Anna
Son corps tremblant sous le poids d’une lame qui s’enfonce dans sa chair.
Un rire étouffé. Des doigts couverts de sang. Un murmure…
« Anna… réveille-toi. »
Non !
Je hurle, rejetant les visions qui m’assaillent.
Tout se brouille. Je tombe à nouveau.
---
— Anna !
Une douleur fulgurante explose dans mon crâne alors que j’ouvre brusquement les yeux.
Ethan est penché au-dessus de moi, le regard déformé par l’inquiétude.
— Putain, tu vas bien ?
J’halète, le corps tremblant. L’air est chargé d’électricité, une tension sourde qui me colle à la peau.
— Où… où est-elle ?
Ethan fronce les sourcils.
— De qui tu parles ?
Je balaye la pièce du regard. Le cadavre est toujours là. La marque gravée dans sa peau luit faiblement sous la lumière blafarde.
Mais la silhouette…
Elle a disparu.
L’espace d’une seconde, je me demande si j’ai tout imaginé.
Puis, un frisson glacial serpente le long de ma colonne vertébrale.
Non.
Elle était bien là.
Et elle attend.
— Il faut partir, Ethan. Maintenant.
Il hoche la tête, m’aidant à me redresser. Mais alors qu’il se tourne vers la porte, son visage se fige.
Un silence pesant s’abat sur nous.
Je suis son regard…
Et mon sang se glace.
La porte n’est plus là.
À sa place, un mur lisse, uniforme.
Comme si elle n’avait jamais existé.
Un vertige me saisit.
— C’est pas possible… murmuré-je.
Ethan s’approche, posant la main contre la paroi. Il appuie, tape du poing, puis frappe plus fort.
— C’est une putain de blague ?!
Il se retourne vers moi, les traits crispés par l’incompréhension.
— Qu’est-ce qui se passe, Anna ?!
Je n’ai pas de réponse.
Tout ce que je sais, c’est que nous sommes piégés.
Dans cette chambre.
Avec elle.
Un bruit résonne alors derrière nous.
Un frottement.
Comme des ongles raclant la surface d’un miroir.
Nous nous retournons en même temps.
Sur le mur en face du lit, l’image tremblante d’un miroir apparaît, comme un reflet trouble se formant dans l’air.
Puis, lentement, des lettres commencent à se tracer sur la surface invisible.
S A U V E – M O I
Je recule, la gorge nouée.
Ethan attrape ma main, la serre si fort que j’en ai presque mal.
— Anna… c’est quoi ce bordel ?!
Je secoue la tête, incapable de répondre.
Parce qu’au fond de moi, une certitude terrifiante grandit.
Ce message…
C’est moi qui l’ai écrit.
Dans un autre temps.
Dans une autre vie.
Et maintenant, il est trop tard pour fuir.
Nous sommes déjà de l’autre côté.
La pièce n’existe plus.
Le lit, le cadavre, le mur où la porte se trouvait—tout s’est distordu en un espace irréel, suspendu entre l’ombre et le silence.
Ethan serre ma main si fort que ses doigts s’enfoncent dans ma peau.
— Anna… dis-moi que je rêve.
Je ne peux pas.
Parce que moi aussi, je le sens. Ce vide oppressant. Ce froid qui n’a rien d’humain.
Et ce putain de miroir qui nous fixe.
Les lettres tracées sur sa surface tremblent encore.
S A U V E – M O I
Mon souffle s’accélère. Ce message… c’est moi qui l’ai écrit. Mais quand ? Comment ?
Le reflet dans le miroir ondule comme une nappe d’eau sombre.
Puis une ombre apparaît derrière nous.
Je me fige.
Ethan aussi.
Quelqu’un est là.
Je ne veux pas me retourner.
Je le sens dans mon dos. Une présence lourde, suffocante, qui absorbe toute la lumière autour d’elle.
Puis, doucement…
Elle approche.
Un souffle glacé effleure ma nuque.
Mon corps tout entier se tend.
Puis une voix, froide et inhumaine, murmure :
— Tu n’aurais pas dû revenir.
Le cri d’Ethan explose en même temps que je me retourne.
L’ombre est là.
