Chapitre 2

En poussant la porte de la chambre d'hôpital de Mia, j'ai trouvé Sacha en train de lui donner à manger avec une délicatesse. Dès qu'il m'a vue, son visage s'est fermé : « Qu'est-ce que tu viens faire ici ? Tu ne lui as pas assez fait de mal ? »

Mia a affiché un sourire fugitif de triomphe avant de reprendre son masque de fragile : « Sacha, ne sois pas dur avec elle… Zoé a peut-être juste agi sur un coup de tête. Elle ne me voudrait pas vraiment de mal. »

Sacha l'a regardée avec une tendresse douloureuse : « Comment peux-tu encore la défendre ? Tu connais sa nature ! Depuis petite, elle te vole tout : tes jouets, tes vêtements… et maintenant ton titre ! C'est une égoïste pathétique ! »

Sa voix est devenue vibrante de colère et il a pointé un doigt accusateur vers moi : « Zoé, regarde Mia ! Regarde comme elle est bonne ! Comment peux-tu être aussi cruelle ? Pourquoi es-tu ma sœur ? Si seulement Mia l'était à ta place… »

J'ai serré les lèvres avant d'annoncer calmement : « Je viens te dire que je suis prête à lui donner mon rein. »

Sacha en est resté interdit : « Vraiment ? Tu… tu l'acceptes ? »

« Oui », ai-je hoché la tête, « Tout ce qui peut la sauver, je le ferai. »

Son expression s'est adoucie légèrement : « Je suis touché que tu penses ainsi. Sois tranquille, après l'opération, je prendrai soin de toi. Enfin… tu agis en adulte. »

J'ai esquissé un sourire amer sans répondre.

…

Le soir même, lorsque je suis rentrée à la maison, une odeur de cuisine m'a accueillie. Wilfrid préparait des plats, mais tous les préférés de Mia.

Il s'est interrompu en me voyant et s'est approché. J'ai cru percevoir une lueur coupable dans son regard.

« Zoé… Tu sais que Mia rêve depuis toujours de porter une robe de mariée. Sacha souhaite que nous… que j'organise une cérémonie avec elle pour exaucer son dernier vœu. Après son départ, nous pourrons nous marier normalement. »

Il a poursuivi, comme pour se convaincre lui-même : « Ne le prends pas mal. Elle n'en a plus pour longtemps... Les médecins donnent un mois au maximum. C'est juste… pour lui offrir un peu de bonheur. »

Je l'ai regardé, sentant mon cœur se briser en silence.

« D'accord », ai-je fini par répondre d'une voix étrangement calme.

Wilfrid a paru surpris par mon acquiescement. Je l'avais pourtant refusé à plusieurs reprises auparavant.

« Parfait ! J'appelle la boutique de mariage pour modifier la taille de la robe selon celles de Mia, et changer son nom sur les faire-part. »

Sacha est entré juste à ce moment-là. Ayant entendu la conversation, il a interrompu Wilfrid : « Zoé accepte de donner son rein à Mia. Elle devrait s'en sortir. Inutile de changer quoi que ce soit. L'opération aura lieu demain. Dès que Zoé sera rétablie, vous pourrez reprendre les préparatifs du mariage. »

Wilfrid m'a saisi les mains, rayonnant : « Vraiment ? C'est merveilleux ! Je savais que tu n'étais pas égoïste. Ne t'inquiète pas pour l'opération. Je vais engager le meilleur chirurgien et un nutritionniste pour ta convalescence. Tu seras la plus belle des mariées ! »

J'ai hoché la tête, un sourire forcé aux lèvres.

Ils semblaient tous deux soulagés, leurs regards adoucis par une lueur d'approbation. Aucun n'a remarqué les larmes qui brillaient au bord de mes yeux.

Alors que je m'apprêtais à parler, une vertige soudaine m'a saisie. J'ai perdu l'équilibre et me suis effondrée lourdement sur le sol.

À mon réveil, Wilfrid et Sacha se tenaient devant moi, le visage fermé.

« Encore cette comédie ? Ça ne suffit pas ? » a grondé Sacha en renversant une chaise d'un coup de pied, « Tu as simulé un malaise pendant le concours, et maintenant à la maison ! Que cherches-tu ? »

Wilfrid s'est frotté les tempes, l'air las : « Inutile de jouer les dramaturges pour attirer notre attention. Je t'aime, tu le sais. Même si certains événements ont pu te faire douter, mes sentiments sont indéniables. Mais tes stratagèmes répétés… cela m'épuise. Cela use notre relation. J'en viens à me sentir distant… même fatigué de devoir constamment te rassurer. »

J'ai compris soudain : ils croyaient que je simulais pour attirer leur pitié.

Ça devait être à cause des analgésiques puissants que j'avais pris. Sous l'effet de ces médicaments, je n'avais pas l'air d'un malade, pas de pâleur, pas de gonflement corporel. Au contraire, j'avais un teint frais, comme une personne en bonne santé.

Je me suis redressée péniblement, dissimulant chaque élancement derrière une voix neutre : « C'était sans doute une hypoglycémie… Je n'ai rien mangé aujourd'hui. Désolée de vous avoir inquiétés. Wilfrid, peux-tu m'emmener à l'hôpital ? Je signerai tout de suite le consentement pour le don d'organe. Il ne faut pas retarder l'opération de demain. »

Wilfrid m'a scrutée avec méfiance, cherchant une faille dans mon expression.

D'habitude, quand ils m'accusaient de mentir, je me défendais avec véhémence, comme je l'avais fait lors du concours.

Mais ma tranquillité actuelle semblait le décontenancer.

J'ai baissé les yeux pour éviter son regard : « Vraiment, ça va. Allons-y. »

Après un échange silencieux avec Sacha, il a fini par acquiescer : « Alors viens. On y va. »

...

À l'hôpital, Mia a sursauté en me voyant : « Zoé ? Pourquoi es-tu là ? »

J'ai pris une inspiration profonde : « Tu disais que ta maladie retardait ton mémoire… Si tu veux, tu peux reprendre mes recherches. J'y consens. »

Une lueur d'incrédulité puis de triomphe a traversé son visage : « Vraiment ? »

« Oui. »

Sacha m'a regardée avec approbation : « Enfin tu agis en grande sœur. Son niveau académique n'a rien à envier au tien. Sans la maladie, elle n'aurait jamais eu besoin de ton aide. »

« Je sais… »

Au fond, je savais qu'elle aurait de toute façon trouvé le moyen de s'approprier mon mémoire. Plutôt que de subir une fois de plus son jeu de manipulation où elle se posait en victime, mieux valait le lui céder de mon plein gré.

Mais ce mémoire comportait des failles subtiles. Si elle les repérait, elle pourrait les corriger. Sinon… sa publication lui attirerait de sérieux ennuis académiques.