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Chapitre 4

Author: Anonyme
En franchissant le seuil de son appartement, une notification faisait vibrer son téléphone.

Doriane déverrouillait l'écran, une photo s'y affichait.

Sur la photo, Timothée, torse nu, était dos à l'objectif. Ida, en robe bustier à traîne, les pans de soie relevés jusqu'à la taille, ressemblait à une sirène ; ses cuisses de porcelaine enserrant des hanches musclées de Timothée. Une chorégraphie obscène.

Le message suivant était une vidéo d'Ida, joues empourprées, s'accrochant au cou de Timothée dans un halètement théâtral, « Monsieur Humbert... vous avez... déchiré ma nouvelle robe... »

La caméra capturait le rictus satisfait de Timothée se penchant à son oreille, voix rauque, « Tu ne l'as choisie que pour que je te la retire, non ? » puis ajoutait, « J'ai fait appel au couturier de Dori rien que pour toi... À ton tour de me le rembourser. »

Un gémissement féminin. Et voilà la fin abrupte de vidéo.

Puis un ultime texto, « Oups ! J'oubliais que la sourde Dori ne peut entendre nos prouesses... Prochaine fois, j'ajouterai des sous-titres ! »

Les doigts de Doriane blanchissaient sur le smartphone. Des larmes lourdes s'écrasaient sur le parquet.

Elle ignorait qu'un cœur pouvait ainsi se fendre en deux.

Deux robes. Deux femmes. Voilà donc ton « amour éternel », Timothée ?

Un amour qui lui brûlait la poitrine. Un amour qu'elle recrachait.

Essuyant d'un revers de main ses joues trempées, son regard accrochait l'éclat froid de sa bague de fiançailles ; d'un geste décidé, elle l'arrachait de son doigt. La précieuse bague faisait un bruit mat dans la corbeille à papier.

Cette bague, Timothée en avait dessiné les plans lui-même après des mois d'apprentissage chez un joaillier. Il avait ensuite façonné le métal de ses propres mains dans l'atelier, chaque coup de marteau portant sa ferveur.

Le jour de sa demande en mariage, il lui avait signé : « Seul un anneau né de mes mains mérite d'enserrer ton doigt. Ainsi, quand tu le caresseras, tu sentiras mon amour. »

Mais aujourd'hui, cet amour avait fermenté ; la bague n'était plus qu'un cercle vide de sens.

Il ne rentrait qu'à l'heure où les hiboux chantent.

Doriane sentait le matelas s'enfoncer à ses côtés. Un mélange de parfum bon marché floral lui vrillait les narines. Les images de la vidéo dansaient devant ses yeux. Elle se ruait aux toilettes, vomissant du néant.

Timothée, paniqué, attrapait déjà son téléphone :

« Dori ! Une intoxication alimentaire ? J'appelle le médecin ! »

Elle lui agrippait le poignet, ses yeux injectés de sang. « Ce ne sont pas les aliments qui m'écœurent... mais certaines photos. Certaines... vidéos. »

Il s'agenouillait, lui tapotant le dos avec une sollicitude d'acteur. « Ne regarde plus ces horreurs, mon trésor. Ta souffrance me transperce. »

Craignant que les signes ne suffisent pas, il plaquait sa paume contre son torse : « Sens comme mon cœur bat pour toi. »

Le regard de Doriane tombait alors sur les griffures écarlates dissimulées sous sa chemise entrouverte.

Un nouveau spasme la pliait en deux.

Quel talent pour jouer l'amant transi tout en portant les stigmates de son adultère...

Timothée s'énervait : « Qui a osé t'envoyer ces images ? Je le réduirai en poussière ! »

Un rire rauque lui échappait. C'est toi, l'auteur de mon supplice. Toi, l'origine de cette nausée.

Elle le poussait dehors de la salle de bain, verrouillant la porte. « Je veux dormir seule. »

Ses appels inquiets résonnaient longtemps. Elle s'allongeait, sourde à tout sauf à l'écho de sa voix dans la vidéo : « À ton tour de me la rembourser... »

Il lui avait promis un amour exclusif, inouï, et elle y avait cru, cru qu'il était son sauveur.

À présent, elle voyait clair : cet homme n'était pas son sauveur, mais un démon l'entraînant vers les abîmes. Car après lui avoir offert un amour qui l'a émue jusqu'aux entrailles, il lui plantait maintenant un poignard dans le dos.

Doriane fermait les paupières, et une larme solitaire traçait un sillon sur sa joue.

Si c'était à refaire, je préférerais n'avoir jamais croisé ton chemin, Timothée Humbert.

L'aube suivante, en ouvrant sa porte, elle trouvait Timothée affichant une mine de chiot puni.

« Dori... pourquoi m'avoir chassé ? Est-ce à cause de l'essai de robe hier ? Je jure que c'était une urgence. Pardonne-moi. »

Une urgence ? Courir se vautrer dans le lit d'Ida Claudel constituait effectivement une « urgence ».

Elle gardait le silence. Plus que huit jours avant sa disparition, il comprendrait alors qu'elle avait tout su.

Un simple hochement de tête. « Je ne t'en veux pas. Le travail passe avant tout, je comprends. »

Cette placidité le faisait blêmir. Il se débat comme un noyé : « Non ! Rien n'est plus important que toi ! Plus jamais je ne te délaisserai ! »

Ses mains signaient frénétiquement avant qu'il ne l'enserre dans une étreinte à briser ses côtes, comme s'il pouvait l'absorber par la force.

Doriane restait de marbre.

« Plus jamais » ?

Non, Timothée. Juste : « plus jamais TOI ».
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