Haute, déformée, sans visage. Ses contours bougent, vibrent comme si elle n’appartenait pas à ce monde.
Je recule instinctivement, mais elle tend une main vers moi.
— Cours ! hurle Ethan.
Il m’attrape et m’entraîne en arrière. Mais où fuir ? Il n’y a plus de porte, plus de sortie.
Alors il fait la seule chose possible :
Il nous jette contre le miroir.
L’instant où ma peau touche la surface froide, tout explose.
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Je tombe.
Pas physiquement.
C’est mon esprit qui plonge.
Des images m’assaillent, trop rapides pour que je puisse les comprendre :
Une chambre obscure. Une femme en pleurs. Son regard creusé par la terreur.
Un couteau. Un corps convulsant sous le choc de la lame.
Un hurlement.
Puis, plus rien.
Le silence absolu.
---
Quand mes yeux se rouvrent, j’ai un goût de fer dans la bouche.
Le choc me fait vaciller. Je suis au sol, sur un carrelage glacé.
Une salle inconnue.
Ethan est là aussi, allongé à côté de moi, groggy.
Je me redresse avec peine, le souffle court.
L’endroit ressemble à un ancien hôpital. Des murs grisâtres, des néons clignotants, une odeur de désinfectant et de moisissure.
Mon cœur tambourine contre ma poitrine.
Ce n’est pas possible…
Je connais cet endroit.
Parce que j’y suis déjà morte.
Et cette fois, il n’y aura peut-être pas d’échappatoire.
L’air est chargé d’humidité et de pourriture.
AnnaLa pluie tombe doucement sur le monde. Chaque goutte semble porter une part de ce que j’ai vécu, de ce que j’ai dû traverser. Elle effleure la terre, se pose sur les feuilles des arbres, et je la sens, ici, contre ma peau, comme un dernier souvenir de tout ce qui a été. Le vent, lui, murmure des promesses brisées, des mots d’adieu non dits, mais je les accueille. Car c’est tout ce qui reste à la fin : l’écho de ce qui a été, la résonance de ce que l’on a traversé ensemble.Il est là, à mes côtés. Léo. Angel. Les deux hommes qui m’ont redéfinie. L’un par sa douceur, l’autre par sa passion. L’un par son regard de feu, l’autre par ses bras solides, prêts à me soutenir quoi qu’il arrive. Leur présence me fait me sentir complète, comme si le vide en moi, celui que j’ai toujours cherché à combler, était enfin comblé. Parce que, je le sais, ce n’est pas une question de tout avoir, mais de savoir choisir ce que l’on garde."Tu es prête ?" La voix de Léo brise le silence, doux et clair co
AnnaLe silence, enfin.Pas celui qui oppresse, pas celui qui serre la gorge et fait trembler les mains.Non.Celui qui enveloppe, celui qui rassure, celui qui crée un espace entre les battements du cœur et les soubresauts du monde extérieur.Je suis allongée entre eux, dans cette étrange sérénité où le temps semble suspendu, comme si le monde ne pouvait exister au-delà de la chaleur de leurs corps.La lumière du matin filtre à travers la toile fine qui nous abrite, tremblante, timide. Elle s’invite, comme un rayon secret, et danse sur nos peaux. Elle trouve ses chemins dans les creux, sur les courbes, sur les lignes de vie et de combat.Léo est encore plongé dans un sommeil profond, son visage détendu, marqué par les traces des heures passées à lutter contre tout ce qui nous sépare. Ses mains reposent sur mon ventre, doucement, comme un ancrage. Comme un souffle.Il n’a pas bougé. Pas encore.Angel, lui, se tient un peu à l’écart. Il ne dort pas. Ses yeux sont ouverts, mais il ne me
