Au bout de trois jours d’attente, alors que le temps semblait s’étirer sans fin, le téléphone de Noham vibra soudainement. Il regarda l’écran, le cœur battant un peu plus vite. Le numéro était celui de l’homme au manteau sombre.
— Bonjour, Noham. J’ai une nouvelle mission pour toi.
Il écouta attentivement.
— Direction le sud de la ville, là où commence la forêt à la périphérie. Je vais t’indiquer un sentier précis. Tu dois t’y rendre, pénétrer dans la forêt jusqu’à ce que tu arrives à deux arbres couchés en parallèle. Juste à côté, il y a une cachette. Installe-toi là et observe tout ce qui se passe autour. Prends des notes détaillées.
— Compris, répondit Noham, déjà en train de préparer son sac.
L’homme conclut :
— Reste discret. Ne te fais pas repérer. Ce que tu vas voir peut être important.
Après avoir raccroché, Noham prit une profonde inspiration. La forêt à la périphérie de la ville. Ce lieu lui était à la fois familier et mystérieux. Il se demanda ce qui l’attendait dans ce nouvel endroit, mais une chose était sûre : il n’avait pas le choix.
Quelques heures plus tard, il se retrouva au bord de la ville, là où les maisons laissaient place aux grands arbres. Il repéra le sentier que l’homme lui avait décrit. Il s’y engagea, le cœur battant, les sens en alerte.
Le silence de la forêt contrastait avec l’agitation de la ville qu’il laissait derrière lui. Au bout d’un moment, il aperçut enfin les deux troncs couchés, alignés côte à côte. Juste à côté, une cavité naturelle formée par des racines tordues et de la terre. Parfait pour se cacher.
Noham s’installa à l’intérieur, sortit son carnet et observa. Il était prêt à noter le moindre détail, à saisir la moindre anomalie. L’attente allait recommencer. Mais cette fois, il était certain que quelque chose allait se produire.
Noham s’était calé dans la cachette, le corps à moitié dissimulé par la végétation dense. Le bruissement des feuilles, le chant lointain des oiseaux, tout semblait paisible. Pourtant, son esprit était tendu, prêt à capturer le moindre mouvement suspect.
Il ouvrit son carnet, stylo en main, et commença à écrire les premières impressions : l’endroit, la lumière filtrée par les branches, l’odeur humide de la terre.
Les minutes passaient. Rien ne venait troubler ce silence, si ce n’est le vent léger qui faisait danser les feuilles.
Puis, soudain, au loin, un craquement de branches. Noham retint son souffle. Deux silhouettes apparurent lentement sur le sentier, avançant avec prudence, comme conscientes d’être surveillées.
Il reconnut immédiatement les deux femmes qu’il avait aperçu quelques jours plutôt. Elles portaient des vêtements sombres, adaptés à la forêt.
Noham leva doucement son carnet pour noter chaque détail : leur allure, leurs échanges de regards furtifs, la manière dont elles scrutaient les alentours.
Le temps semblait suspendu.
Que faisaient-elles ici ? Pourquoi ce lieu isolé ? Et surtout, que devait-il faire maintenant ?
Il se rappelait les consignes : observer, ne pas intervenir.
Il resta figé, attentif, sachant que cette journée pourrait changer bien des choses.
Les deux silhouettes s’arrêtèrent enfin, non loin de l’endroit où Noham était caché. L’une d’elles jeta un rapide coup d’œil autour d’elle, puis siffla doucement, un son presque imperceptible, semblable à l’appel d’un oiseau.
Quelques secondes passèrent. Puis, comme sortis de l’ombre elle-même, deux autres personnes émergèrent entre les arbres. Aucun mot ne fut échangé. Un cercle invisible semblait s’être formé, un lieu hors du temps, au cœur de la forêt.
Noham resserra sa prise sur son carnet.
L’une des femmes—celle qui avait sifflé—sortit de sa poche une petite fiole. Le liquide à l’intérieur brillait d’une lueur verte, presque surnaturelle. Il pulsait doucement, comme s’il était vivant.
L’homme en face d’elle, grand et enveloppé d’un manteau poussiéreux, sembla impressionné.
