LéaJe reste là. Mon front contre sa peau. Écouter. Ressentir. Être avec lui. Sentir battre ce cœur cabossé sous ma joue. Sentir le chaud de sa peau, son odeur mêlée à la mienne. Comme une réponse silencieuse à mon propre chaos.C’est étrange, la manière dont l’amour naît parfois dans les décombres. Il n’a pas besoin de fleurs, ni de lumière. Parfois, il pousse dans l’ombre. Dans la peine. Dans le silence. Et il devient tout.Puis je le sens frissonner légèrement. Un soupir s’échappe de sa gorge. Et je lève les yeux.— Tu veux que je m’éloigne ? chuchoté-je.Il ouvre lentement les paupières. Son regard me transperce
LéaIl n’y a plus de dehors, plus de temps.Plus de guerre, de douleurs, de barrières.Il n’y a que lui. Ce corps tendu contre le mien. Cette chaleur entre nous, qui grimpe, qui monte, qui devient besoin.Je le sens. Chaque frémissement. Chaque souffle retenu. Chaque désir tu.Et moi… moi, je ne veux plus taire le mien.Je n’en ai plus la force. Plus l’envie.Je le regarde. Il a les yeux ouverts maintenant. Deux éclats noirs, profonds, brûlants.Sa mâchoire est serrée. Ses bras figés. Mais ce n’est plus la peur.C’est autre chose. Un appel. Une faim.Je tends la main. Je la pose sur son ventre. Sa peau est chaude. Elle frémit sous mes doigts.Puis je descends. Lentement.Pas pour provoquer.Pour dire :
LéaQuand j’ouvre les yeux, le jour n’est pas encore tout à fait levé.Le monde respire à peine. Tout semble suspendu entre nuit et lumière, dans ce fragile instant où le silence a encore la douceur d’un rêve.La chambre est baignée d’un gris laiteux, un voile diffus qui glisse sur les murs, s’accroche aux draps, effleure sa peau nue.Et lui… il est là. Toujours.Sa silhouette allongée à mes côtés, son souffle lent qui soulève doucement sa poitrine. La couverture est légèrement rejetée, découvrant une épaule, le creux de sa gorge.Ses traits sont figés dans un calme trompeur. Trop figés. Sa mâchoire crispée trahit une tension qui ne dort pas.Je le sens. Je le
Nathan LevasseurJe ne dors pas.Le silence a changé de texture. Il n’est plus ce refuge de nuit, paisible et creux. Il est devenu opaque. Chargé. Chaque minute m’écrase un peu plus. Chaque battement de cœur est un rappel que la colère n’est pas partie. Elle est juste rentrée s’enfermer à l’intérieur, dans ce coin sombre où je range ce que je n’ai pas le droit d’exprimer.Ce poison-là, je le connais. Il coule lentement. Il s’insinue. Et parfois, il me fait douter de tout. Même d’elle.Mais ce soir… ce soir, il y a eu autre chose.Je repense à Sophia. À ses mots. À cette manière qu’elle a de sourire avec ses crocs sous les lèvres. Elle ne parle jamais directement. Elle murmure à l’intérieur des gens. Elle s’infiltre là où ça fait mal. C’est sa spécialité. Elle n’a pas besoin de crier pour détruire.Et pourtant, elle a perdu.Parce que Léa s’est levée.Parce qu’elle a traversé cette salle comme on traverse une tempête, sans plier. Et qu’elle a dit ce que moi, je n’avais plus la force de
Nathan LevasseurJe pensais que c’était fini.Je pensais que le pire avait déjà eu lieu. Que la douleur de la première fois, ce moment où nos regards s’étaient croisés, suffirait à solder le passé. Mais certaines blessures ont des échos. Certaines morsures ne s’infectent qu’après coup.Et ce soir, je sens le poison se répandre.La réception se tient dans une salle voisine, attenante à l’église, et tout y transpire l’excès de bon goût : moulures dorées, fresques restaurées, bouquets blancs figés dans leurs vases de cristal.Les lustres lancent leurs éclats froids sur les visages poudrés, les regards polis, les sourires de circonstance. C’est une pièce construite pour l’illusio