AnnaIls dorment.Ou ils essaient.Moi, je reste au bord.Assise contre la pierre froide.À distance de leurs souffles.Je ne veux pas les réveiller.Parce que cette nuit… ce n’est pas d’eux que j’ai peur.C’est de moi.Je tremble.Pas de froid. De cette tension que je retiens depuis trop longtemps. Ce cri qui n’est jamais sorti. Cette rage, ce chagrin, cette solitude que j’ai recouverte de silence.Alors je me lève.Je marche dans l’obscurité. Pieds nus.Le vent accroche ma peau. Mais c’est bon.Ça me rappelle que je suis encore là.Je m’éloigne. Un peu.Mais pas assez.Car il me suit.Eliel.Toujours lui.Je m’arrête. Il ne dit rien. Je ne dis rien.Puis je craque.« Tu crois que c’est facile ? » ma voix explose sans prévenir.Elle tremble. Elle se brise.Il ne répond pas.Alors je continue. Parce que si je m’arrête, je m’effondre.« Tu crois que j’ai choisi ça ? Que j’ai choisi de porter un pouvoir qui me consume ? Que j’ai demandé à aimer des gens que je vais sûrement tuer sans le
LéoJe la cherche du regard.Même à travers le chaos, même dans ce monde qui s’effondre, je saurais reconnaître sa silhouette.Même brisée. Même changée.Surtout changée.Parce que ce n’est plus la même Anna.Et pourtant, elle est toujours là.Je l’ai vue s’effondrer. Je l’ai vue se relever.Et quand j’ai cru qu’elle ne reviendrait jamais, qu’elle s’était trop éloignée de nous, j’ai compris : c’est à moi de faire le chemin.Alors j’avance.Angel est à mes côtés.Silencieux, comme toujours.On ne se parle pas.Mais on sait pourquoi on est là.AngelJe n’ai jamais cessé de l’aimer.Même quand elle s’est éloignée. Même quand elle a choisi d’être autre chose.Même quand elle m’a oublié, un peu.Ce n’était pas une décision. C’était une évidence. Une fatalité.Elle vit dans chaque battement de mon cœur, même quand il se fend.Et Léo le sait. Je le vois à sa mâchoire serrée, à ses doigts crispés sur son arme.On est deux à aimer la même fille.Mais on n’est pas ennemis.On est les deux phare
ElielSa main dans la mienne. Elle tremble.Et pourtant, c’est elle qui m’a tendu la sienne.Elle, l’éclat brisé.Elle, la fille que le monde regarde comme un danger.Elle, l’ultime espoir.Je la sens prête à fuir, à se retirer au moindre signe. Mais elle reste.Alors je serre doucement ses doigts, comme on attrape une flamme. Sans vouloir l’éteindre.AnnaJe l’ai choisi.Pas comme on choisit un sauveur. Pas comme on choisit un soldat.Je l’ai choisi comme on choisit une vérité : en sachant qu’elle fera mal.Il me regarde. Je ne détourne pas les yeux.« Il faut entrer dans le cercle, Anna. » dit-il.Je hoche la tête.On y entre. Ensemble.Le sol est marqué de symboles anciens. Le vent se lève. Quelque chose s’éveille sous la terre. Quelque chose de très vieux. Très pur. Ou très terrible.Je sens mes os vibrer.Eliel« Le feu va te tester. » je dis.Elle ne bouge pas.« Tu peux encore faire demi-tour. »« Non. »Sa voix est claire. Inflexible.Alors je recule.Elle s’avance.Et la lumi
AnnaMais ce n’est pas le Eliel que j’ai connu. Pas celui qui avait encore l’espoir au bord des lèvres. Son visage est plus dur. Son regard, plus sombre. Il a vu des choses. Et il porte quelque chose en lui. Une douleur vivante.« Pourquoi es-tu là ? » ma voix tremble malgré moi.Il s’approche d’un pas, puis s’arrête.« Parce que le monde va se fendre, Anna. Et que toi seule peux empêcher qu’il s’effondre. »Je déglutis. Chaque mot est une lame.« Tu savais, n’est-ce pas ? Tu savais ce que j’étais. »Il ferme les yeux. Puis, d’une voix basse :« Je savais que tu étais plus que ce qu’on t’avait dit. Mais je ne savais pas que tu étais… l’éclat brisé. »« L’éclat brisé ? »Il me regarde avec une intensité glaciale.« Celle qui a le pouvoir de refaire le monde… ou de le détruire entièrement. »Le silence tombe, plus lourd que jamais.Je sens mon cœur battre dans mes tempes.« Et toi ? Tu viens m’aider ? Ou m’arrêter ? »Un silence. Long. Tranchant.Puis il murmure :« Je ne sais pas encor