Le Dernier Hurlement

Alors que je finissais mes bagages, Jacob est revenu avec Molly. En me voyant, son regard s'est teinté de culpabilité : « Zoé, tu dois comprendre. Je suis un Alpha. J'ai besoin d'un héritier. »

« Elle est jeune, forte, fertile », a-t-il poursuivi en désignant Molly, « Après toutes ces années ensemble, tu n'as pu me donner d'enfant. Une fois le sien né, je romprai le lien conjugal avec elle. D'accord ? »

Je suis restée silencieuse. Il a interprété mon mutisme comme un consentement.

« Je savais que tu comprendrais ! » s'est-il exclamé, radieux, « Toi aussi tu veux ce bébé, n'est-ce pas ? Tu l'élèveras comme ton propre enfant. Quant à Molly, je la compenserai généreusement avant son départ. »

Je lui ai souri sans répondre.

Il a caressé mes cheveux avec condescendance : « Je savais que tu serais raisonnable. À propos... Molly ne peut loger à l'extérieur enceinte comme elle est, donc... »

J'ai complété sa phrase : « Donc vous emménagez ici ensemble. C'est ça ? »

Jacob, l'air nerveux, a tenté de jauger ma réaction : « C'est plus pratique pour veiller sur elle... »

D'un ton impassible, j'ai proposé : « Qu'elle prenne ma chambre alors. Elle est spacieuse et bien aérée. »

« Très bien ! », mais son sourire s'est effacé brusquement en apercevant mes valises, « Mais où pars-tu ? » Il a agrippé fermement mon poignet.

Molly a surgi alors, s'interposant avec des larmes de crocodile dans ses jolis yeux : « Non Zoé, reste ! Si ma présence te dérange, je dormirai à la cave ! »

« Hors de question ! » s'est indigné l'homme, lâchant ma main pour entourer Molly de ses bras, « Tu es la priorité absolue maintenant ! »

Leur comédie m'a soulevé le cœur. Et ensuite, sous le regard implorant de Molly, Jacob s'est tourné vers moi : « Bon... Pars quelques mois alors. Je te ramènerai après la naissance du bébé. »

En passant devant lui, ma valise à la main, j'ai murmuré dans mon cœur : « Inutile. Ce lieu n'a plus rien d'un foyer. »

Je suis partie alors sans me retourner, me réfugiant au bord du lac.

Ce n'était que lorsque j'étais certaine d'être seule que les larmes que je retenais depuis longtemps se sont mises à couler. Cet endroit était celui où Jacob et moi avions scellé notre amour, et les souvenirs de nos serments résonnaient douloureusement dans mon esprit.

Je ne comprenais pas. Hier encore, Jacob me serrait dans ses bras en murmurant son amour. Aujourd'hui, il avait trahi nos promesses sans un mot, engendrant un enfant avec Molly.

Tout cela pour un simple héritier ? Je refusais d'y croire.

Soudain, un faible gémissement a attiré mon attention. En levant les yeux, j'ai aperçu un louveteau blessé au fond d'un trou peu profond. Il était chétif, si faible qu'il ne tenait même pas sur ses pattes blessées.

Je l'ai pris délicatement dans mes bras : « Toi non plus, tu n'as pas de famille ? »

Le petit loup n'a pas résisté. Il a tendu sa langue rose pour lécher mes larmes, comme pour essayer d'effacer ma tristesse.

En observant ce louveteau si docile, j'ai pensé que la Déesse Lunaire m'avait offert une consolation pour que je ne sois plus seule. J'ai décidé de l'emmener dans ma petite maison, celle où je vivais avant de rejoindre Jacob.

Après avoir été nourri, le louveteau a semblé aller mieux et est parvenu même à se tenir debout. Cette nuit-là, je me suis endormie avec mon nouveau compagnon blotti contre moi.

Avant l'aube, des coups violents à la porte m'ont réveillée. C'était Isabelle, la mère de Jacob.

Elle m'avait toujours considérée comme indigne de son fils Alpha, me méprisant ouvertement.

Dès qu'elle m'a vue, son expression dédaigneuse m'a serré le cœur : « Où étais-tu toute la nuit ? Les tâches ménagères t'attendent ! Une paresseuse stérile comme toi, je me demande ce que mon fils te trouvait ! »

J'ai gardé un visage impassible, rompant avec mon ancienne complaisance : « J'ai quitté cette maison. Jacob ne te l'a pas dit ? D'ailleurs, c'est Molly sa compagne maintenant. Adresse-toi à elle pour le ménage. »

« Molly est enceinte, elle ne peut pas faire le ménage ! » a rétorqué Isabelle en roulant des yeux, « Tu n'as jamais porté d'enfant, tu ne peux pas comprendre ! »

J'ai serré les dents si fort que ma mâchoire en a craqué.

Comment osait-elle dire que j'ignorais ce qu'était une grossesse ? Moi aussi, j'avais porté l'enfant de Jacob. Je l'avais perdu en sauvant la vie de ce dernier, faillant y laisser la mienne. Quand on m'avait appris que je ne pourrais probablement plus concevoir, j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps.

À l'époque, Jacob, les yeux rougis, m'avait serrée contre lui en jurant que notre amour suffirait, avec ou sans enfant. J'y avais cru. Quel mensonge.

Je me suis frotté les paupières brûlantes, refusant de m'éterniser dans cette discussion. C'était alors que Molly a fait son apparition, prenant des airs de martyre : « Isabelle, ne sois pas si dure avec Zoé ! Elle a raison, le ménage me revient. »

« Je vais bien, vraiment ! Juste un peu de nausées et des mouvements difficiles, mais je peux... » Elle n'avait pas le temps d'achever sa tirade hypocrite qu'elle portait déjà une main dramatique à sa bouche, simulant des haut-le-cœur.

« Regarde ça ! » a grondé Isabelle en me transperçant du regard, « Elle souffre et tu oses la faire travailler ? Quelle honte ! » Sur ces mots, elle m'a poussée violemment.

Alerté par l'agression, mon louveteau s'est précipité en boitillant pour se placer devant moi, sa queue battant faiblement.

Alors que je m'apprêtais à le soulever, Molly était plus rapide. Elle l'a arraché du sol : « D'où sort ce petit loup ? »

Sa voix tremblait d'une fausse émotion. Un sourire mielleux a étiré ses lèvres : « Qu'il est mignon ! »

Sous couvert de caresse, ses doigts se sont refermés comme des serres sur la patte blessée du petit. Un gémissement déchirant s'est échappé de sa gueule avant qu'il ne morde instinctivement Molly.

« Aïe ! Sale bête ! » De fausses larmes aux yeux, elle a projeté brutalement le louveteau au sol.

Je me suis ruée vers lui, mais Jacob, surgi à l'improviste, m'a repoussée avec rage : « Zoé ! Qu'as-tu fait à Molly ?! »