Ils marchèrent deux jours sans croiser âme qui vive. Le monde semblait endormi. Comme si le battement chaotique des lignes s’était calmé d’un seul coup — apaisé ou éteint, Elara ne le savait pas encore.Le carnet qu’elle portait, pourtant vierge au départ, avait commencé à se remplir tout seul. Non pas par magie… mais comme s’il captait les pensées, les possibles, les souvenirs encore en suspens.Chaque nuit, des fragments de rêves s’y imprimaient : des visages qu’elle n’avait jamais vus, des cartes de lieux inconnus, des dialogues qu’elle n’avait jamais eus.Mais ce n’était pas ce qui l’inquiétait le plus.C’était le silence.Car en approchant de Virellia, tout était… trop calme.Pas un chant d’oiseau.Pas un vent dans les branches.Même la lumière semblait figée.Et lorsque les tours de la cité furent enfin visibles à l’horizon, ils s’arrêtèrent net.Liora porta une main à sa bouche.— Les murs…Ils étaient fendus.Pas comme après une attaque.Comme si la terre elle-même avait chang
Le Nexus n’avait pas de sol.Pas de ciel.Pas de centre.Elara flottait au milieu d’une myriade de fragments — des morceaux de cartes, des lambeaux de souvenirs, des voix en suspens. Chaque pensée, chaque pas, chaque mot prononcé au fil de sa vie… existait ici.Mais le plus étrange, c’était la sensation de déjà-vu.Elle avait été ici. Avant.Dans un rêve ?Dans une autre vie ?Ou était-ce la vérité, tissée et effacée, comme les lignes mouvantes de ses cartes les plus anciennes ?Une voix s’éleva.Douce. Intime. Déchirante. « Enfin, tu me rejoins. »Devant elle, dans un tourbillon de lumière et de brume, Veydras apparut.Il ne portait ni couronne ni armure.Seulement une simple tunique blanche, tachée d’encre noire.Ses yeux… étaient les siens.Exactement les mêmes.— Je ne suis pas toi, dit-elle sans trembler.Il sourit, tristement.— Non. Mais je suis ce que tu pourrais devenir… si tu cessais de résister. Si tu acceptais que tout ceci — les frontières, les royaumes, la douleur — ne
Ils avaient marché sans dormir, sans parler, suivant la ligne que le carnet d’Elara dessinait seul, comme guidé par une conscience propre. La terre changeait autour d’eux. Les arbres avaient des cœurs de cristal, les rivières coulaient à l’envers, et le ciel… battait.Chaque pas les rapprochait du Nexus, le point d’origine, le lieu où tout avait commencé. Là où Veydras attendait. Là où les mondes se tissaient… ou se déchiraient.Mais Elara n’était plus la même.Elle n’était plus simplement cartographe.Depuis la fusion du troisième fragment, ses yeux voyaient au-delà des frontières.Elle lisait les lignes sous les lignes.Elle sentait les échos des pas passés.Et parfois, quand elle regardait Neris ou Liora, elle voyait leur passé s’emmêler au présent.Le Nexus l’appelait.Mais d’autres forces veillaient aussi.À la lisière d’une plaine argentée, une silhouette les attendait.Sombre. Immobile.Kaelen.Il portait une armure d’un noir mat, gravée de runes anciennes. Ses yeux brillaient
Tout était silence.Pas celui, paisible, d’une nuit d’hiver.Mais un silence profond. Brutal. Comme si le monde avait cessé de respirer.Elara flottait dans le noir. Son corps semblait absent, dissous dans une mer d’ombre. Pourtant, elle ressentait chaque vibration autour d’elle, comme si l’univers battait à travers sa peau.Puis, un trait de lumière fendit l’obscurité.Un chemin doré se traça, serpentant à travers le vide.Et, sans qu’elle comprenne comment, elle marcha.Ses pas ne faisaient aucun bruit. Et à chaque enjambée, des images jaillissaient autour d’elle.Des cartes qu’elle avait dessinées. Des lignes qu’elle avait inventées, copiées, modifiées. Des visages. Celui de sa mère, de Neris, de Kaelen, de Liora. Celui de Veydras… ou plutôt, celui qu’elle avait vu sur le trône de racines. Le sien.Puis la lumière s’ouvrit sur une salle circulaire, suspendue dans l’abîme.Un dôme.Des murs faits de miroirs brisés, de fragments de ciel et d’anciens manuscrits. Des cartes en lambeaux
Le monde avait changé.Ils s’en rendirent compte dès qu’ils quittèrent le Sanctuaire du Fil d’Or. Le ciel, autrefois d’un bleu gris calme, était devenu pâle comme du parchemin, zébré de veines dorées pulsant à chaque pas.Elara marchait en tête, le carnet ouvert, mais les lignes semblaient… vivantes.Elles se dessinaient toutes seules.Pas selon sa volonté.Pas selon les lois de la cartographie.Mais comme si quelqu’un d’autre traçait à travers elle.Elle n’en parla pas tout de suite.Neris la suivait de près, plus protecteur que jamais, mais gardant une étrange distance, comme s’il sentait que quelque chose en elle se fermait.Et Liora… Liora n’avait pas dit un mot depuis le réveil.Ils atteignirent une plaine recouverte d’un brouillard très bas. À leur droite s’élevait une colonne de pierres anciennes, gravée de symboles d’un autre âge.Elara s’arrêta net.« Ce lieu n’était pas sur la carte. »Neris plissa les yeux. « Pourtant, on ne s’est pas égarés. On suit le fil du troisième fra
Le vent soufflait fort sur la crête du Val d’Astre. Là-haut, au bord du monde connu, un homme se tenait droit, seul, vêtu d’un manteau noir frappé de poussière d’étoiles et de cendres anciennes.Kaelen.Il avait quitté la Mer de Verre sans se retourner. Sans dire un mot à Elara. Ni à Neris.Mais les images d’eux, ensemble, s’étaient imprimées en lui comme des brûlures. Leurs mains liées. Leurs regards échangés. Leur force retrouvée.Il n’avait pas fui.Il s’était retiré.Pour préparer.Pour comprendre comment stopper ce qui venait.Le chaos n'était plus un murmure. Il était une lame prête à fendre le monde.Un vieil escalier taillé dans la pierre menait jusqu’à l’entrée d’un temple effondré, caché derrière une illusion de brouillard. Kaelen murmura une incantation. La brume s’écarta, comme une bête obéissante, révélant une porte d’obsidienne marquée d’un glyphe unique : l’Œil Tissé.Il posa sa main sur la porte. Elle le reconnut.Et s’ouvrit.À l’intérieur, un ancien sanctuaire plongé