Je tournai en rond de longues minutes près de la porte arrière de la maison. Je me sentais fébrile et j'admets, paniquée. J'aurais déjà dû être à notre rendez-vous, mais je n'arrivais pas à trouver le courage de sortir. Je l'imaginais en bordure des arbres, sa peau douce caressée par le vent, ses longs cheveux ondulant dans son dos et ses magnifiques yeux me cherchant. Oui, je savais qu'elle m'attendait en ce moment même, je le ressentais comme un poids contre ma poitrine. Elle était si proche... Aller, Yumi, un peu de courage, pour une fois!
Je me motivai mentalement avant de pousser la porte, en prenant une grande inspiration. Tu vois, ce n'était pas si difficile. Heureusement, il faisait beau aujourd'hui et il n'y avait aucune prédiction de pluie à venir. J'avoue que même si le ciel devait nous tomber sur la tête, j'y serais allée quand même.
Je franchis la courte distance qui me séparait toujours du jardin et bifurquai vers l'orée de la forêt, les yeux fixés sur mes pieds; une partie de moi redoutait de les lever sans que je comprenne pourquoi. Peut-être avais-je peur d'être déçue, cependant je n'eus pas le temps d'y réfléchir, on m'interpela.
- Bonjour Yumi!
J'eus une bouffée de chaleur juste à entendre le son de sa voix.
- Bonjour...
Il y eut un court silence.
- Tu peux me regarder, tu sais. Je ne crois pas être si affreuse.
Elle le dit sur le ton de la plaisanterie, j'aurais juré, pourtant, déceler une pointe d'agacement. J'expirai l'air que j'avais retenu sans en être consciente depuis que j'étais sortie de la maison et croisais finalement son regard. Elle me faisait toujours ce même effet, je ressentais un vertige comme si je tombais à la renverse sans jamais toucher le sol. Mon cœur n'en faisait qu'à sa tête et battait à un rythme irrégulier. J'avais chaud... vraiment très chaud; malgré tous ces inconforts, je ne pus retenir un sourire de joie pure. Elle me le rendit et ses yeux pétillèrent de bonheur.
- Voilà qui est mieux! Tu me rejoins ici ou bien tu préfères rester plus loin?
- Oh! Euh... j'arrive...
Je m'approchai avec hésitation, ignorant quelle portée était respectable dans ce genre de circonstances. J'optai pour deux bons mètres et m'arrêtai en lui offrant un sourire timide. À cette distance, pendant qu'elle m'examinait dans les détails, je la voyais déglutir difficilement.
- Eh... Hum... Tu...
- Viens plus près!
J'ouvris grand les yeux et il me sembla que mon cœur cessait de battre. Je devais avoir l'air effrayée puisqu'elle se sentit obligée de s'expliquer.
- Je ne te ferai rien de mal Yumi, je veux juste te parler d'un peu plus près.
Je n'osai pas répliquer de peur que mes pensées s'entremêlent et que je réponde une bêtise. Néanmoins, je fis ce qu'elle me demandait et me retrouvais bien rapidement à un pas d'elle. Elle s'assit dans l'herbe et je l'imitais avec plaisir. Mes jambes n'auraient pas tenu longtemps si nous étions restés debout à proximité l'une de l'autre. J'eus encore droit à un de ses magnifiques sourires.
- Je suis contente que tu sois venue.
- Moi aussi... Je suis demeurée sur le pas de ma porte plusieurs minutes tant j'étais nerveuse.
- Et moi, je suis arrivée des heures à l'avance parce que je ne voulais pas te manquer!
- Ah bon?
Elle hocha la tête en partant d'un rire sincère auquel je me joignis. J'eus l'impression que toute la tension et la nervosité que j'avais accumulées depuis la veille se dissipaient. Comme si d'un simple rire elle pouvait chasser toutes mes peurs.
— Bon sang ! Élizabeth, que t'est-il arrivé ?
— Ah ça, ce n'est rien ! répondit-elle nonchalamment en relevant précipitamment le haut de son chandail.
— Pour que tu sois si prompt à cacher ta blessure, c'est que ça ne doit pas être aussi bénin que tu le prétends...
— Je suis une louve Yumi, ce genre de marque est habituel.
Je fronçais les sourcils. Ce qu'elle disait faisait du sens, mais je sentais que quelque chose sonnait faux. Je voulus tirer sur le chandail, mais elle m'évita à une vitesse déconcertante.
— Je te dis que ce n'est pas grave.
