Point de vue : Myriam
Le silence régnait dans la maison, à peine troublé par le tic-tac de l’horloge du salon. Myriam, assise sur le canapé, feuilletait distraitement un magazine quand elle entendit le bruit familier du portail. Elle posa le magazine et se leva.
La porte s’ouvrit. Idriss entra, légèrement fatigué, sa veste sur le bras.
— Myriam, mon amour… comment tu vas ?
Elle sourit et s’approcha de lui.
— Je vais bien, mon mari. Et toi, tu as l’air épuisé. Installe-toi, je t’apporte de l’eau.
— Merci, mon cœur.
Idriss s’assit dans son fauteuil préféré. Myriam revint avec un verre d’eau fraîche.
— Je t’ai déjà préparé la table. Le dîner est prêt.
Mais Idriss secoua doucement la tête.
— Non, mon ange. Je suis plein. J’ai mangé à la cantine de l’entreprise. Juste envie de prendre une douche et me reposer un peu devant Bein Sports.
Myriam s’assit en face de lui.
— Et les filles ? Ça fait trois jours que tu rentres tard. Tu ne les vois même plus.
Idriss soupira, frottant son front.
— Je sais, ça me fait mal aussi. Je rentre et elles dorment déjà. Le boulot m’aspire, Myriam. On est en plein dans les renouvellements de contrat. Il faut que je sois partout à la fois.
— Elles posent des questions tu sais. “Papa est où ? Pourquoi il ne mange plus avec nous ?”
— Je vais arranger ça. Promis. Ce week-end, je passerai du temps avec elles. On fera une sortie, toi aussi avec. Tous ensemble. Ça te va ?
Elle sourit, un peu apaisée.
— Tu dis toujours ça, Idriss. Mais j’espère que cette fois, ce ne sont pas que des mots.
Il prit sa main.
— Je te le jure, Myriam. Je suis peut-être pris, mais mon cœur reste ici. C’est chez toi que je me repose, que je respire.
— Tu ne veux pas prendre un fruit au moins ? Une orange ?
— Non, merci. Juste la télé et toi à côté, ça me suffit.
Elle rit doucement et s’assit près de lui.
— Alors repose-toi, mon mari. Je suis là.
Le chant des oiseaux filtré à travers les rideaux du salon annonçait une nouvelle journée. Myriam était déjà debout, comme à son habitude. Elle portait son pagne noué à la taille, les cheveux attachés. Dans la cuisine, l’odeur du café chaud et du pain grillé flottait dans l’air.
Elle jeta un coup d’œil à l’horloge. 7h15. Elle arrangea les tasses sur la table et lança doucement :
— Idriss… le petit déjeuner est prêt !
Un léger grognement se fit entendre depuis la chambre. Quelques minutes plus tard, il apparut dans le couloir, tirant un peu sur son pantalon de pyjama, l’air encore endormi.
— Bonjour, mon amour… dit-il en baillant.
— Bonjour. Tu as bien dormi ?
— Comme un bébé. Tu sais, parfois je me dis que si je pouvais rester ici tous les matins, ce serait le vrai luxe.
Myriam sourit tout en versant le café.
— Mais tu ne restes jamais. Tu repars aussi vite que tu es rentré.
— Tu recommences…
— Non, je constate. Voilà ton café.
Il s’installa, prit une gorgée, puis leva les yeux vers elle.
— Tu es fâchée ?
— Non. Juste un peu… laissée de côté. Mais ça va. Je suis forte.
— Myriam, tu es plus que forte. Tu es mon pilier. C’est justement parce que je sais que tu tiens cette maison que je peux travailler l’esprit tranquille.
— Les filles partent dans 15 minutes. Tu veux les voir avant qu’elles ne partent à l’école ?
— Bien sûr. Appelle-les.
Myriam haussa légèrement la voix.
— Aïcha ! Mouna ! Venez embrasser votre père avant de partir !
Les deux adolescentes descendirent les escaliers, habillées de leurs uniformes scolaires.
— Papa ! cria Mouna en courant vers lui.
— Mes princesses ! dit Idriss en les prenant dans ses bras.
— Tu vas nous accompagner un jour à l’école ? demanda Aïcha.
— C’est noté. Peut-être vendredi, hein ? Papa essaiera.
— Tu dis toujours “peut-être”, fit Mouna en croisant les bras.
— Bon, bon… Ce vendredi, je vous dépose. Promis !
— Promis juré ? dirent-elles en chœur.
— Promis juré. Maintenant filez, ou vous allez rater le bus.
Les filles sortirent. Un silence s’installa. Myriam rangeait les tasses sans dire un mot.
— Je dois y aller aussi, lança Idriss en consultant sa montre. Réunion à 9h.
— Comme toujours.
Il se leva, laissa un baiser sur le front de sa femme.
— Merci pour le petit déjeuner. Prends soin de toi.
— Toi aussi.
Il quitta la maison, laissant derrière lui une femme forte, souriante… mais de plus en plus silencieuse.
