AlejandroLe silence s’étend dans la pièce comme une brume lourde, étouffante.Il me saisit, il me colle à la peau.Je le sens sur mes épaules, comme un fardeau invisible, un poids que je ne peux pas rejeter.Les murs semblent s’approcher.Je n’arrive pas à respirer.Je fixe le feu éteint dans la cheminée, où seules des braises mortes restent.J’aurais dû partir plus tôt.Je suis censé lui laisser son espace.Lui donner un peu de répit, de tranquillité.Un peu de fausse liberté.Mais je n’y arrive pas.Je suis resté là, immobile.À regarder cette maison que j’ai construite, cette prison dorée.Je la vois à travers chaque détail.Les rideaux qui pendent comme des draps immaculés, presque trop parfaits.Les meubles que j’ai choisis avec soin, chaque objet placé pour plaire à ses yeux.Elle pense que c’est chez elle.Elle pense qu’elle peut m’échapper.Mais je sais.Elle est chez moi.Elle a toujours été chez moi.Je me lève d’un coup, brisant le silence comme un éclat de verre.La chais
LénaLe vent s'engouffre dans l'atelier.Il fait vibrer les rideaux blancs contre les murs.Il emporte un peu de cette odeur de peinture fraîche, de ce parfum chimique qui colle à la gorge.Et pour la première fois depuis longtemps, je respire vraiment.Je reste là, debout.Face à la verrière.Face au monde.Ou à ce qu’il en reste.En bas, la rue est presque vide.Un homme marche en traînant les pieds, son visage invisible sous la visière de sa casquette.Une femme pousse une poussette d'un pas rapide, jetant des regards nerveux autour d'elle.Un chien aboie derrière un portail rouillé.Des bribes de vie, arrachées au silence.La ville semble étrangère.Comme si je l'observais à travers une vitre épaisse.Comme si je n’en faisais plus partie.Je passe mes doigts sur le rebord de la fenêtre.Le bois est lisse.Froid.Trop parfait, encore.Chaque détail est pensé.Prémédité.Comme si tout ici devait m'empêcher de partir.Me convaincre que je suis à ma place.Je recule.Je referme doucem
LénaL’atelier sent le neuf.Et un peu la peinture fraîche.Une grande verrière laisse entrer la lumière du matin.Un parquet brut.Des murs blancs.Un silence presque trop pur.Je fais un pas.Puis un autre.Je suis seule.Enfin… presque.Le garde est resté dehors.Assis dans une voiture banalisée.Il m’a saluée d’un signe de tête.Pas un mot.Pas un sourire.Ça me va.Je n’ai pas besoin de plus.Ou peut-être que si.Mais je refuse de l’admettre.J’avance vers la grande table centrale.Dessus, un carnet vierge.Du bon papier.Épais.Un stylo-plume posé avec soin.Je caresse la couverture.C’est lui.Forcément lui.Il me connaît.Trop bien.C’est presque une malédiction.Je n’ai rien dit.Et il a su ce qu’il fallait.Ce que j’aimais.Ce que je pourrais être ici.Mais ce n’est pas ça qui m’agace.Ce n’est pas cette générosité silencieuse.C’est cette sensation.Qu’il est là.Partout.Même dans mon refuge.Je fais le tour.J’ouvre les placards.Des toiles.Des fournitures.Tout ce dont
LénaIl n’a rien dit pendant deux jours.Pas un reproche.Pas une menace.Pas même une remarque acerbe.Juste le silence.Son silence.Lourd.Calculé.Presque clinique.Il m’a regardée comme une équation qu’il n’arrivait plus à résoudre.Il m’a frôlée sans me toucher.Il a dormi à côté sans me frôler.Et moi, j’ai attendu.Pas comme une femme soumise.Mais comme une joueuse.Parce que je savais qu’il finirait par revenir.Il revient toujours.Mais il revient avec une décision.Pas avec des excuses.Ce soir-là, il entre dans le salon.Costume sombre.Cravate défait.Les manches roulées.Les veines de ses avant-bras battent comme une promesse.Ou une menace.Il s’assoit.Calme.Sûr.Comme un roi sur son trône.Mais ses yeux me cherchent.Me percent.Me lisent.— J’ai pensé à ton refus.Je croise les bras.Je me prépare au duel.Pas à la conciliation.Je ne réponds pas.Je le laisse parler.C’est rare, qu’il cherche les mots avant de les dire.D’habitude, il impose.Il ordonne.Il tranch
LénaOu juste un nouveau masque.Encore plus dangereux.Parce qu’il ressemble à l’amour.— Pourquoi ? Parce que je te sers le petit déjeuner au lit ?— Parce que tu n’as jamais été gentil sans raison.Il penche la tête.Ses doigts remontent lentement jusqu’à mon genou.Un frôlement à peine là.Mais il enflamme tout.— Et si je voulais juste te voir sourire ?Je ne réponds pas.Je trempe mes lèvres dans le café.Il est parfait.Évidemment.Chaque détail est calculé.Dosé.Tout est trop parfait.Et moi, je ne suis pas faite pour ça.Je ne crois pas à l’apaisement après l’orage.Avec lui, il n’y a pas de répit.Il y a toujours une tempête qui couve.Il m’observe.Il attend quelque chose.Une réaction.Un mot.Une faille.Il veut savoir jusqu’où il peut aller.Jusqu’où je tiendrai.— Tu m’en veux pour cette nuit ? demande-t-il, trop calmement.Ses doigts ne bougent plus.Ses yeux sont sombres.La douceur n’était qu’un vernis.Je pose le croissant.Je le regarde droit dans les yeux.— Tu m
LénaIl ne s’arrête pas.Il me prend encore.Encore.Encore.Comme si chaque coup de reins devait effacer la mémoire du monde,comme si chaque va-et-vient hurlait une vérité plus ancienne que le silence.Il me baise comme on cherche à survivre.Comme un cri jeté à la nuit.Comme une prière sans dieu pour l’entendre.Ses mains sont féroces.Ses doigts s’enfoncent dans mes hanches, m’obligent à rester là, offerte.Ses bras sont des chaînes qui ne veulent plus me rendre au monde.Je suis prise.Captive.Sacrifiée.Et j’ouvre les bras au sacrifice.Je ne respire plus.Ou peut-être est-ce lui qui respire pour moi.Ma peau brûle.Mes cuisses tremblent.Mon ventre se tord.Je suis à la frontière de moi-même.Dépouillée de toute volonté.Consentie à ma propre dissolution.Il me pénètre avec rage.Avec fièvre.Avec un besoin qui dépasse le corps.Il me baise comme on frappe.Comme on jure fidélité.Comme on tue.Je m’accroche aux draps, à son cou, à sa nuque, à tout ce qui peut encore me raccr