GraziellaLe lendemain matin, je me réveille dans la même chambre vide. La lumière pénètre à travers les rideaux tirés, baignant l’espace d’un éclat terne, comme un souvenir effacé. Je suis debout en un instant, mes mouvements presque mécaniques. Mon corps est fatigué, brisé même, mais ce n’est pas la douleur physique qui me hante. C’est le poids de ce que je ressens, de ce que j’ai fait. Ce que j’ai accepté. Et cette sensation d’illusoire liberté qui me fuit à chaque respiration.Je me dirige vers la fenêtre, mes mains appuyées contre le verre froid. La ville est déjà en mouvement, bruyante, énergique, mais pour moi, chaque bruit me semble étouffé, lointain. Je suis sur un autre plan, un autre monde, où chaque geste semble dériver dans une mer d’incertitudes. Il y a des choix que j’ai faits, et d’autres qui m’ont été imposés, et maintenant, je n’arrive plus à distinguer où finit l’un et où commence l’autre.Hier soir, sur scène, tout était clair. J’ai dansé. J’ai donné le meilleur de
GraziellaJe suis dans ma loge, seule, comme à chaque fois après la représentation. La sueur perle sur mon front, mon cœur bat encore fort, comme une bête qui ne veut pas se calmer. Pourtant, malgré l’effort, je ne me sens pas vivante. Juste vide. Une coquille vide, prête à se briser sous la pression. La porte s’ouvre brusquement, et je n'ai même pas le temps de réagir. C'est Élias. Il entre sans un mot, ferme la porte derrière lui. Ses yeux sont sombres, fixant l’espace avec une intensité qui me coupe le souffle.« Tu n’as pas été parfaite ce soir. »Il ne sourit pas, il ne semble pas en colère. Il évalue. Comme toujours. J’ai l’impression de n’être rien d’autre qu’une œuvre d’art qu’il scrute sous un microscope. Son regard glisse sur moi, comme s’il cherchait une faille. Un détail qui cloche. Je reste silencieuse, le regardant, le souffle suspendu. Je sais ce qui va venir, même si je n’ai pas envie de l’entendre. Mais je sais que ce moment, il est inévitable. Il est là.« Élias, je…
GraziellaParis. 5 h 12.Je suis déjà debout. Ou plutôt, je ne me suis pas vraiment couchée. Juste un moment, contre le mur froid, les jambes tendues, le dos noué de fatigue. Le sommeil, je l’ai troqué contre des pliés et des pirouettes. Je n’ai pas le luxe du repos.Dans la pièce exiguë que je partage encore avec ma mère, le silence est pesant. Le parquet grince sous mes pointes élimées, et chaque craquement semble hurler dans le noir. Je serre les dents. Une ampoule éclate sous l’effort. Mon sang colle à la toile de mes chaussons. J’ai mal. Mais la douleur est la seule chose qui me prouve que je suis encore en vie.Il fait froid, ici. Toujours. Le chauffage est en panne depuis trois semaines, mais on n’a pas de quoi le faire réparer. Ma mère dit que ça forge le caractère. Moi, je dis que ça casse les os. Mais elle n’écoute plus mes remarques. Elle coud en silence, tard le soir, des robes qu’elle ne pourra jamais porter. Et moi, je danse. Comme si ma vie dépendait de chaque arabesque
GraziellaJe regarde la carte une fois de plus, comme un test. Un piège. Un billet vers l’enfer, un autre vers le sommet. Le nom d'Élias De Marens inscrit en lettres noires, aussi lisses et froides que l'immobilier de luxe qu’il semble posséder. Je devrais la jeter, ignorer ce qu'elle représente, oublier tout cela. Mais mon cœur s’emballe à chaque fois que mes yeux glissent dessus. Un mystère, un pari, un rêve brisé… je ne sais pas encore.Je la tiens dans ma main, mes doigts tremblants. Elle n’a pas de logo, pas de référence, juste une promesse, cette simple phrase qui m’hypnotise : « Appelez-moi si vous voulez vraiment briller. » Ça semble si simple, mais je sais que tout dans cette phrase est chargé d'implications.Je ferme les yeux un instant, le bruit de la ville gronde à travers la fenêtre. L'Opéra, la scène… tout ce que j’ai toujours voulu. Mais à quel prix ? Et suis-je prête à payer ce prix ?Un bruit dans l’encadrement de la porte. Ma mère. Le regard fatigué, mais bienveillan
