CHAPITRE
44
Assise à la terrasse ce soir, les pieds dressés et posés sur un tabouret, frottant de toute aise ses dents avec un cure-dent, Adolé oit les bruits du portail qui s’ouvre. Naturellement, son attention s’est apprêtée pour découvrir qui s’amène. Le portail se referme. C’est Mawupemo ayant franchi le seuil.
La première chose qui frappe du coup la jeune femme à cette entrée dans la maison de son père après quatre mois déjà qu’elle l’a désertée est la porte, ouverte, de sa chambre qu’elle a fermée avec ses clefs et emportées. Quelques effets çà et là sur l’élévation de la terrasse témoignent de facto la présence d’un possesseur des lieux. Elle ne s’y trompe pas. Une jeune femme sort de la pièce avec pagne au bust
Cimetière de Bè Kpota. Aux pieds de son papa, devant sa tombe, Mawupemo se tient. Elle médite un instant, laissant aux larmes l’accès sur ses joues et dit : « papa, je suis venue à toi aujourd’hui et je sais que tu m’entends, toi qui es parti tôt me laisser sans même m’avertir. Tu es parti, papa, sans m’avoir préparée auparavant à ton absence cruelle. La douleur a été très atroce dans mon cœur. Elle demeure. Mais, j’ai accepté de faire avec, et je finis par accepter la triste réalité pour avancer autrement comme tu me l’aurais souhaité, comme tu me l’aurais recommandé, si tu avais le choix de ton départ, pour me faire un au revoir et me sermonner. Tu n’avais pas le choix, tu ne t’y attendais pas, tu étais pris au dépourvu précocement et emporté de force, r
En l'espace de quatre années, Akpénè devient une femme d'affaire épanouie avec son commerce. Comme toute chose, le début, pour elle, fut une tâche ardue. Elle ne s'y retrouvait vraiment pas. Mais, elle s'était fait une promesse de tenir quoi qu'il en soit pour ne pas décevoir l'ami ayant mis toute une confiance inébranlable en elle. C'était pour elle une forme de pression qu'elle subissait psychologiquement : réussir à tout prix, et elle s'y investissait avec toutes les convictions. Décevoir Ehli, serait répandre sur soi, une grande honte, se révéler incapable. Cette seule idée la hantait, et ne devrait pour rien être. Alors, à l'abnégation et à la résilience, elle s'est donnée.Ehli était là pour lui apporter toute assistance à tous les coups pour que le défi lui soit relev&eac
Toute cette journée, au bureau, Ehli ne trouve pas de concentration pour vaquer effectivement à son travail. Ses esprits divaguent, envahi par Akpénè. Elle le submerge. Complètement. Toutes ses pensées restent figées sur son amie ; elle le hante. Il n’en revient pas, ne comprend pas. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, ce qui se passe avec lui. Et pourquoi c'est envers cette dernière, brusquement. Il languit dans son siège. Rien de bon n'est possible qu'il fasse. «Qu'est-ce qui m'arrive ?» se demande-il. «Suis-je en train d'éprouver quelque sentiment pour toi ou quoi, Akpénè ? Et comment est-ce possible ? Ne suis-je pas en train de perdre la raison maintenant de t'avoir en esprit, toi qui m'es une sœur, une sœur jumelle ? De sentir mon cœur battre pour toi ? Que tu me donnes des frissons et que toute ma chair n’aille à toi, te
La vie d’Amézado devient de jour en jour plus qu’une turbulence. Pas de minute qui passe sans qu’il ne regrette Akpénè et les enfants, sans qu’il ne rêvasse. Ses instants sont hantés par les sourires du passé de sa petite famille. Il revoit leurs amusements, le bonheur dans lequel il vivait entre sa femme et son enfant. Sa maison qui était joyeuse, un simple sourire lui y est interdit aujourd’hui: mélancolique maison devenue. Il appréhende même d’y mettre pieds et les soirs, au sortir du boulot, dans l’alcool il pense trouver refuge, soit, il erre dans la ville pour rentrer tardivement afin de ne pas croiser son pire écœurement et avoir à faire encore à du tournis, à de coups de bec, car Massogblé ne manque point d’occasion de lui mettre la flamme, de le couvrir d’injures, d’invectives... Sa maiso
Presque toute la nuit, Ehli fait du projet d’Akpénè, une méditation. Il tourne et retourne dans ses pensées son idée pour la jauger et percevoir ce qu’elle a en soi réellement d’intéressant en y mettant pas des émotions, et en quoi elle pourrait être concrète, hélas, il n’y trouve rien qui lui fasse effet. En ce projet, il ne se retrouve pas tout à fait enthousiaste quand il le sonde à fond, pour s’y jeter. Toutefois, au terme, il se fait une résolution: Akpénè, puisqu’il croit en elle, en son potentiel, en ses capacités et lui fait confiance, il ne va pas lui refuser son appui et de ne pas l’accompagner, car il le sait si bien, son refus la désenchantera et la démotivera. Il lui causera du dépit, du chagrin et l’abattra. Il va de ce fait porter l’initiative avec elle
Aussitôt le retour d’Amézado à la maison, il va s’enfermer, dépité, le fiel, en possession de toute son âme, dans la chambre de sa fille Sitsopé, laquelle chambre il a faite sienne, en abandonnant aussi, comme c’était le cas d’Akpénè, la chambre conjugale où il ne met guère pieds. Il sonne à peine dix-huit heures. Le soleil ne finit même pas encore de prendre sa forme rouge dans l’horizon, pour achever complètement sa course dans le ciel aux nuages épars en retirant ses derniers rayons. Pas de Massogblé avec leur enfant à la maison à son retour. Cela est d’ailleurs la dernière des choses qui l’importent ; si elle est là ou pas, si elle existe encore ou pas. Et si elle pouvait disparaître, partir où elle voudra, s’évaporer dans la nature et ne point paraître sous ses ye
«-Ça fait des minutes déjà que tu es ici et tu dois t’en aller maintenant, Sitsopé tõ. Ta quête est irrecevable. Non pas moi. Vraiment pas. Pas moi de t’introduire auprès de ma sœur. N’espère même pas un seul instant une telle chose de moi. Enfin, bref, tu sais où elle habite. Tu sais comment vous vous êtes rencontrés. Tu sais comment vous aviez vécu comme mari et femme. Tu sais comment elle a quitté ton toit et tu sais aussi comment elle n’est plus aujourd’hui ta femme, et ce depuis des années déjà. Donc tu dois savoir comment t’introduire facilement auprès d’elle encore si cela te tenait vraiment à cœur. Alors vas-y toi-même. Mais ma sœur, d’un homme comme toi, elle n’en a point besoin. Elle n’en avait même pas besoin, car tu ne mér
LES LARMES D’UNE EPOUSECHAPITRE52Il n’y a jamais eu autant de lourdeurs accumulées dans l’atmosphère, l’on dirait qu’elle subissait la pire des suffocations, et la terre qui refuse de s’ouvrir pour engloutir l’infortuné qui l’invoque et faire disparaitre toute son abjection, sa flétrissure. Il souhaiterait instamment qu’une marrée survienne pour l’effacer de la surface de la terre pour que finissent les châtiments, mais il n’y a dans l’air aucune clémence pour lui. En quelques fragments de secondes qui se prolongent comme une éternité éreintante, il revisite toute sa vie. Tout se déroule dans son esprit comme un film d’horreur : son amitié avec Ehli, son histoire avec Akpénè. Tout, depuis leurs débuts. Les beaux moments vécus ensemble durant tout