Le Don Empoisonné

Le jour de la finale nationale de cheerleading, j'étais heureuse.

Malgré la maladie qui me rongeait, je remportais enfin ce titre après des années d'efforts. Chaque entrainement avait trouvé son sens.

Au moment où le présentateur a annoncé mon nom, une douleur foudroyante m'a transpercé le crâne. Je me suis courbée, serrant les tempes.

Dans le public, des chuchotements ont surgi : « Elle dansait avec tant d'énergie il y a deux minutes… »

Une autre voix inquiète s'est élevée : « Ça va ? Êtes-vous trop excitée ? »

J'ai secoué la tête pour retrouver mes esprits.

Sur le podium, face aux regards inquiets, j'ai tenté de sourire.

Je m'apprêtais à répondre à leur bienveillance quand une bouteille d'eau m'a frappé violemment le front. Une douleur indescriptible a explosé dans mon crâne et du sang s'écoulait de mon nez.

La voix furieuse de Sacha a retenti : « Zoé, tu n'es qu'une voleuse ! Tu as volé le titre de Mia ! Tu l'as poussée volontairement avant l'épreuve… Regarde-la, deuxième à cause de toi ! Es-tu fière ? »

Je l'ai dévisagé, perplexe. Je n'avais rien fait de tout cela. Je ne savais même pas que Mia était blessée.

Alors que j'essayais de m'expliquer, Wilfrid, mon fiancé et sponsor principal de cet événement, m'a interrompue froidement : « Zoé Baume est convaincue de dopage. Le comité lui retire son titre. »

Une vidéo surveillance était projetée sur l'écran géant : on m'y voyait avaler des comprimés.

Mon Dieu… C'étaient mes antidouleurs ordinaires ! Rien d'interdit !

J'ai tourné la tête vers Mia, ma demi-sœur. Elle seule avait touché à mes médicaments. Dans ses yeux, une lueur provocatrice et triomphale brillait : son piège s'était refermé sur moi.

« Non ! Ce n'est pas… »

Je tentais de me défendre, mais Mia a coupé ma voix par des sanglots calculés : « Zoé, je suis désolée… Tu m'avais fait promettre de taire tes médicaments, je l'ai fait. Ce n'est pas moi qui t'ai dénoncée, je te jure… Ne m'en veux pas, s'il te plaît. »

Ses paroles faussement innocentes scellaient mon culpabilité aux yeux de tous.

Je rougissais, impuissante, tandis qu'elle jouait impeccablement son rôle de victime opprimée.

La foule, si enthousiaste quelques instants plus tôt, a retourné sa veste sans nuance :

« Mon Dieu, cette fille si douée cache une telle noirceur… »

« Son saignement de nez ? Probablement un effet secondaire de ses substances interdites ! »

« Regardez Mia, fragile avec son insuffisance rénale… Elle pleure tellement, c'est déchirant. On voit direct qu'elle se fait embêter tout le temps... Cette Zoé est vraiment dégueulasse ! Comment ose-t-elle traiter sa sœur malade comme ça ? »

« Apparemment, elle a refusé de lui donner un rein alors qu'elles étaient compatibles ! Elle aurait même dit : 'Laisse-la mourir !' »

« C'est monstrueux ! »

« Rendez le titre à Mia ! »

Sous les huées, quelqu'un a lancé une bouteille. Puis c'était une pluie d'objets, de doigts d'honneur, des cris : « Dégage ! Tu ne mérites ni le titre ni ton rôle de capitaine ! »

Leurs voix hostiles m'enveloppaient comme des démons hurlants. Mes jambes ont fléchi ; la douleur à la tête était devenue insoutenable.

Sacha a surgi des gradins et m'a portée avec une grimace de dégoût : « Arrête ton cinéma ! Tu crois que t'évanouir te fera oublier tes fautes ? À chaque fois que tu merdes, tu simules un malaise. Cette fois, tu as même ajouté du sang… pas mal. Mais écoute, si tu recommences à nous humilier ainsi, je ne te couvrirai plus. »

Il m'a transportée dans les coulisses et m'a déposée sans ménagement avant de retourner consoler Mia.

Wilfrid, mon fiancé, pour apaiser la foule, a proclamé que Mia, initialement deuxième, était désormais la championne officielle.

Sous les ovations destinées à Mia, j'ai rassemblé mes dernières forces pour poser les yeux sur Wilfrid. Des larmes amères ont coulé le long de mes tempes.

Lui qui m'avait juré un amour éternel, une confiance absolue… m'avait abandonnée pour ma sœur.

Une obscurité abyssale m'a engloutie alors, et j'ai perdu connaissance.

...

À mon réveil, l'arène était vide et étrangement silencieuse. Bien que je m'y attendais, cette solitude brutale m'a transpercé le cœur comme une lame froide.

Mon téléphone a vibré soudain. Espérant malgré tout un signe de Sacha, j'ai dû me résoudre à répondre à l'appel de mon médecin. Sa voix bienveillante m'a rappelée : « Zoé, n'oubliez pas vos antalgiques. Sans eux, vous ne tiendrez pas trois jours. Avez-vous fait vos adieux à votre famille ? Toujours décidée à leur cacher la vérité ? »

La voix tremblante, j'ai répondu en observant les vestiaires déserts : « Non, je ne veux pas leur faire de peine. Mme Rigal… Pourriez-vous contacter le crématorium et le cimetière à ma place ? »

Puisque ma mort était imminente, autant leur épargner ce fardeau supplémentaire. Sacha et Wilfrid me considéraient déjà comme une source de troubles, donc inutile de les importuner davantage.

Après avoir raccroché, je me suis traînée péniblement jusqu'à l'hôpital.

J'avais décidé qu'aux derniers instants de ma vie, je deviendrais cette femme parfaite qu'ils attendaient tous. J'irais m'excuser humblement devant Mia. Et je lui offrirais ce rein qui me restait, un ultime don qui pourrait donner un sens à ma mort.

Peut-être qu'en agissant ainsi, mes derniers actes mériteraient enfin leur pardon… et leurs louanges.