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Chapitre 4

Author: Orange
« Ne faisons pas la séance photo de mariage demain. »

J'ai jeté un regard au calendrier posé sur la table. Sous la date du lendemain, les mots « Séance photo de mariage » étaient clairement inscrits.

Bien que je ne comprenne pas pourquoi Didier proposait soudainement d'annuler la séance, ce mariage, de toute façon, j'avais déjà décidé d'y renoncer. Même s'il n'avait rien dit, j'aurais trouvé une excuse pour annuler. Maintenant qu'il en parlait le premier, cela m'évitait des tracas et me soulageait même.

J'ai hoché la tête, d'un ton calme : « D'accord, je préviendrai le photographe d'annuler. »

Didier avait un mouvement de surprise, visiblement déconcerté par ma réaction si calme.

Mais l'instant d'après, il a baissé légèrement la tête, dissimulant mal son malaise : « Non, pas besoin d'annuler. »

Il a poursuivi : « Isabelle m'a dit qu'elle n'aurait peut-être jamais l'occasion de se marier de son vivant. Elle voudrait faire une séance photo de mariage avec moi, juste pour avoir l'impression d'avoir connu ça une fois, sans regrets. »

« Demain, ce sera donc Isabelle qui posera avec moi. Nous ferons notre séance photo plus tard. »

Sa voix était neutre, comme s'il commentait la météo du jour, comme si cette demande était des plus banales. Exactement comme un mois plus tôt, lorsqu'il m'avait annoncé qu'Isabelle porterait son enfant par insémination artificielle.

À chaque fois, c'était la même chose : il feignait de me consulter, mais ses mots trahissaient une décision déjà prise. Il ne faisait que m'en informer.

Nous pourrions faire notre séance photo plus tard ? Mais il ignorait qu'il n'y aurait pas de « plus tard » entre nous.

J'ai murmuré un simple « D'accord » avant de me retirer dans la chambre.

De toute façon, le mariage était annulé. Ses photos avec Isabelle ne me concernaient plus.

Didier a regardé ma silhouette s'éloigner, une vague inquiétude lui traversant l'esprit.

Mon calme, l'absence même d'une question, le déroutaient. Tous les arguments qu'il avait préparés pour me convaincre étaient devenus inutiles. Il s'attendait à une réaction émotionnelle, à ce que je lui demande pourquoi une telle décision. Mais rien.

Le lendemain matin, en me levant, j'ai vu Didier sur le point de partir.

Tout en enfilant ses chaussures, il m'a lancé : « Après la séance photo, Isabelle et moi partons en vacances. Elle a toujours rêvé d'Hokkaido. »

« Pour notre mariage, fais simple. Je n'ai pas le temps pour les répétitions ou les préparatifs. Occupe-toi de tout, inutile de me consulter. »

J'ai mordu lentement dans ma tartine avant de répondre d'un ton neutre : « Je vois. »

Faire simple ? Très bien. Il n'y aurait ni cérémonie, ni photos de mariage, ni invités, ni maître de cérémonie… et surtout, plus de mariée pour lui.

Didier m'a regardée mastiquer en silence, puis a ajouté, comme pour compenser : « Après le mariage, on pourra faire notre lune de miel en Scandinavie. Je sais que tu en avais envie. »

Autrefois, cette proposition m'aurait mise en joie. J'aurais immédiatement planifié itinéraires et visites, moi qui l'avais tant supplié de voyager, mais toujours était rejetée sous prétexte que les déplacements le fatiguaient.

Mais cette fois, je me suis contentée de continuer à manger sans réagir.

Didier a ouvert la bouche pour poursuivre, mais un coup d'œil à l'horloge murale l'a fait se précipiter vers la porte : « On en reparle à mon retour. »

J'ai saisi le calendrier et ai tracé un grand X noir sur Séance photo de mariage. Plus que douze jours.

Après le petit-déjeuner, j'ai rangé la maison, triant les objets superflus : l'album photo contenant moins de cinq clichés de nous deux, le projecteur couvert de poussière dans un coin, le pyjama couple que Didier n'avait jamais porté…

Cinq ans de vie commune. Chaque objet ici avait été choisi avec soin, transformant peu à peu ce logement vide en un vrai foyer. Mais à y regarder de près, tant de choses n'avaient jamais servi à Didier.

« Même en couple, je reste un individu indépendant », a-t-il dit, « ces accessoires jumeaux me donnent l'impression d'être enchaîné. »

Alors autant les éliminer maintenant et laisser nos souvenirs s'envoler avec le vent.
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