GraziellaJe reste là, figée. Le regard d’Élias m’enserre, une prise invisible, plus forte que mes muscles. Ses mots flottent dans l’air, lourds, inéluctables. Corps, âme et danse. Je les répète dans ma tête, comme un écho qui ne cesse de grandir. C’est une offre, une promesse, mais aussi un piège. J’ai l’impression d’être prise dans une toile d’araignée invisible, chaque mouvement me rapprochant davantage du centre. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de frémir à l’idée de ce que cela pourrait signifier.Je n’arrive pas à détacher mes yeux des siens. Il n’a pas besoin de dire un mot de plus. Tout est là, dans l’intensité de son regard, dans le silence de la pièce, dans la chaleur qui semble se dégager de sa présence. Je pourrais lui appartenir. Tout ce que je veux, tout ce dont j’ai rêvé, à portée de main. Mais à quel prix ? Quelque chose en moi se révolte à cette pensée, un cri intérieur qui me hurle de reculer, de fuir. Mais je sais que c’est déjà trop tard.Il n’a pas besoin de me
GraziellaLes heures qui suivent sont un tourbillon d’émotions contradictoires. Je tente de me concentrer sur autre chose, mais chaque moment me ramène à lui. À Élias. À ce qu’il m’a offert. Ou plutôt, à ce qu’il m’a imposé. Mon esprit ne cesse de tourner autour de ce choix, comme une spirale sans fin. La peur, l’excitation, le doute, tout se mêle dans une danse chaotique. Il y a une partie de moi qui veut tout abandonner, fuir ce monde qui me dépasse. Mais il y a aussi cette part de moi, cachée, presque inconsciente, qui m’appelle à l’avancer, à plonger dans l’inconnu. À le rejoindre.Je passe la nuit à me retourner dans mon lit, les yeux grands ouverts dans l’obscurité. Le silence autour de moi est lourd, oppressant, presque un rappel que le monde qui m’entoure est bien plus petit que ce que je suis en train de contempler. Le rêve, le succès, la reconnaissance — tout cela semble si proche, à portée de main. Mais la peur de tout perdre me ronge. Je sais que je ne pourrai pas revenir
GraziellaLe son de la porte qui se ferme derrière moi résonne comme un dernier écho, une marque indélébile dans mon esprit. L’air de la pièce semble plus lourd, plus chargé d’une énergie électrique. Je n’avais pas imaginé que revenir ici me donnerait une telle sensation. Je pensais que le choix serait simple, que j’aurais la force de m’y rendre et de suivre la promesse d’Élias, mais la réalité est bien plus complexe que je ne l'avais imaginé.Il est là, dans l'ombre, m’attendant. Ses yeux brillent d'une lueur que je connais bien, celle qui me rappelle que, désormais, tout est sous contrôle. Pas le mien, mais le sien. Et cela me trouble plus que je ne voudrais l’admettre. Je lève les yeux vers lui, et il ne fait rien, ne dit rien. Il se contente de me fixer, comme une statue immobile, une figure de pouvoir. Un maître, un prédateur.— Vous êtes là, dit-il simplement, sa voix basse, sans fioritures. L’instant que vous avez choisi. La ligne entre le passé et l’avenir vient de s’effacer.
GraziellaJe m'assois à la table, le contrat posé devant moi comme un test de ma propre volonté. La lumière froide de la pièce semble se concentrer sur ce document, le rendant encore plus imposant, presque menaçant. Je prends une respiration profonde, mes mains effleurent le papier sans le toucher. Je sais ce que ce contrat représente, mais je ne peux m'empêcher de l'examiner encore un peu, comme si je pouvais en lire les intentions cachées, les clauses non écrites. Mais je ne trouve rien d'autre que des mots, des phrases, une promesse. Une promesse enivrante, un piège bien ficelé.Élias reste debout, immobile, à une distance qui me permet de sentir sa présence sans qu'il envahisse mon espace personnel. Il n’a pas bougé, mais je sais qu’il observe chacun de mes gestes. Chaque hésitation. Chaque seconde de doute. Ce contrat, c'est plus qu'un simple morceau de papier ; c'est le point de non-retour. C’est ce que je suis sur le point d’accepter, ce que je suis prête à accepter, malgré mes