Point de vue : Idriss
Idriss referma la portière de sa voiture, attacha sa ceinture et lança un dernier regard vers la maison. Myriam lui avait souri comme toujours, mais il sentait qu’un mur invisible commençait à s’installer entre eux. Il soupira, démarra le moteur, puis sortit son téléphone.
Bip… bip…
— Allô, mon amour ? La voix d’Anastasie résonna, douce et lointaine.
— Anastasie… Mon cœur. Tu as bien dormi ? Comment vont les filles ?
— On va bien. Naomie est déjà en route pour l’université. Jade dort encore un peu. Il est 1h du matin ici, tu sais.
— Oh… c’est vrai, j’oublie toujours le décalage. Je voulais juste entendre ta voix.
— Tu nous manques. La maison est belle, mais elle est vide sans toi.
— Je sais, ma chérie. Deux semaines. Juste deux semaines encore et je vous rejoins. J’ai encore quelques choses à régler ici.
— Tu dis ça depuis des mois, Idriss… répondit-elle d’un ton un peu amer.
— Cette fois c’est vrai. Les contrats, les papiers… Dès que c’est fait, je suis à vous.
— D’accord… Je vais essayer de dormir un peu.
— Fais de beaux rêves. Embrasse les filles pour moi.
— Je t’aime.
— Moi aussi, Anastasie.
Il raccrocha, rangea calmement le téléphone et changea de direction. Prochaine destination : la maison d’Aïshe.
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8h55 – Quartier résidentiel, maison d’Aïshe
Idriss descendit de sa voiture. La porte s’ouvrit à peine avait-il franchi les premières marches.
— Enfin ! s’exclama Aïshe. Je me demandais si tu allais encore passer toute la journée sans venir.
— Aïshe… Il sourit en la prenant dans ses bras. Je ne pouvais pas commencer cette journée sans te voir.
— Entre. Le petit déjeuner est prêt.
— Encore un ? Je vais finir par exploser. J’ai déjà bu un café chez Myriam.
Aïshe le fixa, légèrement piquée.
— Chez elle, tu bois… ici tu manges. Pas de discussion.
Il rit doucement.
— Tu sais que j’aime ça.
— Assieds-toi. Les enfants sont déjà partis à l’école. Yasmina avait un entretien, Adam est parti réviser chez un ami. On est seuls.
— Alors je peux enfin respirer. Avec toi, je suis en paix.
— Et notre voyage ? Tu m’as dit que tu m’expliquerais.
— Je sais, je sais… dit-il en buvant une gorgée de thé. La réunion d’hier était décisive. On a signé un gros contrat. Mais ça veut dire plus de travail pour moi, ici. Je ne peux pas tout abandonner maintenant.
— Tu veux dire… qu’on ne part pas ?
— Pas maintenant. Mais bientôt. Je veux que ce soit parfait. On va vivre une vie de rêve, Aïshe. Laisse-moi juste un peu plus de temps.
Elle le regarda longuement, sans répondre.
— Tu me crois ? demanda-t-il en posant sa main sur
la sienne.
— Je n’ai pas le choix, Idriss. Je t’aime. Et j’attends.
Point de vue omniscientIl était 17h03 quand le téléphone d’Aïcha sonna. C’était un appel de sa fille Naomie, la voix tremblante.Naomie (au téléphone)— Maman… je… il faut que je te dise quelque chose. C’est très grave.Aïcha— Qu’est-ce qu’il y a ma fille ? Tu me fais peur !Naomie (en larmes)— Mon fiancé… Karim… il est mon frère, maman. Le fils d’Idriss. Ton mari.Aïcha (choquée, debout d’un bond)— Qu… quoi ? Tu dis quoi ? Non, ce n’est pas possible ! Ma fille, t’as dit quoi ?Naomie— J’ai appelé Myriam pour confirmer. C’est bien lui… je suis anéantie maman, je… je sais plus quoi penser.Aïcha laissa tomber son téléphone sur le canapé. Elle regardait dans le vide, les mains tremblantes, le souffle court.---Pendant ce temps, Vanessa (appelée parfois Mélissa) était seule dans sa chambre. Depuis des heures, elle fixait la boîte de pilules. Elle avait acheté ces comprimés clandestins, persuadée que c’était sa seule issue. Elle ne voulait pas d’un enfant, encore moins si c’était av
Chez Mélissa (Vanessa) – 10h15Assise sur son lit, Mélissa regarde les comprimés qu’elle a achetés la veille. Le petit sachet plastique est posé devant elle, comme un piège silencieux. La lumière du matin entre par la fenêtre, douce et cruelle à la fois. Tout semble paisible autour d’elle, sauf en elle.> "Je n’ai que 20 ans... Je ne suis pas prête. Pas pour ça. Pas maintenant. Pas comme ça..."Elle prend son téléphone. Une hésitation. Elle clique sur le nom de Karim, mais ne compose pas. Elle le regarde. Son sourire dans la photo de profil. Sa voix qui lui revient en écho : « Tu dois aussi penser à ton avenir… »> "Et s’il m’en voulait ? S’il me laissait ? Et s’il pensait que j’ai voulu le piéger ? Non. C’est mieux qu’il ne sache rien. C’est mieux d’effacer tout ça…"Les comprimés tremblent dans ses mains. Elle sort un verre d’eau, le pose sur la table de chevet.Mais juste au moment de les avaler, une larme coule sur sa joue. Elle serre les dents.Mélissa (à voix basse)— Pourquoi j
