À ce stade du voyage, il ne s’agit plus de cartes ni de fragments. Ce que vous venez de lire est un passage. Une élévation. Un point de non-retour. L’ascension vers l’île céleste n’est pas une simple montée : c’est une mue, un arrachement à ce qui était connu, tracé, rassurant. Dans cette lumière suspendue, chaque personnage abandonne un bout de lui-même, pour mieux embrasser l’inconnu. Merci de les avoir accompagnés jusqu’ici. Ce chapitre marque l’entrée dans un territoire où les lois anciennes ne tiennent plus. Ce qui vient ensuite n’a pas de carte. Seulement un fil. Et vous y êtes convié·e·s. — Nicemz
Ils atterrirent dans le silence.Pas un silence vide, mais un silence dense, saturé de possibles suspendus, comme si l’air retenait son souffle. Chaque inspiration avait un goût d’orage qui n’éclate pas. L’île céleste, à cet instant, semblait respirer avec eux ou contre eux.Ce n’était pas une île comme celles des cartes ou des légendes. Elle n’avait pas de rivages. Pas de ligne d’horizon. Pas de gravité stable. Le sol était un patchwork mouvant de racines, de pierres, de mousses et de nuages condensés, qui se recomposaient à chaque pas. Des arbres aux troncs torsadés flottaient à la verticale ou penchaient dans des directions impossibles, comme si le vent et la gravité se disputaient leurs racines. Les feuilles, d’un vert argenté, bruissaient sans qu’aucun vent ne souffle. Les pierres vibraient et chantaient, produisant des notes graves et cristallines qui semblaient résonner directement dans les os.Les nuages eux-mêmes s’accrochaient au sol, épais et soyeux, comme des voiles mal p
L’aube s’ouvrit comme une plaie dorée dans le ciel, lacérant la nuit de ses griffes lumineuses.Au sommet du promontoire rocheux, les six silhouettes se tenaient dans un silence de pierre, regard levé vers l’impossible : l’île céleste. Suspendue dans le vide comme un souvenir mal rangé dans l’éther, elle oscillait doucement, drapée de brume irisée. On aurait dit un navire perdu, échoué entre deux mondes. De ses falaises pendait une traîne de lumière, une cascade inversée faite d’éclats de fil – d’énergie pure, vivante, palpitante.— Elle bouge… murmura Ilyana. Même dans le ciel. C’est comme si elle hésitait à se laisser atteindre.— Le quatrième fragment est vivant, répondit Elara à voix basse. Il perçoit. Il choisit.Kaelen fronça les sourcils, le regard tendu vers la cascade suspendue.— Comment on y accède ? On ne va pas grimper une chute d’énergie, pas vrai ?— Ce n’est pas un lieu qu’on rejoint par les pieds, dit Ilyana. C’est un passage qu’on tisse. Avec ce qu’on est devenus. Et
Ils avaient quitté les ruines de Thal’Yaren avant l’aube, porteurs non seulement de l’empreinte brûlante de leurs serments gravés dans la pierre, mais aussi du poids muet de ce qu’ils avaient désormais à perdre.Le ciel s’était couvert d’un gris nacré, annonciateur d’un changement profond, presque cosmique. À l’horizon, comme suspendue dans un souffle divin, l’île céleste se découpait lentement au-dessus des montagnes. Elle semblait flotter entre deux dimensions, drapée de brume, ses contours changeants comme une idée refusant d’être fixée. C’était vers elle qu’ils marchaient. Vers le seuil. Vers la fin — ou le commencement.Mais Ilyana avait insisté : ils devaient s’arrêter. Une veille était nécessaire. Non une pause par fatigue, mais un temps sacré pour faire le point. Un dernier silence avant la tempête. Car le lendemain, rien ne serait plus jamais pareil.Ils trouvèrent refuge dans une clairière protégée par de vieux anneaux de pierres levées. Le sol y était tapissé de mousse, et
La montagne se dressait devant eux, majestueuse et muette, drapée de brume comme une reine voilée. Ses flancs escarpés s’achevaient par des pics effilés, où le vent semblait murmurer des secrets anciens. À cet instant précis, sous la pâle lueur du matin, elle n’apparaissait pas comme un obstacle, mais comme une promesse : celle de vérités enfouies.À son pied, dissimulée derrière une chute d’eau en cascade, une faille étroite s’ouvrait, presque invisible. Seuls les voyageurs les plus attentifs remarqueraient l’arche gravée de runes effacées, à demi perdues sous les racines glissantes et l’humidité. À sa base, des symboles fracturés luisaient encore subtilement au contact de la lumière solaire naissante.— C’est ici, souffla Ilyana, les doigts effleurant l’arche. Thal’Yaren.Kaelen posa une main sur la pierre humide, silencieux. Son visage, d’un calme austère, portait le poids d’un souvenir ancien.— Je suis déjà venu ici… il y a longtemps, murmura-t-il. J’étais un enfant. Mon père me
Ils avaient quitté les rives du lac au lever du jour. La lumière pâle s’étirait sur les flots comme un dernier rêve qui ne voulait pas s’éteindre. Le calme matinal de la Cité des Miroirs Submergés contrastait violemment avec la tension qui enveloppait le groupe. Trois fragments maintenant. Trois vérités. Trois fardeaux. Et autant de failles ouvertes.Elara marchait en silence, absorbée par un tumulte intérieur que même la beauté des paysages ne parvenait plus à apaiser. Les fragments pulsaient doucement dans sa sacoche, comme trois cœurs vivants reliés au sien. Ce n’était plus seulement une quête. C’était un éveil. Et peut-être un déchirement.— Le prochain fragment se trouve dans les Ruines de Thal’Yaren, annonça Ilyana d’une voix calme, mais tendue. Une cité bâtie à flanc de montagne, ensevelie depuis l’époque des Premiers Tisseurs.— C’est là que l’atlas des fondations a été brisé, ajouta Kaelen. Si les rumeurs disent vrai, une carte déchirée contenant la position du quatrième frag
Ils arrivèrent à l’orée de la Cité des Miroirs Submergés au moment précis où le ciel se fendait d’un soupir nacré. L’aube s’étirait lentement, comme un voile de soie posé sur un monde encore endormi. Devant eux s’étendait une mer d’eau calme, infinie et lisse comme une vitre céleste. À sa surface, un mirage d’architecture renversée semblait flotter dans l’éther : des tours spiralées surgissaient du néant, des ponts suspendus dessinaient des arcs illogiques, et des statues immergées fixaient les voyageurs de leurs yeux pétrifiés, juste à la limite entre le visible et le noyé.— C’est elle ? demanda Liora, presque en retenant son souffle, comme si parler trop fort pouvait briser le sort.— Oui, répondit Ilyana, la voix empreinte d’une gravité familière. Elle n’est pas engloutie… elle est inversée.Kaelen plissa les yeux. Le reflet du monde semblait trop net, trop vivant.— Inversée ? répéta-t-il, soupçonneux.— Cette cité n’existe plus dans notre réalité depuis des siècles, expliqua Ily