Nathan LevasseurJe ne voulais pas y aller.J’ai protesté, grogné, repoussé l’idée jusqu’à la dernière minute. Mais cette cérémonie… — C’est pour Marc. Un frère d’armes. Un type droit, solide, loyal jusqu’au bout. Et même si je suis hors service, même si je suis brisé, même si je déteste ce que je suis devenu, je ne peux pas lui tourner le dos. Pas à lui. Pas à ce qu’on a partagé.Alors je me laisse faire.Léa m’aide à enfiler ma veste. Elle le fait sans un mot, avec cette douceur discrète qui n’exige rien, ne juge rien. Costume noir. Chemise boutonnée jusqu’en haut. Cravate nouée avec une patience infinie. Elle ajuste mon col, rabat un pli invisible, vérifie les manches. Je sens ses doi
LéaIl dort.Pas d’un sommeil agité comme avant. Pas d’un effondrement nerveux. Juste… un vrai sommeil. Profond. Apaisé. Son visage est détendu, presque juvénile, sans les plis de douleur, sans la crispation permanente de celui qui lutte contre un corps qu’il ne reconnaît plus.Je le regarde, immobile. Assise au bord du lit. Je n’ose pas bouger. Comme si le moindre mouvement risquait de briser cette paix fragile.Et moi, je suis là. Témoin silencieuse de son abandon, gardienne de ce moment volé au chaos.Je voudrais que ce calme dure. Mais je le sais. Ce n’est qu’un répit. Une trêve fragile entre deux tempêtes. Alors je rassemble mon courage. J’inspire. Longtemps. Fort.Quand il ouvre les yeux, il a ce regard flottant, brumeux, suspendu entre rêve et réalité. Ses paupières battent. Il me voit. Il me reconnaît.— Léa ? Il murmure mon prénom comme on murmure une prière.Je hoche la tête. Ma main trouve la sienne. J’ai la gorge nouée, mais je parle. Parce que je dois. Parce que sinon, j
LéaIl ne m’a pas lâchée de la nuit.Sa main dans la mienne, ses doigts serrés comme s’il avait peur que je disparaisse pendant son sommeil. Comme si mon départ était une possibilité plus tangible que ma présence. Et moi, je suis restée là, au sol, adossée à son fauteuil, à écouter sa respiration se faire moins erratique. À attendre que son cœur trouve un tempo qui ne m’étrangle pas d’inquiétude.Je ne dors pas non plus. Mais cette nuit, l’insomnie est différente.Moins douloureuse. Moins glaciale.Je sens son pouce effleurer ma peau par moments. Des gestes minuscules, presque involontaires. Des appels de détresse sans mots. Alors je serre un peu plus fort. Je suis là, Nathan. Je suis là.Quand le matin perce à travers les rideaux, mes os me rappellent leur existence. J’ai la nuque en feu, les jambes engourdies, la peau collée par la fatigue. Mais je m’en fiche. Il est encore là. Et pour la première fois depuis des semaines, ses yeux croisent les miens sans se détourner.Il reste. Il
Nathan LevasseurJe ne dors plus. Les nuits s’étirent comme des couloirs vides, interminables. Je reste éveillé, les yeux fixés sur le plafond, comme s’il allait finir par s’effondrer sur moi et me libérer de ce corps trop lourd. J’ai beau essayer de rassembler mes forces, il ne reste rien. Rien qu’un vide épuisant, un trou dans lequel je me laisse couler, jour après jour. Le silence est devenu mon langage. Une forme d’abandon. Le refus de me battre encore.Mais ce soir, le silence est brisé par une présence.Léa.Elle est là, assise dans le fauteuil près du lit, jambes repliées contre sa poitrine, les bras serrés autour d’un coussin comme s’il était tout ce qu’elle avait. Elle pense que je dors, mais je la vois. Elle a les traits tirés, les yeux rouges. Elle est fatiguée. Épuisée. À bout. Et je suis responsable de ça. De cette douleur qui s’imprime sur ses traits chaque fois qu’elle me regarde et que je détourne les yeux.Elle ne me dit rien. Elle ne me demande rien. Et pourtant, son