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3.

Ça faisait deux semaines qu’on m’avait fouettée avec la matraque mais je ressentais toujours la douleur et j’avais des cicatrices sur le corps.

J’avais dû les cacher pour que mes parents ne le sachent pas. S’ils avaient appris ce que j’avais fait, ils m’auraient punie!

Heureusement que le fils du gouverneur n’avait pas eu le réflexe de toquer à la porte pour tout leur dire.

D’ailleurs, pourquoi est-ce que je l’avais amenée chez moi au lieu de lui demander de garer devant une autre maison que la mienne? Mais bon, je n’y avais pas pensé.

 

    Jessy et Patrick sont allés en vacances le lendemain après la remise des bulletins.

Moi je suis restée avec mes parents pour les aider dans toutes les tâches. Je n’avais rien dit de ce qui s’était passé à mes potes en dehors du fait que c’était un malentendu et que le fils du gouverneur m’avait confondue avec une autre personne.

J’avais un peu honte de leur dire qu’on m'avait tapée alors qu’ils savaient que j’étais une fille forte.

 

    Il m’arrivait de penser à Ariel, le fils du gouverneur. Je pensais à ce que j’avais fait à sa sœur et honnêtement, je m’en foutais! Je pensais surtout à ce qu’il m’avait fait et je voulais me venger mais comment?

Le fait d’avoir été une fille faible devant lui était pour moi insupportable! Non, ce n’était pas moi. Moi j’étais une lionne, une fille qui imposait ses règles et dont les gens avaient peur.

 

    Un soir pendant que j’étais sur la véranda en train de penser à cette situation, mes parents m’ont demandé de les rejoindre au salon pour qu’on parle de ce que j’allais faire pendant les vacances en dehors de les aider à la maison.

 

— Ma fille?

 

— Oui papa!

 

— Que comptes-tu faire pendant ces vacances?

 

— Aider maman à s’occuper de mes frères et sœurs et à faire d’autres tâche! En tout cas, c’est de mon devoir d’enfant de faire les tâches ménagères donc…

 

— Tu as raison ma fille. Tu es vraiment respectueuse et j’aime ça! On dirait une femme or tu es encore une petite fille de 16 ans!

 

— Haha merci maman! Et bientôt j’en aurai 17!

 

— Haha Okay! Ton père et moi avions décidé de t’ouvrir un petit commerce qui pourra nous rapporter un peu plus d’argent. Tu composes le probatoire l’année prochaine et il va falloir qu’on paye les frais de dossier…

 

— Quel commerce?

 

— Dis-nous!

 

— Okay, donnez-moi ce soir pour réfléchir d’accord?

 

    Ils ont accepté et je suis allée me coucher pour y penser et pour dormir aussi car j’avais sommeil.

 

    Le lendemain matin, je leur ai dit que je voulais vendre « l’okok », un plat du pays car ça se vendait vite et ça rapportait beaucoup d’argent.

C’est vrai que l’idée de prendre les choses des gens était venue dans ma tête mais c’était un peu risqué de le faire en dehors de l’école. À l’école, les élèves ne pouvaient pas me dénoncer facilement!

Au Cameroun, quand tu voles un grain d’arachide seulement, on te brûle vivant!

Ce que le fils du gouverneur m’avait fait m’avait un peu calmée car il avait dit qu’il ferait pire que ça si je continuais.

J’ai donc opté pour la vente de « l’okok ».

 

    Je suis allée le même jour faire les courses au marché et le lendemain matin, j’ai tout préparé et je suis sortie tôt avec de la nourriture, des assiettes, des gobelets, un tabouret et un parapluie pour bien m’installer. J’ai tout mis dans un pousse-pousse pour faciliter le transport.

    J’étais peut-être comme un garçon mais je savais très bien faire la cuisine. Ma mère m’avait tout appris depuis mon jeune âge et j’en étais fière.

Dès que je servais à manger à un client, il faisait ma publicité à ses proches car c’était vraiment bon.

C’est comme ça que je vendais « l’okok » plusieurs fois par semaine et je gagnais un peu d’argent quand même.

 

    Il restait deux semaines avant la rentrée et je suis allée au marché vers 12h pour acheter mes fournitures scolaires et quand j’ai fini, j’ai acheté les feuilles « d’okok » et d’autres choses et je suis rentrée.

J’avais décidé de redoubler d’efforts pour gagner plus d’argent car mon petit frère, qui me suivait, avait déjà atteint l’âge d’aller à l’école et je voulais lui faire une surprise en lui achetant quelques fournitures et chaussures.

J’ai préparé deux grosses marmites « d’okok » en soirée avec beaucoup de maniocs et je suis allée au marché.

La femme qui avait l’habitude de vendre le haricot près de moi n’était pas venue. J’ai donc décidé de m’installer sur sa place.

    C’était un samedi et il y avait beaucoup de clients et moi toute sérieuse, je les servais avec sourire, bienveillance et respect.

 

    La nuit a commencé à tomber et j’ai vite servi mes derniers clients pour rentrer.

J’ai tout rangé dans mon pousse-pousse et je me suis mise à le pousser pour rentrer à la maison.

Ma maison n’était pas très loin du marché. J'avais pour 30 minutes environ avant d’arriver à la maison.

