LOGINLe hurlement a traversé le sanctuaire comme une lame.
Je venais de remonter la couverture sur la fille du nord. Sa jambe immobilisée semblait minuscule sous les bandages. Milo, assis sur un tabouret, jouait avec un caillou poli, et mon fils lisait à mi-voix un passage du carnet d’Iria.
Le signal venu des hauteurs a tout déchiré.
Ma marque s’est contractée au point de brûler. Mon fils s’est figé.
- Rochenoire, murmura-t-il. Frontière nord.
Le rideau s’est soulevé. Kaël est entré à grandes enjambées, torse nu, cheveux encore humides, brassards de cuir à demi bouclés. Sa main s’est posée immédiatement sur ma nuque, réflexe autant qu’ancrage.
- Convoi humain à la lisière, dit-il. Blindés, drones, chiens. Le messager parle de tir d’intimidation. Ils avancen
- Un duel.Le mot est tombé comme une pierre dans l’eau. Les cercles se sont figés autour de la pierre des plans. J’ai vu la bouche du vieux gardien se crisper, les yeux d’Iria se rétrécir, Ardan redresser la tête avec cette satisfaction qui me donne envie de lui griffer le visage.- On ne joue pas avec ça, grogna Kaël.Le jeune guerrier des montagnes, celui qui parlait le plus fort depuis Rochenoire, s’avança, menton levé.- La dissidence n’est pas encore actée, Alpha, déclara-t-il. Quand la meute se déchire sur une vision, les rites permettent un duel. Pas entre deux loups qui règlent un compte privé, mais entre deux porteurs de voie. Nous avons un candidat.Son regard glissa sur ma gauche.Je suivis, le ventre déjà noué.Un jeune mâle sortit des rangs. Plus grand que mon fils, &eacu
Il me ramena au sentier des loups solitaires, celui qui contourne la vallée comme une cicatrice discrète. Sa main restait posée à la base de ma nuque, pouce enfoncé dans la peau, juste assez pour m’ancrer sans m’étouffer. À chaque pas, je sentais sa respiration se caler sur la mienne, plus lourde qu’à l’ordinaire.- Tu t’en rends compte, murmurai-je, ils continuent de débattre pendant qu’on marche.- Ils se seraient déchirés même si nous étions restés au milieu du cercle, répondit-il. Là au moins, j’ai une chance de penser avant de rugir.Sa voix vibrait bas, tendue. Sous la colère, j’entendais une fatigue qui ne lui ressemblait pas, ce poids nouveau placé entre son rôle d’Alpha et celui de père.Nous avons gravi une butte nue. Au sommet, un arc de roche ouvrait la v
Sa main pesait sur ma hanche quand il a enfin rendu sa décision.- Je ne prononcerai pas le mot bannissement, dit Kaël. Je refuse de t’arracher notre marque comme on l’a fait à d’autres quand j’étais jeune.Un souffle a traversé le cercle. La fille du nord ne cligna même pas. Mon fils, derrière elle, se tendit comme un arc.Kaël continua, le regard planté dans ses yeux à elle.- Mais je ne peux pas ignorer que tes crises attirent les machines. Alors j’ouvre une autre voie. Tu quitteras le sanctuaire pendant un temps. Pas seule. Avec des passeurs, avec des errants. Vous remonterez vers une lisière plus éloignée, là où tes ondes se perdront parmi d’autres. Tu ne seras pas chassée, tu seras éclaireuse.Les mots tombèrent lourds. Dans la bouche des anciens, « éclaireur »
Les moteurs se sont tus avant la nuit.Les véhicules humains ont reculé, les drones sont remontés vers le ciel, emportant leurs données, leurs cartes, leurs certitudes froides. Aucun tir, aucune victime. Juste cette impression qu’ils avaient obtenu ce qu’ils voulaient vraiment : mesurer la manière dont nous nous fissurerions après leur passage.La fissure n’a pas attendu.Sur la crête, un jeune guerrier a parlé trop vite.- On sait d’où ça vient, a-t-il lâché. Ils suivent la même trace depuis l’éclipse.Je relevai la tête.- Précise, dis-je.- La fille du nord, répondit-il. L’éruption sous la lune mordue, sa première métamorphose, le sanctuaire qui pulse… Les capteurs ont suivi ce point-là. Sans elle, ils n’auraient jamais trouvé Rochenoir
Le hurlement a traversé le sanctuaire comme une lame.Je venais de remonter la couverture sur la fille du nord. Sa jambe immobilisée semblait minuscule sous les bandages. Milo, assis sur un tabouret, jouait avec un caillou poli, et mon fils lisait à mi-voix un passage du carnet d’Iria.Le signal venu des hauteurs a tout déchiré.Ma marque s’est contractée au point de brûler. Mon fils s’est figé.- Rochenoire, murmura-t-il. Frontière nord.Le rideau s’est soulevé. Kaël est entré à grandes enjambées, torse nu, cheveux encore humides, brassards de cuir à demi bouclés. Sa main s’est posée immédiatement sur ma nuque, réflexe autant qu’ancrage.- Convoi humain à la lisière, dit-il. Blindés, drones, chiens. Le messager parle de tir d’intimidation. Ils avancen
- Tu ne peux pas écrire la tradition, elle se vit, grogna Ardan.- Elle s’écrit depuis toujours, rétorqua Iria sans hausser la voix. Simplement, tu ne lis que les passages qui t’arrangent.Ils étaient face à face, de part et d’autre de la pierre des plans. La vallée vibrait d’une inquiétude sourde. Les jeunes avaient cessé leurs exercices, les passeurs faisaient semblant de réparer des cordes. Tout le monde écoutait.Je me tenais entre eux, littéralement. Une main posée sur la pierre, l’autre crispée sur ma cuisse pour m’obliger à rester immobile. Si je bougeais, la clairière éclatait.Kaël ne disait rien. Il observait, adossé à un rocher, bras croisés sur son torse nu. À la lumière du matin, ses cicatrices prenaient une teinte plus claire. Son regard allait d’Iria