GraziellaJe suis dans ma loge, seule, comme à chaque fois après la représentation. La sueur perle sur mon front, mon cœur bat encore fort, comme une bête qui ne veut pas se calmer. Pourtant, malgré l’effort, je ne me sens pas vivante. Juste vide. Une coquille vide, prête à se briser sous la pression. La porte s’ouvre brusquement, et je n'ai même pas le temps de réagir. C'est Élias. Il entre sans un mot, ferme la porte derrière lui. Ses yeux sont sombres, fixant l’espace avec une intensité qui me coupe le souffle.« Tu n’as pas été parfaite ce soir. »Il ne sourit pas, il ne semble pas en colère. Il évalue. Comme toujours. J’ai l’impression de n’être rien d’autre qu’une œuvre d’art qu’il scrute sous un microscope. Son regard glisse sur moi, comme s’il cherchait une faille. Un détail qui cloche. Je reste silencieuse, le regardant, le souffle suspendu. Je sais ce qui va venir, même si je n’ai pas envie de l’entendre. Mais je sais que ce moment, il est inévitable. Il est là.« Élias, je…
GraziellaLe lendemain matin, je me réveille dans la même chambre vide. La lumière pénètre à travers les rideaux tirés, baignant l’espace d’un éclat terne, comme un souvenir effacé. Je suis debout en un instant, mes mouvements presque mécaniques. Mon corps est fatigué, brisé même, mais ce n’est pas la douleur physique qui me hante. C’est le poids de ce que je ressens, de ce que j’ai fait. Ce que j’ai accepté. Et cette sensation d’illusoire liberté qui me fuit à chaque respiration.Je me dirige vers la fenêtre, mes mains appuyées contre le verre froid. La ville est déjà en mouvement, bruyante, énergique, mais pour moi, chaque bruit me semble étouffé, lointain. Je suis sur un autre plan, un autre monde, où chaque geste semble dériver dans une mer d’incertitudes. Il y a des choix que j’ai faits, et d’autres qui m’ont été imposés, et maintenant, je n’arrive plus à distinguer où finit l’un et où commence l’autre.Hier soir, sur scène, tout était clair. J’ai dansé. J’ai donné le meilleur de
GraziellaL’odeur de la scène, le parfum du bois, de la poussière, et de l’alcool qui se mélange à l’odeur des costumes, m’envahit alors que je descends des coulisses. La lumière crue me frappe, me tirant de la transe dans laquelle je me suis laissée engloutir. Le public est encore là, mais tout me semble lointain, irréel. Les applaudissements résonnent, mais ils ne me parviennent plus comme des sons chaleureux. Ils sont froids, distants, comme une mer gelée qui me sépare de tout ce que j’ai cru vouloir.Je n’ai pas le temps de savourer ce que certains appelleraient la victoire. Mes pieds me portent sans que je le décide, m’éloignant de la scène comme un automate. Le bruit des applaudissements se transforme en un bourdonnement incessant dans ma tête. Je n’arrive pas à me débarrasser de cette sensation de vide qui me ronge de l’intérieur.Je m’enfonce dans les coulisses, me dirigeant vers ma loge. Mes mains tremblent légèrement en retirant le maquillage, en défaisant mes cheveux. Chaqu
GraziellaLe jour du spectacle arrive plus vite que je ne l’avais imaginé. Le matin, je me réveille épuisée, mes muscles endoloris par des heures de répétitions acharnées. Le miroir me renvoie une image familière, mais aujourd’hui, quelque chose a changé. Il y a cette lueur dans mes yeux, une inquiétude à peine perceptible mais bien présente. J’ai l’impression que tout ce que j’ai fait jusqu’ici, chaque pas, chaque mouvement, chaque nuit d’insomnie, m’a menée à ce moment précis. La scène. Le rôle principal. Le destin. L’écho de ma propre voix intérieure me rappelle que c’est plus qu’une performance. C’est la validation de tout ce que j’ai sacrifié.Je me lève lentement, mes jambes faibles sous la pression. Le silence de l’appartement semble me peser davantage que d’habitude. Il n’y a personne pour me dire que tout ira bien, que je suis prête. Juste un vide lourd, rempli de l’écho de mes propres doutes. Ma mère n’est toujours pas là, absorbée par son travail, comme toujours. La solitud
GraziellaLes jours qui suivent se transforment en une longue série de répétitions. Les matinées commencent tôt, souvent avant que la lumière du jour ne se lève, et mes jambes, habituellement si souples, sont marquées par l’usure du travail. Chaque mouvement est un effort, mais aussi une danse solitaire dans un monde où la perfection est une exigence constante. La pression est insidieuse, s’immisçant dans chaque respiration, chaque geste. Le rôle principal, celui que Clara aurait dû avoir, pèse sur moi comme une montagne, me rappelant à chaque instant que je n'ai pas eu le temps de m’y préparer, que tout m’est tombé dessus comme un choc brutal.Il y a cette tension invisible, mais palpable, qui flotte dans les coulisses du théâtre. Mes collègues, mes amis d’antan, me regardent autrement. Je les sens m’observer, évaluer, juger, et il y a cette distance qui se creuse peu à peu. Certains m’adressent des sourires crispés, d’autres évitent délibérément mon regard, comme si je devenais quel