— Pur ? demanda-t-il à voix basse, en approchant ses doigts sans toucher.
— Distillé à la source, répondit la femme. Sans dilution. Deux gouttes suffisent pour éveiller une mémoire ancienne… ou en effacer une.
Noham nota chaque mot, le souffle court. De quoi parlaient-ils ? Quel genre de produit pouvait avoir de tels effets ?
Mais ce n’était pas tout.
L’autre personne du groupe, une silhouette plus frêle mais vive, fouilla dans son sac de toile râpé et en sortit un paquet long et fin, enveloppé dans du tissu usé. Elle le déroula lentement, comme si elle découvrait un trésor ancien.
Le tissu révéla un objet fin et noirci par le temps. Une baguette. Pas une simple branche, non. Il y avait des gravures incrustées sur toute sa longueur, des symboles que Noham ne connaissait pas, mais qui semblaient résonner avec quelque chose de profond en lui.
— C’est la vraie ? murmura le grand à la fiole, les yeux brillants.
— Celle du grand mage blanc lui-même, dit la femme. Elle a traversé les âges. Elle a été perdue depuis l’exil. Mais la terre l’a rendue à nouveau.
Un frisson parcourut l’échine de Noham. Il ne comprenait pas tout, mais il savait une chose : ce qu’il voyait n’avait rien de banal. Ce marché clandestin ne concernait ni drogues, ni armes classiques. C’était autre chose. Quelque chose de plus ancien, plus dangereux.
— Combien ? demanda l’homme.
— Tu as ce que je veux, dit-elle en désignant la baguette.
Un échange muet s’opéra. Fiole contre baguette.
Puis le groupe se dispersa, chacun dans une direction différente, sans un mot de plus.
Noham resta immobile, encore tendu, le cœur battant. Il nota les derniers détails, ferma doucement son carnet, et attendit un moment, juste pour être sûr que tout danger était écarté.
Ce qu’il venait de voir dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer.
La baguette du grand mage blanc.
Il ne savait pas encore ce que cela signifiait, mais il allait devoir le découvrir. Et vite.Noham courait sans fin, son souffle court et saccadé résonnant dans l’obscurité oppressante. Derrière lui, un monstre immense avançait à grands pas lourds, ses griffes acérées raclant le sol, ses crocs luisants déformant une gueule béante prête à déchirer. Chaque rugissement emplissait l’air d’une menace sourde et implacable.Il criait, se débattait, tentait de fuir, mais le cauchemar le rattrapait toujours. La peur le paralysait autant qu’elle le poussait à courir. Le monstre le saisit, ses griffes s’enfonçant dans sa chair, lui arrachant un cri de douleur. Le sang coula, chaud et amer, tandis que le souffle lui manquait.Alors, soudain, une main douce effleura sa joue brûlante. Une voix apaisante murmura à son oreille, des mots qu’il ne comprenait pas mais qui calmaient son cœur battant.Cette douceur fragile s’évanouit aussitôt, laissant place à une noirceur menaçante, vorace, prête à l’engloutir.La noirceur semblait vouloir l’engloutir tout entier, mais une force invisible le rep
Le cœur battant à tout rompre, Noham sut qu’il avait été repéré. Pas forcément identifié, mais suffisamment pour qu’ils sachent qu’ils n’étaient plus seul ici. L’adrénaline monta d’un cran. Il n’était plus un simple observateur.Le souffle court, Noham resta immobile, le dos plaqué contre le mur de béton fissuré. Son regard cherchait à percer l’obscurité, mais la nuit épaississait chaque ombre, chaque forme. Il sentait leur présence autour de lui, dans le silence coupé seulement par le bruissement des herbes et le clapotis discret de l’eau du Canal. Il releva une seconde fois la tête pour voir ce qui se passait. Il le revit, là, entre les décombres. Il sentit le regard de l’homme s’attarder un instant sur sa position, comme s’il avait perçu sa présence. Puis, lentement, celui-ci détourna la tête, sans un mot, emportant avec lui l’attention des autres.Il s’éloigna doucement, sans brusquer les herbes, à la recherche d’un nouvel endroit d’où continuer à surveiller la scène sans être vu.