— Tu n'auras pas d'inconvénient à me montrer dans ce cas ?
— ...
Je soutins sans difficulté son regard mécontent. Une fois que j'ai quelque chose en tête, je ne lâche pas facilement. Bon, peut-être que si elle avait été réellement agressive j'aurais laissé tomber... Elle avait beau être gentille envers moi, je n'étais pas stupide au point d'oublier qu'elle était un loup-garou !
— S'il te plaît ?
Elle fit un son à mi-chemin entre un soupire et un grognement. Je considérais qu'elle me donnait ainsi son accord et tirais sur le chandail aussi doucement que possible. Ce que j'y découvris me fit grimacer. Quatre épais sillons rougeoyants marquaient sa chair en partant du buste jusqu'à son dos en passant par son épaule. La peau était boursouflée et suintait comme si elle était infectée.
— Ouf, ce n'est pas joli. Je croyais que vous guérissiez super rapidement.
— Mhm... tout dépend de la blessure.
— Tu sais que c'est infecté ?
— ... Oui, mais ça guérira... comme toujours, souffla-t-elle sans doute plus pour elle-même que pour moi.
— Qu'est-il arrivé ?
En levant les yeux, je fus surprise par la dureté de son regard. Celui qui était si chaleureux quelques instants plus tôt était maintenant froid avec une pointe d'agressivité. Je me reculais instinctivement.
— C'est une affaire de meute.
— Euh... je... d'accord, désolée.
Je me relevais pour m'éloigner, mais elle me retint par la main. Quand s'est-elle relevée ?
— Où vas-tu ?
— Je... je vais chercher quelque chose pour te soigner.
Elle se détendit, mais ne me relâcha pas pour autant.
— Ce n'est pas nécessaire. Je n'aurai plus rien d'ici un jour ou deux.
— D'ici là, ça ne doit pas faire du bien... J'ai ce qu'il faut pour que ce soit moins désagréable. Ne fais pas cette tête, je reviens vite.
— Certaine ?
Un voile de doute hantait son regard. Elle croyait vraiment que j'allais partir juste comme ça ? Elle ne m'avait pas répondu de la meilleure des manières, mais ce n'était pas une raison... du moins pas pour moi.
— Oui, voyons. Allez, je me dépêche.
— D'accord...
Je rentrais donc au pas de course et me précipitais dans la salle d'eau pour chercher quelques bandages et un désinfectant spécial. Mon père le gardait en sûreté puisqu'il nettoyait les infections causées par les morsures et les griffures de loups. Je pris aussi quelques effets supplémentaires au cas où la blessure soit plus grave que ce que j'avais eu le temps de voir.
Nous étions restées encore un moment serré l'une contre l'autre à échanger une caresse ou encore un baiser jusqu'à cumuler suffisamment de courage pour se lever et poursuivre notre matinée, du moins si nous étions encore le matin. Il n'y avait aucune fenêtre alors impossible pour moi de savoir si la journée n'en était qu'à ses débuts ou si elle était bien avancée.- En te transformant, tu devrais guérir plus rapidement.- Bien franchement, je n'ai pas du tout envie de me promener sur quatre pattes pour le moment. Je préfère avoir un peu mal et garder mes jambes.- Comme tu veux.Elle embrassa la paume de ma main malgré son désaccord qui planait doucement entre nous. Je n'en fis pas un cas, je savais qu'elle n'insisterait pas et qu'elle voulait mon bien mais je n'étais pas encore en paix avec ce qui m'était arrivé alors pas question de changer de forme. Nous nous immobilisâmes devant la cellule de Roan. Le moment était venu et je croisais les doigts pour que tout se passe bien. Enfin..
