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Chapitre 6– La Chambre des Morts

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-02-25 18:01:17

Anna

Le carrelage sous mes mains est glacé, couvert de taches sombres dont je préfère ne pas connaître l’origine. Une ampoule vacille au plafond, projetant des ombres mouvantes sur les murs fissurés.

Un hôpital.

Ou plutôt… ce qu’il en reste.

Je reconnais l’endroit. Ses longs couloirs décrépis, ses portes métalliques rouillées.

Ce n’est pas un simple souvenir.

J’ai déjà été ici.

Mais quand ?

Ma gorge se serre alors que mes pensées s’embrouillent. Mon corps tremble encore du passage à travers le miroir, ce saut dans l’inconnu qui nous a propulsés ici, dans ce cauchemar tangible.

À mes côtés, Ethan grogne en essayant de se redresser.

— Putain… Il se masse la tempe, le regard trouble. C’était quoi ça ? Où est-ce qu’on est ?

Je déglutis, incapable de lui répondre immédiatement.

Dis-lui la vérité.

Mais la vérité, c’est que moi-même, je ne suis pas certaine de comprendre.

Ethan lève les yeux vers moi et fronce les sourcils.

— Anna, tu es sûre que ça va ?

Non. Rien ne va.

Mais je ne peux pas le dire.

Je me force à respirer, à calmer les battements frénétiques de mon cœur.

Puis, un bruit.

Un raclement lointain, quelque part dans le couloir obscur devant nous.

Je me fige, et Ethan aussi.

Un frisson me parcourt l’échine.

Quelque chose bouge dans cet hôpital.

— On doit sortir d’ici. Ma voix est plus rauque que je ne l’aurais voulu.

Ethan se relève, toujours sonné, et me tend la main.

Je l’attrape et me hisse sur mes jambes.

Puis, lentement, nous avançons.

---

Chaque pas résonne trop fort dans ce silence oppressant.

Nous traversons un couloir étroit où les murs sont couverts d’anciennes affiches médicales, rongées par l’humidité. L’odeur de moisissure est si forte que j’en ai la nausée.

Nous passons devant des portes entrouvertes. Aucune ne mène dehors.

Je serre les poings.

Cet endroit veut nous garder prisonniers.

Un autre bruit. Cette fois, plus proche.

Je retiens mon souffle.

Ethan me jette un regard inquiet.

— C’était quoi ? murmure-t-il.

Je secoue la tête. Je ne veux pas savoir.

Mais nous savons tous les deux que nous ne sommes pas seuls.

Alors nous pressons le pas.

Au bout du couloir, une double porte en métal.

Je tends la main vers la poignée.

Puis…

Un cri.

Déchirant, inhumain.

Derrière nous.

Je n’ai pas le temps de me retourner.

Quelque chose nous fonce dessus.

Ethan me pousse violemment sur le côté. Je trébuche, tombe contre le mur.

Lui aussi est projeté en arrière.

Un fracas assourdissant.

Puis, un silence oppressant.

J’ouvre les yeux, le cœur battant à tout rompre.

Ethan est à quelques mètres de moi, allongé au sol, sonné.

Et devant lui…

Une silhouette.

Haute, tordue, ses membres disproportionnés.

Son visage est un masque d’ombres. Deux cavités vides où devraient être des yeux.

Elle émet un souffle rauque, saccadé.

Un râle de mort.

— Ethan… Ma voix est à peine un souffle.

Il redresse la tête. Voit la chose.

Puis, sans réfléchir, il ramasse un morceau de métal traînant au sol et se redresse d’un bond.

— Viens me chercher, enfoiré !

La créature hurle et se jette sur lui.

Je hurle à mon tour.

Tout explose.

---

Je ne me souviens pas du moment où j’ai recommencé à courir.

Tout ce que je sais, c’est que mes jambes bougent seules, que je traîne Ethan avec moi.

Nous fuyons.

Le couloir semble interminable, les ombres s’étirent comme des bras voulant nous happer.

Les battements de mon cœur cognent dans mes tempes.

La créature est derrière. Elle nous poursuit.

Elle se rapproche.

Puis, soudain, une lumière.

Une porte entrouverte.

J’attrape Ethan et nous plongeons à l’intérieur.

Nous claquons la porte derrière nous.

Silence.

Nos souffles sont saccadés, erratiques.

Nous sommes dans une chambre.

Petite. Un lit d’hôpital en son centre, des machines hors service, un fauteuil couvert de poussière.

Sur le mur, un miroir fissuré.

Et au centre de la pièce…

Une silhouette assise sur le lit.

Son visage est tourné vers nous.

Son regard est vide.

Et lentement, d’une voix brisée, elle murmure :

— Pourquoi es-tu revenue, Anna ?

Le silence est plus terrifiant que le cri de la créature.

La femme sur le lit me fixe, son regard vide ancré dans le mien.

— Pourquoi es-tu revenue, Anna ?

Sa voix est brisée, un murmure traînant, comme si chaque mot lui arrachait un morceau d’âme.

Mon corps se fige.

Je la connais.

Je ne me souviens pas de son nom, mais son visage… Il est là, quelque part dans les tréfonds de ma mémoire, comme une vieille blessure qui refuse de cicatriser.

Ethan, toujours essoufflé, se redresse à mes côtés et chuchote :

— C’est qui ?

Je ne réponds pas.

Parce que je ne sais pas.

Ou plutôt, je ne veux pas savoir.

Mais la vérité s’impose à moi avec une froideur implacable.

Cette femme…

C’est moi.

---

Un frisson glacial parcourt mon échine.

La femme sur le lit me ressemble comme un reflet déformé dans un miroir brisé.

Son teint est cireux, ses lèvres gercées, son corps maigre comme s’il avait été vidé de toute vie.

Mais ce sont ses yeux qui me terrifient le plus.

Ils sont morts.

Sans lumière. Sans âme.

Elle ne bouge pas.

Elle me fixe simplement, et j’ai l’impression qu’elle attend quelque chose.

Que dois-je faire ?

Parler ?

Fuir ?

Trop tard.

Elle sourit.

Un sourire lent, fragile, qui s’étire comme une fissure sur une statue fendue.

Puis, dans un souffle à peine audible, elle murmure :

— Regarde…

Ses doigts osseux se lèvent et désignent le mur derrière elle.

Je suis son geste…

Et je comprends.

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