Noham avait tenu parole.Depuis son étrange entrevue avec son employeur, il n’avait pas quitté la maison. Pas une fois. Le médaillon, désormais rangé dans une boîte en métal glissée sous une latte branlante du fond de son coffre métallique, lui semblait toujours peser dans l’air autour de lui, comme s’il déformait l’espace même quand il ne le touchait pas.Il avait convaincu ses parents de faire une pause.De prendre des vacances, avait-il dit, même si personne n’allait nulle part.— Le garde-manger est plein. Vous êtes fatigués, vous méritez du repos.Quelques jours sans s’user les mains à la tâche, ce n’est pas un crime.Sa mère avait protesté, bien sûr. Son père avait grogné, muré dans un silence pensif, mais aucun des deux n’avait insisté. Quelque chose dans la voix de leur fils les avait arrêtés. Une tension sourde, invisible mais présente. Comme si lui-même portait quelque chose de trop grand pour lui.Et puis, les journées s’étaient écoulées.Lentes.Saturées d’une attente info
Noham, capuche rabattue sur le front, avançait d’un pas rapide, les mains profondément enfoncées dans ses poches avec le médaillon, bien dissimulé dans sa main droite, semblait étrangement lourd contre sa peau. Il n’avait pas osé le laisser ailleurs que sur lui.Le point de rendez-vous ne changeait jamais une ruelle près d’un bâtiment désaffecté en bordure du port. Toutes les bâtisses aux alentours étaient couvertes de graffitis. Il arriva en avance, comme toujours.L’homme arriva peu de temps après lui.Silhouette droite, costume sombre, mains croisées dans le dos. Rien d’inhabituel en apparence. Et pourtant, dès que Noham s’approcha, il perçut quelque chose. Un détail. Un flottement.L’homme releva la tête. Ses yeux s’arrêtèrent sur lui plus longtemps que d’habitude. Pas comme un supérieur vérifiant un travail, mais comme un homme cherchant à comprendre ce qu’il a en face de lui. Il l’observait. Avec une attention inhabituelle. Presque… troublée.Noham tendit le carnet sans rien dir
Le soleil déclinait lentement derrière la cime des arbres. La lumière dorée filtrait à travers les feuillages, projetant des ombres mouvantes sur le sentier. Noham, toujours tendu, quitta sa cachette à pas feutrés, vérifiant plusieurs fois que personne ne le suivait. Il prit un détour pour regagner la ville, évitant le chemin principal.Une fois de retour dans le confort relatif de sa maison, il verrouilla la porte, baissa les rideaux et s’assit sur son lit de fortune. Il posa son carnet devant lui, par terre, le regard fixé sur la couverture encore couverte de terre. Il l’ouvrit, relut ses notes à plusieurs reprises. Tout lui paraissait à la fois limpide et insaisissable.La fiole.La baguette du grand mage blanc.Il avait entendu ce nom pour la première fois aujourd’hui, et pourtant, quelque chose en lui résonnait encore. Comme un écho lointain, diffus.Son téléphone vibra, coupant net le silence.« Rapport complet. Dans une heure. »Il soupira, attrapa un stylo et une feuille vierg
Au bout de trois jours d’attente, alors que le temps semblait s’étirer sans fin, le téléphone de Noham vibra soudainement. Il regarda l’écran, le cœur battant un peu plus vite. Le numéro était celui de l’homme au manteau sombre.— Bonjour, Noham. J’ai une nouvelle mission pour toi.Il écouta attentivement.— Direction le sud de la ville, là où commence la forêt à la périphérie. Je vais t’indiquer un sentier précis. Tu dois t’y rendre, pénétrer dans la forêt jusqu’à ce que tu arrives à deux arbres couchés en parallèle. Juste à côté, il y a une cachette. Installe-toi là et observe tout ce qui se passe autour. Prends des notes détaillées.— Compris, répondit Noham, déjà en train de préparer son sac.L’homme conclut :— Reste discret. Ne te fais pas repérer. Ce que tu vas voir peut être important.Après avoir raccroché, Noham prit une profonde inspiration. La forêt à la périphérie de la ville. Ce lieu lui était à la fois familier et mystérieux. Il se demanda ce qui l’attendait dans ce nou