Je la fixais avec insistance, à mis chemin entre colère et hébétement total pendant qu'elle cherchait encore une fois ses mots?- Il est vivant si on peut dire. Les blessures que tu lui as infligées vont finir par l'achever. Il est enfermé dans une cellule pour le moment et malgré mes tentatives, il n'acceptera de parler qu'à toi.Mais alors qu'était-il arrivé quand elle était partie à sa poursuite? Ce souvenir était le seul qui était clair dans mon esprit; elle s'était élancée à sa suite dans la forêt sous sa forme hybride.- Tu me racontes?Elle s'exécuta et me raconta tout à partir du moment où j'étais tombée. Les loups de Roan s'étaient immédiatement soumis quand il s'était enfui. Son emprise sur eux s'était relâchée grâce à ma victoire et ma mère m'avait fait mener à Ethan pour que je suis soignée.Éli, quant à elle, avait habilement poursuivit l'Alpha de sorte à le mener vers le champs fleuris. Là, Clara qui avait disparu depuis mon invasion avait monté un piège en s'inspirant d
Phœbe dut apporter une deuxième potion durant cette heure interminable. Élizabeth et moi n'avions eu que quelques minutes supplémentaires pour établir un plan complet avant qu'une autre crise ne me submerge. Celle-là était encore plus violente et l'aconit m'avait laissé dans un état horrible. J'étais fatiguée et je pouvais pratiquement sentir les poches violettes qui gonflaient mes yeux. Je n'avais pas réussi à retirer l'hémoglobine qui couvrait mon nez, ma bouche et mon menton, mais n'en avais cure. Je détestais seulement vomir par le nez.- Ma foi, chère Yumi, tu es charmante ! s'exclama Roan en nous voyant avancer vers lui.Nous étions dans la cour du centre d'entraînement, là où j'avais autrefois l'habitude de venir m'exercer au tir à l'arc. Le terrain était vaste et dégagé, parfait pour un combat à mort. Une vingtaine de loups attendaient derrière nous et l'équivalent devant nous, derrière leur Alpha. C'était sans compter les humains qui observaient la scène en sécurité par les f
Moi qui éprouvais déjà des difficultés à gérer mes nouveaux sens de loup, je me retrouvais rapidement avec une migraine carabinée en y ajoutant ce qui venait de m'être offert. La lumière qui filtrait par la canopée me brûlait les yeux, le son de mes propres pas résonnait comme autant de coups de tambour à mes oreilles, le moindre courant d'air faisait frissonner d'horreur ma peau sensible, mais le pire était mon odorat. Tant d'odeurs agressaient mon nez qu'il m'était impossible de faire la moindre distinction entre l'humidité du sol et ma propre transpiration. En temps normal, j'aurais été enchantée de ne pas la sentir étant donné la chaleur qu'il faisait, mais je savais que ce n'était pas normal. Ma température devait atteindre de nouveaux sommets, je marchais dans une forêt humide tout en combattant mes sens, mais aussi mon corps qui était de plus en plus parcouru de spasmes. Pourquoi cela ? Réponse simple, mais ô combien frustrante ! La pleine lune me poussait à la transformation m
Elle tua deux autres loups avant de ralentir la cadence. Le dernier lui avait offert un combat digne de son intérêt en ne mourant pas après un simple coup de crocs. Il s'était débattu et avait même réussi à la blesser, quoique légèrement. La piqûre de ses canines m'avait fait grimacer, mais si elle avait pu, ma louve aurait souri. Elle voulait combattre et tuer, mais plus que tout, elle voulait tester ses limites. Elle était bien plus forte que tous ceux qu'elle avait croisés, c'en était même ridicule. Il lui fallait un adversaire plus puissant, il lui fallait un Alpha, mais peu importe à quel point elle tentait de trouver leurs odeurs, il n'y avait toujours rien. Ils n'avaient pas dû passer par ici. Il fallait retourner au village afin de les tracer.Elle contemplait les environs et je la sentais hésitante. Passer au travers d'une mer de piège ne semblait pas l'emplir de joie, mais la contourner lui ferait perdre du temps. Elle gronda comme si les plantes allaient prendre conscience
Je déambulais dans ces rues que je connaissais si bien en prenant garde de rester à l'ombre des maisons. J'approchais en silence du centre où je sentais maintenant les deux Alphas. Quelques bruits de voix me vinrent aussi aux oreilles, mais ce n'était pas clair. J'arrivais néanmoins à reconnaître celle d'Élizabeth et mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Je voulais tant la rejoindre et me tenir à ses côtés, mais ils me croyaient tous enfermée et j'espérais pouvoir changer la donne.Je les vis enfin près de la fontaine. Tous deux n'étaient qu'à quelques mètres l'un de l'autre, chacun gardant leur clan derrière eux. Les voir ainsi face à face avait quelque chose d'impressionnant. J'avais beau détester Roan, je ne pouvais nier sa prestance de roi tout comme Élizabeth avait tout d'une reine. La sorcière qui avait maudit le premier Alpha avait vraiment créé des êtres magnifiques.— Annonce le combat que nos meutes n'aient pas à s'entre-tuer.— Je ne suis pas idiot, je n'arriverais pas à t