GraziellaLe rideau est tombé, mais je n'ai pas cessé de respirer. Les applaudissements résonnent autour de moi comme une mer d'échos lointains, me submergeant, me noyant. Mais tout est flou. Le monde autour de moi a disparu dans une brume épaisse. Ce qui reste, c'est la sensation persistante de l'effort, des muscles endoloris, du souffle court, et cette profonde solitude qui me colle à la peau. Même sous les félicitations, même dans la lueur de l'attention du public, je me sens terriblement seule.Je suis retournée dans les coulisses, la peau encore brûlante du contact avec la scène, le cœur toujours battant la chamade. Les costumes ont été retirés, mais je ne me sens pas déshabillée. Je me sens comme un autre corps, une autre identité que j'ai incarnée pour quelques instants. J'avais rêvé d'être cette étoile, cette Sylphide pure et irréelle, mais à cet instant précis, je ne sais plus si cette quête est encore la mienne. L'illusion de la scène se dissipe vite, et avec elle, la sensat
GraziellaLe temps semble se distordre, s’étirer, chaque seconde me frappant comme un coup de poignard. Les jours qui suivent l’annonce de mon nouveau rôle passent dans un tourbillon de répétitions intenses, de regards chargés de jugements, et de murmures discrets entre les coulisses. Le monde autour de moi s’est métamorphosé. Tout devient plus aigu, plus vibrant, comme si chaque geste, chaque mouvement de mon corps sur scène devait porter un poids plus lourd qu’auparavant . Il ne m'a pas appelé depuis la dernière fois . J’essaie de m’en tenir à ce que je connais : la danse. C’est mon refuge. C’est là que tout fait sens. Mais même dans ce domaine, les choses changent. La pression est palpable. Le rôle de la Sylphide, un personnage aussi pur qu’éthéré, exige de moi non seulement de la perfection technique, mais aussi de la grâce, un lien avec le public. Je suis censée incarner quelque chose de plus grand qu’une simple danseuse. Je dois être l’incarnation de l’inaccessible.Aujourd’hui
GraziellaLe lendemain matin, la fatigue de la veille est toujours présente, mais elle s’efface peu à peu alors que je me prépare pour la répétition. Je n'ai pas eu d'autres choix que d'accepter sa décision , je suis dans une nouvelle maison plus grande et luxueuse . J'ai dit à ma mère que j'allais habiter maintenant avec une amie . Elle était un peu sceptique mais elle n'a rien dit . Mon chauffeur me dépose . Le matin a toujours ce goût d’incertitude, de possibilité, comme si chaque journée pouvait changer le cours de ma vie. Mais aujourd’hui, il y a une tension particulière dans l’air, quelque chose de différent que je ne peux pas encore identifier. J’enfile mon justaucorps, attache mes cheveux en un chignon serré, et je me regarde dans le miroir. C’est une image familière, celle de la danseuse concentrée et déterminée. Mais derrière ce reflet, il y a aussi la fille qui a signé un contrat avec lui. La danse est ma fuite, mais jusqu’à quand pourra-t-elle me sauver ?En arrivant au s
Graziella Le petit déjeuner s'écoule dans une ambiance de tendresse et de complicité. Élias et moi partageons des sourires complices tout en débattant de la nuit dernière, ressassant nos moments d'exploration avec une désinvolture feinte qui dissimule l'intensité de nos échanges. Chaque mot, chaque regard échangé entre nous crée un tissu d’excitations nouvelles, mais un sentiment plus profond commence à s’immiscer en moi, quelque chose qui me fait m’interroger sur la nature de notre relation.Après avoir fini de manger, Élias se lève et semble se plonger dans ses pensées, ses traits se durcissant un instant. Je l’observe, curieuse, alors qu’il se dirige vers le salon, l’air pensif. Finalement, il revient quelques minutes plus tard, un sourire mystérieux aux lèvres, portant avec lui une enveloppe noire qu'il dépose sur la table.- Graziella, j’ai quelque chose pour toi , dit-il, son regard pétillant d'enthousiasme et d'anticipation. Je sens un frisson de curiosité me parcourir et je r