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La trace d’un parfum

Penulis: Maryne029
last update Terakhir Diperbarui: 2025-05-12 04:21:57

Ambre remonta les escaliers de l’hôtel particulier avec une lenteur inhabituelle. Une partie d’elle aurait voulu s’attarder encore dans les rues de Paris, faire durer cette parenthèse précieuse. Mais l’autre — celle qu’on avait façonnée, éduquée, enfermée — la poussait à revenir, comme on revient toujours à sa cage, même quand la porte reste entrouverte.

Elle portait toujours sa robe bleu pétrole. Son reflet croisa celui du miroir dans l’entrée, et elle s’arrêta un instant.

Quelque chose avait changé. Elle le voyait maintenant. Ce n’était pas la robe, ni la coiffure relâchée, ni même les talons plus hauts que d’habitude. C’était son regard. Il n’était plus complètement éteint.

Dans sa chambre, elle referma doucement la porte. Elle ne voulait pas entendre la voix d’Adrien. Pas maintenant. Elle voulait ce moment pour elle. Ce moment où elle allait se préparer non pas pour lui plaire, mais pour se plaire à elle-même.

Elle se dirigea vers la coiffeuse. Lentement, elle défit sa coiffure, laissa tomber ses cheveux sur ses épaules. Quelques ondulations naturelles s’étaient formées. Elle décida de les laisser ainsi.

Puis, elle se maquilla. Rien de criard, ni de trop travaillé. Juste une touche de lumière au coin des yeux, un soupçon de rose sur les joues, et un rouge discret aux lèvres. Un maquillage de femme libre, pas de poupée docile.

Enfin, elle ouvrit le petit sac en papier qu’Anthony lui avait discrètement glissé avant de partir.

Un flacon en cristal, finement ciselé. Le Parfum.

Elle se souvenait encore de l’instant où elle l’avait senti. Il avait évoqué la rose fraîchement coupée, la vanille chaude, le musc délicat, et une note aphrodisiaque insaisissable, presque animale, qui restait en mémoire bien après que le parfum ait disparu.

Elle en vaporisa une goutte sur sa nuque, puis sur ses poignets, qu’elle effleura l’un contre l’autre. Le parfum s’enroula autour d’elle comme un châle invisible. Elle se sentit forte. Irrésistible. Vivante.

Elle descendit les marches, chaque pas résonnant sur le marbre poli.

Adrien était déjà dans le salon, une coupe de champagne à la main, affairé à répondre à un message sur son téléphone. Lorsqu’il leva les yeux vers elle, ce fut un instant suspendu.

Son regard s’arrêta un quart de seconde de trop. Il la fixa, parcourant son visage, ses épaules dénudées, la robe qui épousait sa silhouette sans provocation, mais avec grâce. Et ce parfum… Même à plusieurs pas de distance, il en capta les notes.

Mais comme toujours, il se referma aussitôt. La vulnérabilité fugace dans ses yeux laissa place à une expression froide.

— Tu t’es déguisée pour l’occasion ?

Ambre ne répondit pas. Elle descendit la dernière marche sans presser le pas. Elle ne voulait plus courir après son approbation.

— Ce n’est pas trop voyant ? lança-t-il d’un ton sec. Tu sais que ma mère a des goûts très classiques. Tu aurais pu au moins t’en souvenir.

— Je m’en souviens très bien, répondit-elle calmement. Mais ce soir, j’ai choisi quelque chose qui me plaît.

— Charmant. Il prit une gorgée de champagne. On dirait que tu essayes de jouer un rôle. Ce n’est pas vraiment toi.

Elle le regarda, sans baisser les yeux.

— Et si, justement, c’était enfin moi ?

Il resta silencieux. Un battement de cil. Un frisson presque imperceptible. Puis il haussa les épaules et se détourna, comme s’il n’avait rien entendu.

Le dîner eut lieu dans la salle à manger formelle, celle que la famille Morel réservait aux occasions officielles. Une longue table de bois noir, des chandeliers en cristal, une argenterie parfaite. L’ambiance était aussi glaciale que le décor.

La mère d’Adrien, Éliane Morel, arriva vêtue d’un tailleur beige perle, impeccablement repassé, ses cheveux argent tirés en un chignon strict. Son mari, Charles, la suivait, silencieux comme à son habitude.

— Ambre, dit-elle sans sourire, en effleurant sa joue d’un baiser à peine perceptible. Tu as mis de la couleur, ce soir. C’est… original.

— Merci.

— Ce n’était pas un compliment. Elle s’assit sans plus de cérémonie.

Ambre sentit le regard de la matriarche glisser sur elle comme une lame. Puis sur Adrien.

— Tu n’as pas pensé à la conseiller avant le dîner ?

— Elle a pris ses propres décisions.

— Hum. Les femmes qui pensent par elles-mêmes, c’est si… moderne. Le ton était acide.

Charles tenta une diversion en évoquant une actualité boursière, mais le regard d’Éliane ne quittait pas Ambre.

Le repas fut un ballet d’hypocrisie. Les plats étaient magnifiques, préparés par un chef réputé, mais Ambre n’avait pas faim. Les conversations tournaient autour de chiffres, d’invitations à venir, d’investissements.

— Tu ne dis rien, Ambre ? demanda Éliane soudain. Tu sembles absente. Ou peut-être intimidée ?

— Je suis simplement attentive. Elle gardait une voix posée. Je préfère écouter que dire des choses inutiles.

Un silence tomba. Adrien serra la mâchoire. La mère haussa un sourcil.

— Drôle de réponse. Tu sais, dans notre monde, il vaut mieux apprendre à plaire. Et à se taire avec élégance. Tu as encore beaucoup à apprendre.

Ambre posa doucement sa fourchette.

— Peut-être. Mais je commence à penser que je suis en train d’apprendre autre chose.

— Et qu’apprends-tu, ma chère ?

Elle sourit, mais ses yeux brillaient d’une lueur nouvelle.

— À ne plus m’excuser d’exister.

Ce fut Charles, curieusement, qui étouffa un petit rire.

La fin du repas fut tendue, mais Ambre s’en moquait. Elle se sentait debout. Elle savait qu’elle allait payer ses mots plus tard, mais elle n’en avait plus peur.

Quand elle se leva pour quitter la table, son parfum flottait derrière elle, comme une signature invisible. La rose, la vanille, le musc. Il enveloppait la pièce d’un mystère doux et entêtant.

Adrien, en silence, la suivit du regard.

Quelque chose avait changé.

Et il le savait.

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