Nouvelle vie à deux

Trois jours.

Trois jours que son cœur bat plus vite chaque fois qu’elle passe devant la pharmacie au coin de la rue.

Trois jours qu’elle évite de compter sur ses doigts.

Trois jours qu’elle sait. Sans vouloir se l’avouer.

Inès s’assoit au bord de son lit, les doigts tremblants autour du sachet en papier. À l’intérieur, un test. Le genre de chose qu’on voit dans les films, qu’on imagine jamais tenir pour de vrai. Elle inspire, puis expire, comme si ça allait changer quoi que ce soit. Mais rien ne change. Le silence de sa chambre est le même, un peu trop lourd, un peu trop vrai.

Rayane lui a dit qu’il l’aimait.

Il lui a juré qu’elle était différente.

Il lui a caressé les cheveux comme on le fait dans les romans.

Mais aujourd’hui, elle est seule. Il ne répond pas à ses messages. Il a dit qu’il avait “besoin de réfléchir”. À quoi, elle ne sait pas. Elle, elle ne réfléchit plus. Elle vit entre battements d’angoisse et espoir naïf.

Elle entre dans la salle de bain, referme doucement la porte. Elle déchire le plastique, suit les instructions mécaniquement. Puis elle pose le test, sans le regarder.

Deux minutes. C’est long, deux minutes.

Elle ferme les yeux. Compte jusqu’à 120 dans sa tête. Puis se tourne.

Deux traits.

Net. Clairs. Sans appel.

Ses jambes se dérobent un peu. Pas de larmes. Pas encore. Juste un vide. Et une vérité qui explose dans le silence :

Elle est enceinte.

Et Rayane n’est pas là.

Elle reste là, assise sur le sol froid de la salle de bain, le test toujours dans la main. Comme si tant qu’elle le tenait, rien n’était encore réel. Mais ses doigts tremblent. Pas de peur, non. Plutôt de cette drôle de sensation qu’on a quand le sol se dérobe sans crier gare.

Elle ne pleure pas. Pas encore.

C’est trop tôt pour les larmes. Trop tard pour les doutes.

Le téléphone vibre. Elle sursaute.

Rayane.

Enfin.

Mais non. Ce n’est pas lui. C’est juste une notification I*******m. Une photo d’eux deux, encore là, dans sa galerie, dans ses souvenirs. Rayane qui la regarde comme si elle était son univers. Inès qui y croyait.

Elle ferme l’app.

Ouvre leur dernière conversation.

“Tu fais quoi ce soir ?”

Envoyé hier.

Pas de réponse.

Juste un “Vu” à 23h17.

Elle hésite à écrire.

À lui dire tout de suite.

À crier dans le vide.

Mais quelque chose en elle, fragile et digne à la fois, l’arrête. Elle sait. Au fond, elle sait déjà.

Elle se lève, repose le test sur le lavabo. Elle se regarde dans le miroir, cette fille qu’elle connaît sans vraiment la reconnaître.

Elle murmure tout bas :

— Tu vas pas t’effondrer. Pas maintenant.

Et elle sourit. Un sourire de guerre douce, de courage à peine né.

Parce qu’elle sait qu’à partir de maintenant, tout est différent.

Qu’elle ne porte plus seulement son cœur.

Qu’elle est deux. Et que même si Rayane s’efface, elle, elle restera debout.