Trois semaines plus tard.Le bureau était modeste, au dernier étage d’un immeuble donnant sur le port de Tamatave. Une vieille radio murmurait des nouvelles indistinctes, et la mer, au loin, continuait son va-et-vient éternel.Lana tapa les derniers mots de son article. Sa signature s’affichait en bas :Lana Rabe, survivante de l’ombre.Elle se relut une dernière fois.Tout y était.Les noms. Les montages financiers. Les faux cabinets, les ONG fantômes. Les morts oubliés. Le plan Vahatra. Et surtout, la manière dont une poignée d’hommes avaient tenté de voler un pays entier sous couvert de démocratie.Le Cercle n’existait plus.Quelques-uns avaient été arrêtés. D'autres, en fuite, tentaient de se cacher dans des pays sans traité d'extradition. Le plus influent, celui qu’on appelait le masque, s'était suicidé quelques jours après la publication des premiers documents. La vérité était sortie. Brutale. Incontrôlable.Lana cliqua sur "Publier".Un silence s’abattit dans la pièce, comme si
Le vieux bus cahotait sur la nationale, soulevant des volutes de poussière rouge à chaque virage. Lana regardait défiler le paysage par la fenêtre, les yeux absents, la tête pleine de cendres.Ils avaient quitté Morondava à l’aube, deux jours plus tôt. Ni vraiment fugitifs, ni tout à fait libres. Plutôt… à l’écart du monde. Entre deux mondes.Dans le bus, les passagers somnolaient ou pianotaient sur leurs téléphones. Quelques-uns, à chaque point de réseau, se figeaient soudain en découvrant une nouvelle notification. Une vidéo. Une photo. Un nom. Parfois un visage familier.— Eh, regarde ça, chuchota une adolescente à sa voisine, les yeux rivés à son écran.Un murmure. Puis un autre. Une femme plus loin fronça les sourcils. Un homme hocha lentement la tête en fixant l’écran de son smartphone. Les mots "cercle", "fonds offshore", "dossier publié", flottaient dans l’air sans être prononcés à voix haute.Lana croisa le regard de Mika. Pas besoin de parler. Ils comprirent.Internet faisai
Le silence, d’abord absolu, fut brisé par un bruit sourd. Une détonation lointaine, étouffée, suivie d’un éclat de voix. Puis des pas précipités dans le couloir. Lana se raidit. Tom ne bougea pas.La porte s’ouvrit violemment.Deux hommes de main du Cercle poussèrent Mika à l’intérieur. Il saignait de l’arcade, mais tenait encore debout, regard noir, dents serrées.— On l’a trouvé en train de s’infiltrer par les conduits de service. Il n’est pas allé bien loin.Un ricanement moqueur monta dans la pièce. L’homme au centre de la table claqua des doigts.— Bien joué. Tous réunis. Ça m’évitera d’aller les chercher un par un.Lana fit un pas vers Mika, mais on la retint aussitôt. Son cœur battait à tout rompre. C’était fini. Leur dernier espoir venait de tomber à l’eau.Mais Tom ne détourna pas les yeux de l’homme au centre.— Vous avez fait vite, dit-il calmement.— Plus vite que vous. Et maintenant que votre plan a échoué, vous allez nous remettre tout ce que vous avez. Les fichiers. Les
Le portail céda sous une pression discrète. Lana s’engouffra dans la cour silencieuse. Des feuilles mortes tourbillonnaient au sol, chassées par le vent. Chaque pas résonnait dans sa poitrine comme un compte à rebours.Une porte entrouverte. Une lumière vacillante à l’intérieur.Elle entra.Ils étaient là. Trois hommes et une femme autour d’une grande table, leurs visages dans l’ombre, mais leurs regards tournés vers elle. Des silhouettes qu’elle avait vues sur des photos, dans des documents, sur les pages tachées de sueur du journal de Rabe. Des noms de code devenus réels.— Lana Raymond, dit l’un d’eux, d’une voix calme. Ou devrais-je dire… Lana Gary.Elle ne répondit pas. Ses yeux cherchèrent autour. Aucune caméra visible. Pas encore de piège évident. Mais elle savait.Ce n’était pas une discussion qu’ils voulaient. C’était un dernier avertissement. Une scène écrite d’avance où Lana n’était censée jouer que le rôle de la coupable repentante.L’un des hommes, au centre, croisa ses m
Le matin se leva sur Morondava dans un calme presque ironique. La lumière douce baignait la petite maison en retrait, comme si l’univers lui-même retenait son souffle. À l’intérieur, autour d’une table rayée par le temps, trois tasses de café noir fumaient dans le silence.Tom s’était assis face à Lana et Mika, le carnet noir entre eux, ouvert à une page marquée par un coin replié. Un schéma manuscrit y occupait la moitié, complexe, presque fractal : une carte, un plan de connexion, des noms et des dates. Mais c’était la note griffonnée en bas de page qui captait l’attention.“Si tu lis ceci, Lana, c’est que la fin approche. Ne cherche pas un lieu. Cherche l’événement. C’est là que le Cercle se montrera. Et il faut qu’il te voie.”Lana posa doucement ses doigts sur les lettres, pensive.— Il savait que ça finirait comme ça, souffla-t-elle.Tom acquiesça, puis désigna une autre feuille qu’il avait détachée et glissée à part dans le carnet.— Ce document, c’est une note de Tantara. Il a
Assis côte à côte dans la lumière tamisée de leur refuge, Lana déplia délicatement le carnet noir, la couverture usée trahissant des années de secrets enfouis. Mika s’approcha, la respiration suspendue. Chaque page tournée semblait révéler un pan plus profond du Projet Vahatra, jusqu’à ce qu’ils tombent sur une note manuscrite griffonnée sur une feuille glissée entre deux pages.Lana lut à voix haute :« Si tu tiens ce carnet, c’est que la bataille fait rage. Le Cercle est puissant, mais il repose sur des failles invisibles. Pour les anéantir, il faut frapper au cœur — une vérité publique, impossible à nier. »— Ce n’est pas signé, murmura Mika, surpris. Je suis sûr que c'est Tom, il sait… comment les faire tomber.La note continuait, détaillant un plan audacieux : exposer publiquement la manipulation du Cercle via un enregistrement précis et un document clé conservé dans un lieu discret, non loin de Morondava. Mais la dernière ligne attira leur attention :« Ce carnet est une clé. Ne