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Ce qu’on ne dit pas

Author: Maryne029
last update Last Updated: 2025-05-12 07:28:46

L’automne s’était installé doucement dans la ville. Les arbres du campus, que l’on avait vus verdir à la rentrée, affichaient maintenant des teintes mordorées. Le sol se couvrait de feuilles craquantes, et les étudiants s’emmitouflaient dans leurs manteaux trop grands, les mains serrées autour de gobelets brûlants.

Aurore aimait cette saison. Il y avait dans l’air une certaine mélancolie qui résonnait avec son état d’esprit du moment. Elle était concentrée, sérieuse, appliquée dans ses cours, mais quelque chose dans sa poitrine vibrait en sourdine. Une attente, une tension, qu’elle ne s’expliquait pas.

Depuis leur bref échange au café, l’homme mystérieux hantait ses pensées. Pas obsessionnellement, mais comme une mélodie dont on ne se défait pas. Elle ne connaissait rien de lui. Rien sauf ses yeux sombres et cette façon étrange qu’il avait eue de lire en elle, avec une acuité troublante.

Elle n’avait rien dit à personne. Ni à Lucas, ni à Sarah. Elle ne voulait pas qu’ils minimisent l’importance de cette rencontre, ou pire, qu’ils en fassent un sujet de plaisanterie. Elle gardait ça pour elle, comme un secret précieux.

Un matin, alors qu’elle traversait la cour du campus un peu en avance, elle fut surprise de recevoir un message inattendu sur la plateforme étudiante :

« Conférence exceptionnelle à la Médiathèque Universitaire ce soir à 18h. Sujet : L’éthique dans le monde de l’entreprise moderne. Entrée libre. Intervenant prestigieux. »

Elle hésita. Ce n’était pas vraiment son domaine, mais la curiosité l’emporta. Elle se dit que ce genre d’occasion faisait aussi partie de la vie universitaire. Peut-être même que ça lui plairait.

À dix-huit heures, elle entra dans la grande salle de la médiathèque. L’endroit était déjà presque plein. Une estrade avait été dressée, avec un micro et quelques fauteuils modernes. Aurore s’installa dans un coin, son carnet en main, entourée d’étudiants majoritairement issus des filières de gestion ou de droit.

Quelques minutes plus tard, la responsable de la médiathèque prit la parole, un sourire aux lèvres et un ton solennel dans la voix.

« Merci à toutes et à tous d’être venus si nombreux. Ce soir, nous avons le plaisir d’accueillir un invité exceptionnel. Il est à la tête d’une des entreprises les plus innovantes et discrètes du pays, spécialisée dans les technologies durables et les infrastructures intelligentes. Je vous demande d’accueillir chaleureusement Monsieur Damien Vernet, PDG de Vernet Industries. »

Un murmure parcourut la salle.

Le nom ne résonnait pas comme celui d’une célébrité, mais il imposait quelque chose. Une certaine stature. Aurore, elle, sentit un choc dans sa poitrine. Ce visage. C’était bien lui. Et maintenant, elle connaissait son nom Damien Vernet. PDG. Elle cligna des yeux, abasourdie.

Elle le regarda s’avancer vers le micro, imperturbable, vêtu d’une veste sombre. Il portait cette même aura distante, presque froide. Mais il y avait autre chose, maintenant. Quelque chose de plus vertigineux : le poids de ce qu’il représentait.

Il prit la parole sans notes, avec un calme souverain.

« Je ne suis pas ici pour vous parler de réussite. Je suis ici pour vous parler de choix. De solitude. De responsabilités. »

Pendant près d’une heure, il captiva l’auditoire. Sa manière de parler n’était pas académique. C’était cru, réel, presque brut. Il ne cherchait pas à impressionner. Il voulait faire réfléchir. Il abordait les décisions morales, les sacrifices nécessaires pour bâtir une entreprise, l’importance de rester fidèle à une vision… sans jamais tomber dans l’autopromotion.

À la fin, il répondit brièvement à quelques questions, restant évasif sur ses méthodes ou ses opinions personnelles. Puis il quitta la scène avec la même discrétion que celle avec laquelle il était arrivé.

Aurore resta figée. Elle ne savait pas quoi penser. Il était un homme puissant, brillant. Et pourtant… il y avait toujours ce quelque chose d’indéchiffrable en lui. Un mur invisible.

Elle quitta la médiathèque en silence, et décida de longer le bâtiment pour prendre l’air. L’automne sentait bon la terre et les feuilles, et cela calmait son esprit.

Et ce fut là, dans l’ombre d’un vieux chêne, qu’elle le vit. Adossé au mur, les bras croisés, seul dans la pénombre. Il l’attendait.

Elle s’approcha, le cœur battant.

« C’était… une conférence intéressante. »

Il la regarda, toujours impassible. « Tu es venue. »

Elle acquiesça. « Je ne savais pas que ce serait vous. »

« Moi non plus. »

Elle fronça les sourcils. « Comment ça ? »

Il détourna le regard, presque gêné. « Je ne devais pas parler. Un intervenant s’est désisté. On m’a demandé de le remplacer à la dernière minute. »

Un silence s’installa entre eux.

« Alors vous êtes Damien Vernet… »

Il ne répondit pas, mais ses yeux plongés dans les siens suffisaient. Il ne niait pas. Il assumait. Et pourtant, il semblait mal à l’aise qu’elle le sache.

« Pourquoi ne pas m’avoir dit qui vous étiez ? » demanda-t-elle doucement.

Il la fixa longuement, avant de répondre d’une voix grave :

« Parce que mon nom change tout. Et je préférais être juste… un inconnu. »

Elle hocha la tête lentement. Elle comprenait, au fond. Et pourtant, ça soulevait encore plus de questions.

« Est-ce qu’on se reverra ? » osa-t-elle.

Il hésita. Puis dit, presque à contre-cœur :

« Je ne sais pas si c’est une bonne idée. »

« Pourquoi ? »

Il baissa les yeux, comme s’il pesait chaque mot.

« Parce que je ne suis pas fait pour ce genre de rencontres. »

Et il s’éloigna sans un mot de plus.

Aurore resta là, dans la lumière pâle d’un réverbère, le cœur traversé de mille sentiments. Il était plus qu’un mystère, plus qu’un PDG ou un visage croisé dans un café. Il était un homme que la vie avait sculpté dans le silence et la dureté. Et elle, dans sa simplicité lumineuse, se retrouvait irrésistiblement attirée par cette part d’ombre qu’il portait.

Elle savait déjà qu’il allait bouleverser son monde.

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