LOGINMa chambre était devenue un laboratoire clandestin.J'avais verrouillé la porte et tiré les lourds rideaux de velours pour bloquer la lune. La seule lumière venait de trois bougies que j'avais volées dans la chapelle de la Forteresse. De la cire bon marché, pas de la cire d'abeille bénie, mais le Codex Venenis disait que l'intention comptait plus que le matériau.J'étais assise en tailleur sur le tapis persan, le livre ouvert devant moi.La page 42 décrivait un rituel de base : Oculus Sanguinis – L'Œil de Sang.Ce n'était pas un sort de clairvoyance noble qui permettait de voir l'avenir. C'était une technique brute pour percevoir les signatures magiques environnantes pendant une courte période.Pour une Sorcière née, c'était aussi simple que d'ouvrir les paupières.Pour une humaine, c'était une opération chirurgicale.Je disposai les ingrédients que j'avais réussi à rassembler : un bol d'eau stagnante (récupérée dans un vase de fleurs fanées), u
Trois semaines.Il avait fallu trois semaines pour que mes os se ressouder et que ma peau brûlée cicatrise en une toile nacrée et insensible sur mon bras droit. Mais il n'avait fallu que trois jours pour que la Forteresse comprenne que sa Reine n'était plus qu'un titre vide.Je marchais dans les couloirs de l'aile Est, là où se trouvaient les grandes archives. Je ne portais plus mes tenues de combat, ni mes robes de Sorcier imprégnées de mana. Je portais une robe longue en laine grise, élégante, chaude, et terriblement civile. Une tenue d'épouse, pas de guerrière.Les patrouilles que je croisais s'écartaient sur mon passage.« Majesté, » murmuraient-ils en baissant les yeux.Avant, ils baissaient les yeux par respect et par crainte de mon aura. Aujourd'hui, ils les baissaient par gêne. Ils sentaient mon absence de magie comme on sent une infirmité. J'étais devenue la "Chose Cassée" de l'Alpha.J'arrivai devant les doubles portes de la Bibliothèque des Anciens.Deux gardes d'élite barr
Le réveil ne fut pas brutal cette fois. Il fut cotonneux, blanc et chimique.J'émergeai d'un sommeil sans rêves, tirée vers la surface par le bip régulier d'un moniteur cardiaque. J'ouvris les yeux. Le plafond n'était pas la roche brute de la grotte, ni le métal du bunker. C'était le plâtre immaculé de l'aile médicale privée.Je voulus me redresser, mais mon corps refusa d'obéir. Je me sentais lourde, comme si mes os avaient été remplacés par du plomb. Mon bras droit était bandé de l'épaule jusqu'au bout des doigts, immobilisé dans une attelle en polymère.« Doucement, » dit une voix grave.Kael.Il était assis dans un fauteuil près de la fenêtre, un dossier numérique sur les genoux. Il le posa immédiatement et s'approcha du lit.Il avait l'air épuisé, mais d'une épuisement sain. Pas de cernes noirs, pas de veines pulsantes. Juste la fatigue d'un homme qui a veillé trois nuits d'affilée.« Combien de temps ? » demandai-je. Ma voix était un murmure ér
Je ne vis pas ma mort. Je vis le Blanc.Une blancheur absolue, silencieuse, qui effaça le froid, la douleur, et la peur. Pendant une seconde qui dura une éternité, je n'étais plus Anya, ni Sorcier, ni Reine. J'étais une particule de lumière en suspension dans le souffle d'une supernova.Puis, la gravité se rappela de moi.Le monde revint avec la brutalité d'un accident de voiture. Le son déchira mes tympans – un grondement titanesque qui semblait venir du centre de la Terre. L'air brûlant me calcina les poumons.Je fus projetée en arrière, poupée de chiffon dans un ouragan de magie pure. Je sentis mes os craquer, ma peau se déchirer, avant de percuter quelque chose de dur.Le noir revint.« ...nya ! »Une voix. Lointaine. Déformée par un acouphène suraigu.« Anya ! Réponds-moi ! »J'ouvris un œil. C'était difficile. Mes paupières étaient collées par quelque chose de visqueux. Du sang ? De la neige fondue ?Je toussai, et une poussière âcre, au goût d'ozone et de cendres, sortit de ma
La Zone Morte ne portait pas ce nom à cause de l'absence de vie, mais à cause de l'absence de règles.C'était une cicatrice géographique de cinquante kilomètres de large, stigmate d'une guerre magique oubliée. Ici, la gravité était une suggestion, pas une loi. La neige ne tombait pas toujours vers le bas ; parfois, elle flottait en spirales, ou remontait vers les nuages gris plombés.« Pas de magie active sauf en cas de contact visuel, » ordonna Vargas à voix basse. Sa voix était étouffée par le brouillard dense qui nous enveloppait. « Si vous allumez une aura ici, vous allez briller comme un phare. Les Échos vont vous tomber dessus. »Nous avancions en file indienne. Vargas en tête, scrutant le sol avec des lunettes thermiques modifiées. Sila derrière lui, tissant un voile d'ombre constant qui nous rendait presque invisibles à l'œil nu. Jax suivait, ses mains dans les poches, jouant nerveusement avec son briquet zippo. Et moi, je fermais la marche, luttant con
Je quittai la Forteresse non pas par la grande porte, mais par les canalisations d'évacuation des eaux pluviales. Une Reine qui rampe dans la boue pour sauver son royaume. L'image était d'une ironie mordante, mais je n'avais plus d'ego. Je n'avais qu'une mission.Dehors, la tempête de neige s'était intensifiée, transformant le monde en un vortex blanc et aveuglant. C'était parfait. Les satellites du Réseau, aveuglés par les interférences magnétiques de la tempête, ne verraient pas ma signature thermique s'éloigner vers l'Est.J'avais rendez-vous à l'Avant-Poste 9.C'était un bar clandestin construit dans la carcasse d'un avion cargo écrasé il y a cinquante ans dans la toundra. Un lieu "Neutre". Un endroit où les bannis du Réseau, les vampires sans clan et les sorciers renégats venaient boire pour oublier qu'ils n'avaient pas d'avenir.J'entrai.La chaleur était suffocante, chargée d'odeurs de tabac bon marché, de sueur de lycan et d'alcool frelaté. Le brouhaha des conversations s'étei







