Ryse s’était enfermée dans sa salle de bain depuis plus de quinze minutes. Assise sur le rebord de la baignoire, elle fixait le petit bâtonnet blanc qu’elle tenait entre ses doigts tremblants. Les deux lignes rouges brillaient comme une brûlure sur sa peau. Incontestables. Inéluctables. Positive. Un souffle rauque s’échappa de ses lèvres. — T’es qu’une idiote, Ryse… une irresponsable. Elle jeta le test contre le mur. Il rebondit mollement et tomba au sol sans éclat. Le silence s’abattit autour d’elle, épais et étouffant. Elle appuya sa tête contre ses genoux repliés, les bras l’enserrant comme une coquille dérisoire. Tout avait été si bien organisé. Elle avait tout reconstruit, tout effacé. Nigel ne devait plus avoir aucun pouvoir sur elle, ni sur son cœur, ni sur sa chair. Et pourtant… — Comment j’ai pu laisser ça arriver…? Elle se redressa lentement, les larmes embuant sa vision. Elle regarda son reflet dans le miroir, son visage plus pâle que d’habitude, les trait
Deux jours s’étaient écoulés depuis la confrontation. Le manoir était plus silencieux que jamais, comme figé dans un deuil que personne n’osait nommer. Nigel n’avait presque pas quitté sa chambre. Il mangeait peu, dormait encore moins, et parlait à peine. Léonie, elle, restait près de lui, refusant de le laisser seul. Et ce matin-là, elle se décida enfin à dire la vérité à Éloïse. Elles étaient assises dans le petit salon. Léonie tenait sa tasse de thé sans y toucher. Son regard était dur, fixé sur la jeune femme en face d’elle, qui pianotait sur son téléphone sans vraiment faire attention. — Éloïse, il faut qu’on parle. — Hm ? répondit-elle sans relever les yeux. — C’est important, Éloïse. C’est à propos de Nigel. Le prénom capta son attention. Elle redressa légèrement la tête, un sourcil haussé. — Quoi ? Il est encore malade ? On dirait qu’il fait semblant pour qu’on le plaigne… — Ce n’est pas une maladie physique, Éloïse. C’est… c’est bien plus profond. Léonie ins
Mais Nigel le repoussa violemment. — « C’est elle… c’est elle, Charles ! C’est elle depuis le début ! » Charles tourna alors les yeux vers la silhouette qui se tenait debout, froide, silencieuse, au milieu de la pièce. Ryse. Il la fixa longuement. Quelque chose dans son regard, dans sa posture… Il comprit. — « C’était toi ? » Elle hocha simplement la tête. — « Oui. » — « Tu es l’oméga ? Celle… d’il y a cinq ans ? » Sa voix était rauque, presque inaudible. Ryse sourit, sans joie. — « Celle qu’on a marquée sans amour, utilisée, humiliée. Celle qui a donné naissance à un enfant qu’on lui a arraché. Celle qu’on a giflée pour avoir voulu aimer. » Charles pâlit. Nigel hurla à nouveau, rampant vers elle, s’accrochant à sa jambe, ses bras la retenant comme si sa vie en dépendait. — « Ryse… pitié… ne pars pas… Je vais mourir… je le sens… ce lien… il se déchire… je… » Mais elle se dégagea. — « Tu aurais dû y penser avant de m’écraser. Avant de faire de ma vie un
Cela faisait une semaine que Nigel n’avait pas mis le pied hors de sa chambre. Une semaine qu’il refusait de manger correctement, de parler, même de croiser son propre reflet dans le miroir. Il avait perdu du poids, son regard s’était creusé, et la fièvre venait par vagues, aussi sourde que sa douleur intérieure. Car oui, même Rygel sentait l’absence. Chaque fois qu’il entrait dans la chambre de son père, il pleurait, appelait son prénom, réclamait ses bras. Mais Nigel ne pouvait plus rien lui donner. Pas même un sourire. Il se sentait vidé, hanté, mort à l’intérieur. Il s’était allongé sur le sol de sa chambre, incapable de rester dans le lit. Sa peau brûlait, sa tête tournait, et dans son torse, une déchirure invisible s’élargissait chaque jour un peu plus. Et quand Léonie avait compris, elle avait fait ce qu’elle ne pensait jamais faire. Elle avait supplié Ryse. Les genoux sur le parquet de son bureau, le regard embué de larmes, elle avait murmuré des mots que Ryse n’aura
Léonie posa ses mains sur la table. Elle semblait vieille, d’un coup. Usée par les erreurs de son fils. Par sa propre culpabilité. — « Ryse… ce que je te demande, ce n’est pas de revenir vers lui. C’est juste… de ne pas le condamner. De lui laisser une chance de respirer encore. Il ne te demande pas de l’aimer à nouveau. Mais au moins… de ne pas l’enterrer vivant. » Ryse resta silencieuse. Puis elle murmura, presque dans un souffle : — « Il m’a tuée mille fois. Mais cette fois, c’est moi qui tiens le poignard. Et croyez-moi, je suis fatiguée d’être la seule à saigner. » Léonie se leva, les yeux humides, le cœur brisé. — « Je t’en supplie… juste… réfléchis. C’est tout ce que je te demande. » Et elle quitta le bureau, le pas lourd. Ryse resta seule un moment, les bras croisés sur sa poitrine, la respiration saccadée. Elle ferma les yeux. Et malgré elle… elle sentit cette brûlure dans son lien. Comme une plainte sourde. Une main tendue dans l’obscurité. Nigel. Son n
Cela faisait deux jours qu’Éloïse n’avait pas fermé l’œil. Nigel ne mangeait plus. Il ne se levait plus. Il ne parlait presque plus. Et quand il ouvrait la bouche, c’était pour répéter le même prénom. Un prénom qu’elle n’osait plus entendre. Ryse. Encore et encore. Dans ses rêves. Dans ses délires fiévreux. Sur ses lèvres, ce nom était presque une prière, une supplique désespérée. Éloïse avait tenté les compresses froides, les bouillons, les calmants. Elle s’était même penchée sur lui, le cœur battant, pour tenter un contact plus charnel. Mais il l’avait repoussée d’un geste brusque, presque animal. Il avait hurlé, comme si elle l’avait brûlé. Elle avait compris. Ce n’était plus de la fatigue. C’était bien plus. Alors, ce matin-là, elle se résolut à faire ce qu’elle avait refusé jusque-là. Elle appela Léonie. — « Madame Harris… Je crois que Nigel est gravement malade. Je ne sais pas quoi faire. Je crois qu’il va mourir. » La voix de Léonie changea aussitôt. Calme et gl