Lieu : Maison de MyriamHeure : 14h00L’ambiance est légère et remplie d’excitation dans le grand salon décoré avec goût. Myriam a tout préparé pour recevoir la fiancée de son fils : thé à la menthe, jus frais, petits gâteaux traditionnels. La petite sœur de Karim est déjà prête avec son téléphone, impatiente de prendre des photos. Idriss, en chemise beige et pantalon sombre, tourne un peu en rond, puis monte à l’étage.Myriam (regardant l’heure sur son téléphone)— Elle ne devrait plus tarder… C’est toujours comme ça avec les jeunes filles d’aujourd’hui, elles arrivent à l’heure du cœur, pas à l’heure de la montre !Tout le monde rit doucement. Cinq minutes plus tard, la sonnette retentit.Karim (se levant d’un bond)— Ah ! C’est elle !La domestique va ouvrir. Une jeune femme élégante entre dans la cour. Ses pas sont timides, mais assurés. C’est Naomie. Elle porte une robe chic, simple mais élégante, ses cheveux bien coiffés, un léger maquillage, et un sourire discret aux lèvres.My
Lieu : Maison de LucieHeure : 10h du matinIdriss est au volant de sa berline noire, l’esprit agité. Il a pris soin de porter une chemise bien repassée, sobre, et un parfum discret. Après la conversation tendue avec Lucie sur sa grossesse, il a décidé d’assumer. Il doit parler avec elle… et rencontrer enfin sa mère.La voiture se gare devant un petit immeuble tranquille. Idriss prend une inspiration, éteint le moteur, et sort calmement. Il monte les escaliers, frappe à la porte.Lucie ouvre avec un doux sourire, un peu nerveuse.Lucie (gênée mais souriante)— Bonjour Idriss… entre, je t’en prie.Il entre. L’appartement est propre, modeste, mais chaleureux. Il s’assied sur le canapé en velours vert pendant que Lucie apporte deux verres d’eau. Elle tourne un instant autour de la table, visiblement troublée.Lucie (baissant les yeux)— Je… je voulais te présenter ma mère. Elle va bientôt arriver. Elle voulait te voir.Idriss (soupirant)— Oui… c’est bien. On doit être adultes dans tout
Chez Lucie – Fin de matinéeLucie était assise dans le canapé de son salon modeste, les jambes croisées, le regard rivé sur l’écran de son téléphone. Un message venait d’arriver, signé Idriss.> Idriss :« Voici l’argent pour le transport de ta ménagère. Je viendrai voir ta mère bientôt, mais pour l’instant je suis un peu empêché. On s’arrange, d’accord ? Prends soin de toi. »Lucie soupira de soulagement en voyant la notification de virement. Elle ouvrit son application bancaire et constata que la somme promise était bien là. Elle se leva lentement et alla poser une main sur son ventre, encore à peine arrondi.Lucie (murmurant avec tendresse)— Petit ange… papa commence à faire un pas. Peut-être qu’il va vraiment nous assumer un jour.Elle esquissa un sourire. Ce n’était pas encore l’idéal, mais elle se sentait un peu plus en sécurité, un peu moins seule.---Dans un restaurant discret en périphérie de la ville – 17h30Karim était déjà assis à la terrasse, un cocktail sans alcool à l
Point de vue : IdrissDeux semaines s’étaient écoulées depuis le retour de Karim en France. Idriss, toujours tiraillé entre ses vies parallèles, essayait tant bien que mal de garder le contrôle. Entre les obligations familiales, les rendez-vous professionnels et les tensions internes, il n’avait pas eu une minute à lui. Mais ce matin-là, alors qu’il sirotait son café dans son bureau, son téléphone vibra.[Appel entrant – Anastasie]Il sourit inconsciemment en voyant son nom s’afficher. Cela faisait plusieurs jours qu’ils n’avaient pas eu une vraie conversation. Il décrocha rapidement.Idriss (voix douce)— Mon amour… quelle belle surprise de t’entendre ce matin.Anastasie (voix posée, avec un brin d’excitation)— Bonjour Idriss. J’espère que je ne te dérange pas ?Idriss— Toi ? Jamais. Je suis au bureau, mais j’ai toujours le temps pour toi. Que se passe-t-il ?Anastasie— Écoute… j’ai réfléchi. Les enfants sont en vacances dans une semaine. Et j’ai aussi quelques jours de congé. J’a