas qu’il… »

— « Ce que vous voulez n’a pas d’importance. Vous partez, lui reste. Et demain, il me fera payer cette humiliation. »

Une boule de rage et d’impuissance se forma dans mon ventre.

— « Il ne te touchera pas. »

Elle lâcha un petit rire amer.

— « Vous êtes naïf. Ici, tout a un prix. »

Et sans un mot de plus, elle tourna les talons et s’éloigna vers les champs, me laissant seul avec le goût amer de ma propre impuissance.

---

Le soir, je fus convoqué une fois de plus dans le bureau de mon père.

Il était assis derrière son bureau, le verre de brandy à la main, comme la veille. Mais cette fois, son regard était plus dur, plus froid.

— « Je commence à en avoir assez de tes écarts, » déclara-t-il sans détour.

Je restai debout devant lui, refusant de détourner les yeux.

— « Si tu veux gâcher ta vie à Paris, libre à toi. Mais ici, c’est Bellefontaine. Mon domaine. Mon royaume. Et je ne tolérerai pas que mon propre fils en sape les fondations. »

— « Parler à une esclave, c’est saper tes fondations ? »

— « Ce n’est pas une question de parole, Gabriel. C’est une question de place. La leur, et la nôtre. »

Il but une gorgée de son brandy, puis planta son regard dans le mien.

— « Je t’interdis de retourner là-bas. Si j’apprends que tu traînes encore parmi eux, je prendrai des mesures. »

— « Quelles mesures ? »

Un sourire glacial étira ses lèvres.

— « Ce n’est pas toi qui en paieras le prix. »

Un frisson me traversa.

Je compris immédiatement ce qu’il voulait dire.

S’il ne pouvait pas me contrôler, c’était Aïda qui en souffrirait.

La colère bouillonnait en moi, mais je savais qu’exploser ne servirait à rien.

Alors je me contentai d’un simple :

— « Bonne nuit, père. »

Et je quittai la pièce.

---

Cette nuit-là, je ne rentrai pas dans ma chambre.

Au lieu de cela, j’attendis que toute la maison s’endorme, puis je sortis discrètement.

Les champs étaient silencieux sous la lueur de la lune. Je longeai les cabanes des esclaves jusqu’à trouver celle que je cherchais.

J’hésitai une seconde, puis toquai doucement.

Aïda ouvrit presque immédiatement, comme si elle ne dormait pas non plus.

Elle me regarda, surprise.

— « Gabriel… »

Je pris une inspiration.

— « Je vais te sortir d’ici. »

Elle resta figée, et je vis mille émotions traverser son regard.

Puis, lentement, elle secoua la tête.

— « Vous ne savez pas ce que vous dites. »

— « Je le sais très bien. Mon père ne me laisse pas le choix. Je ne peux pas rester ici sans mettre ta vie en danger. Alors je vais te faire partir. »

Un silence s’installa.

Puis, à ma grande surprise, elle murmura :

— « Comment ? »

Elle ne refusait pas.

Elle voulait savoir si c’était possible.

Et c’est ainsi que, cette nuit-là, l’engrenage du chaos se mit en marche.

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