Il faut dire qu’il faisait froid malgré que j’avais mis un gros pull. Le ciel était devenu plus noir et ça me faisait un peu peur mais bon, j’étais une fille assez courageuse.

    À un moment donné, je me suis mise à chanter pour éviter de m’ennuyer. Je n’avais pas une belle voix, je l’avoue.

Alors que j’étais à fond dans ce que je faisais, j’ai senti une main toucher sur mon épaule par derrière. J’ai sursauté et je me suis je me suis retournée pour regarder ce que c’était ou plutôt qui était-ce…

 

— Encore toi? Je te promets que j’ai changé!

     En fait, c’était Ariel, le fils du gouverneur!

 

    Il a gardé son calme et il m’a regardée pendant un bon moment avant de dire…

 

— ARIEL : C’est bien si tu as changé! On peut gagner son argent dignement, sans faire de mal à personne…

 

— D'accord grand! Que faîtes-vous là?

 

— ARIEL : Euh…rien! Je passais et je suis tombé sur toi.

 

    Il avait garé sa voiture un peu plus loin, sur le côté de la route.

 

— Vous voulez encore me punir pour votre sœur? Je pense que j’ai déjà payé ma dette et je jure que je ne me laisserai plus faire!

 

— ARIEL : Je vois des marmites dans le pousse-pousse ! Je suppose que tu vends de la nourriture. C’est génial! Sers-moi un plat et viens me le donner dans ma voiture s’il te plaît!

    Il n’était pas du genre à bavarder inutilement. Tout ce qu’il disait avait un sens et un but. C’est pourquoi il avait l’habitude de parler de ses sujets à lui plutôt que de parler de ce que moi j’avais commencé.

    Après avoir dit ces mots, il s’est retourné et il s’est dirigé vers sa voiture.

J’avais un tout petit « okok » et quatre derniers morceaux de maniocs car je rentrais toujours avec un tout petit peu pour manger.

Je suis allée le lui donner et je suis retournée attendre devant mon pousse-pousse.

Je me suis mise à le guetter de temps en temps et je l’ai vu manger avec appétit.

    Quand il a fini, il est venu me voir.

 

— Merci, c’était très bon, même comme c’était un peu froid mais bon, c’est normal! Dis, je te dois combien?

 

    Je ne savais pas trop quoi répondre.

 

— En fait…

 

    Il a sorti cinq billets de 10.000 fcfa et il m’a donné.

 

— Tiens!

 

    J’étais vraiment heureuse. 50.000 fcfa? Waouh!

Je l’ai remercié et j’ai même failli me mettre à genoux.

 

—  Non non, tu n’as pas besoin de te mettre à genoux! Tu es très jeune et c’est dangereux pour toi de marcher seule à cette heure. Soit tu entres dans la voiture et tu laisses ton pousse-pousse  et tes marmites ici, soit je t’accompagne avec toutes tes affaires et je rentre prendre la voiture pour continuer mon chemin.

 

    J’ai choisi la deuxième option et je l’ai remercié.

J’avoue qu’il me faisait me sentir femme, car Je devenais toute petite devant lui. Je n’osais pas lui parler mal ou lui désobéir. J’étais plutôt soumise.

On a commencé à marcher et chacun est resté muet. J’ai décidé de briser le silence.

 

— Dis, comment va votre copine?

 

— Bien merci. Et ton copain?

 

— Je n’en ai pas!

 

— D’accord! Tu es encore petite donc concentre toi sur tes études… Dis, tu as quel âge?

 

— 17 ans.

 

— Voilà!

 

— Et vous?

 

    Il n’a pas répondu.

 

— J’espère que tu as vraiment changé et que tu ne feras plus de mal à personne.

 

— Euh oui oui.

 

    On était là, côte à côte en train de marcher et c’est lui qui poussait mon pousse-pousse. Je ne savais pas trop comment le définir. Des fois il était gentil, des fois non. Des fois il parlait, des fois non et quand même il parlait, c’était pour dire ce qu‘il voulait dire et non ce que moi je voulais forcément entendre.

     Nous étions presque arrivés chez moi quand il a reçu un appel et comme j’étais près de lui, j’ai entendu la conversation.

 

— ARIEL :  Allô?

 

— Oui chéri, où es-tu?

 

— Hmmm je serai là dans moins d’une heure.

 

— Mais tu étais censé être là depuis! C’est quand même l’anniversaire de ma mère !!!! Tout le monde est déjà là, sauf toi!

 

— Je suis désolé. J’ai eu un imprévu. Je serai là bientôt.

 

— D’accord chéri.

 

    Au lieu d’arriver à temps à l’anniversaire de sa belle-mère, il avait décidé de s’arrêter pour me parler, manger la nourriture et m’aider. J’ai commencé à avoir des idées…

 

— Mais, vous étiez censé aller à l’anniversaire de votre belle-mère n’est-ce pas? Pourquoi est-ce que vous vous êtes arrêté?

 

    Il s’est placé en face de moi…

 

— ARIEL : Merci pour le repas! Au revoir et bon retour!

 

    Une fois de plus, il a ignoré les questions.

     Plusieurs semaines sont passées et c’était la rentrée scolaire.

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