Revoir Lucie, c’était comme retrouver mes parents. Un bonheur brut, sans nom, presque irréel. Je n’arrêtais pas de bénir ce retour en arrière. Ce foutu miracle du destin.
Lucie, c’était l’amie parfaite. Un peu barrée, un peu excessive. Comme moi. Et franchement… je ne comprenais toujours pas comment j’avais pu croire Damon. Mais bon, on dit que l’amour rend aveugle, non ?
Je l’ai prise dans mes bras, je l’ai embrassée, et elle m’a serrée fort. Après un café expédié en vitesse, on a foncé dans LE magasin qui avait bercé notre adolescence : Chez Isabella.
Une boutique chic, élégante, presque intimidante. Là où nos mères nous traînaient petites, pour nous faire essayer des tenues trop sages, pendant qu’elles rêvaient d’élégance.
Camélia, la vendeuse, nous a reconnues tout de suite. Elle nous a accueillies avec un sourire complice et nous a laissées libres de fouiller à notre guise.
Je me suis dirigée vers les tailleurs, presque comme un réflexe. J’ai attrapé un rouge flamboyant… puis un blanc cassé.
— Attends… c’est pas du tout ton style d’habitude, a lancé Lucie, intriguée.
Je lui ai souri.
— Lundi, j’intègre l’entreprise de mon père. Et franchement, j’en peux plus de mon look d’avant. J’ai besoin de changement. De tout changer. D’ailleurs, t’es libre après ? J’ai pris rendez-vous chez un coiffeur visagiste. Je veux faire femme, pas ado.
Elle a explosé de rire.
— Je comprends… mais tu fais plus jeune que ton âge, tu n’y peux rien.
— Justement. C’est pour ça que j’ai booké Enso. Tu viens ? On se refait une beauté comme avant ?
— OK, mais à une condition : qu’on passe d’abord par un massage. Je te sens tendue, et moi aussi, j’en ai besoin.
J’ai souri. Avec Lucie, c’était toujours plus : plus de folie, plus d’amour, plus de plans. Et c’est ça que j’aimais chez elle.
A mes tailleurs professionnelle, une bonne dizaine, j'ai rajouté des petites robe sexy et même quelques sous vêtement coquin . Ca faisait longtemps que je ne m'étais pas lâché ainsi.
J’ai demandé à ce qu’on me livre tous les vêtements sélectionnés, comme à mon habitude, puis on est parties se faire masser dans un salon à côté. Ensuite, direction le coiffeur.
On a papoté comme deux gamines, reparlant de nos conneries de lycée, de la météo, de tout, de rien.
Chez Enso, j’ai laissé mes cheveux entre les mains d’un artiste. Carré net, stylisé. Une vraie œuvre. Quand je me suis regardée dans le miroir, je ne me suis presque pas reconnue… et c’était exactement ce que je voulais. Un renouveau. Un nouveau départ. Lucie, elle, s’était contentée d’éclaircir ses racines, fidèle à elle-même.
En sortant, elle me lança un regard en coin, se mordillant la lèvre.
— Waouh. Mais t’es canon. Ce nouveau style te va à merveille. Ton mec va même pas te reconnaître
Je haussai les épaules avec un petit sourire.
— Ce changement, Lucie… je le fais pour moi. Je veux vivre pour moi maintenant. J’ai 24 ans. Trop jeune pour me perdre dans une histoire qui n’en vaut pas la peine.
Mon téléphone se mit à vibrer. L’écran s’alluma. Damon.
Sans la moindre hésitation, je rejetai l’appel.
Lucie fronça les sourcils.
— Je suis à 200 % d’accord avec toi
Elle marqua une pause.
— Mais… Il s’est passé quoi avec Damon ? Je l’ai jamais rencontré, mais tu m’en parlais comme de ton âme sœur, au début…
Je la coupai net :
— Il m’a trompée. Je vais le quitter.
— Quoi ?! Avec qui ?
— Cassidy
Le choc dans son regard fut immédiat. Elle pâlit et me fixa avec un mélange de stupeur et de peine.
— Cassidy ?...
— Ça va, t’inquiète. Je suis en train de réunir des preuves. Ils auront bientôt droit à une jolie surprise.
— Tu peux compter sur moi, d’accord ? Quoi qu’il arrive, je suis là
Elle vit à mes yeux que j’étais blessée, même si j’essayais de faire bonne figure. Alors elle me reprit dans ses bras, m’embrassa sur la joue. Oui, j’étais triste. Même avec toute la rage que j’avais au fond du ventre… c’était normal.
— Allez, fini les histoires tristes. Ce soir, je te change les idées ! On va dîner chez Régis, et après, je t’embarque dans ce nouveau bar qui vient d’ouvrir. Il paraît qu’il est hyper vivant
J’hésitai, bien sûr. Parce que c’était moi.
— Je sais pas…
— Mais moi je sais. Tu viens. Tu auras cas mettre le petite robe verte que tu a prise tout a l'heure, elle te va a ravir.
On avait bien manger, et nous étions dans ce nouveau bar chic, j'avais mis la robe que Lucie m'avais demandé et j'avoue que je me sentais belle dedans.
Mes jambes qui ne portaient plus les stigmate de l'accident était visible a mi cuisse.
Après quelques verres, je me suis laissée entraîner par Lucie sur la piste de danse.
Et là… quelle sensation. Une vraie bouffée d’oxygène. La musique vibrait jusque dans mes os, mon corps suivait instinctivement le rythme, mes hanches ondulaient avec une liberté que j’avais crue perdue.
Danser. Bon sang, que ça m’avait manqué. J’avais toujours aimé ça, ce lâcher-prise, cette façon qu’a le corps de parler sans avoir besoin de mots.
Mais Damon… lui, il détestait danser. Alors, assez tôt dans notre relation, j’avais été reléguée au rang de spectatrice. À force, j’avais arrêté. Et puis, après l’accident… j’avais carrément rayé cette partie de moi.
Mais ce soir, je la retrouvais. Et elle était là, vivante, vibrante, prête à foutre le feu.
Et puis d’un coup, elle a retenti.
Ma chanson.
Celle qui me collait à la peau.
Celle que je mettais en boucle quand j’étais ado, les écouteurs à fond, les bras écartés dans ma chambre, persuadée que rien ni personne ne pourrait m’éteindre.
“Unstoppable” de Sia.
La voix, les mots, les beats… tout me transperçait.
Je suis une Porsche sans freins.
Je suis invincible.
Je suis si confiante…
Cette chanson, c’était mon armure à l’époque.
Et ce soir, elle redevenait mon cri de guerre.
Je me suis remise à danser comme si plus rien n’existait.
Ni les douleurs.
Ni les trahisons.
Ni Damon.
Juste moi.
Mon corps.
Mon feu.
Et le monde pouvait bien brûler.
Et alors que je me lâchais véritablement avec mon amie, je le vis, lui dans un coin, un homme qui m'observait avec un air intrigué.
Il leva son verre dans ma direction et me sourit et sans trop comprendre pourquoi, je répondis à son sourire.
Etrangement cet homme me faisait penser à quelqu'un !
MAXIME— Willow, monte dans cette putain d’ambulance.Je crois que je hurle, mais ça sonne creux. Ma voix se perd dans le vacarme autour, dans les sirènes, dans la peur qui suinte de chaque regard.Ma main serre la sienne si fort que je sens mes propres phalanges trembler, presque à m’en faire mal. Elle vacille à peine, mais je sais qu’elle tient sur un fil, un mince fil qui menace de rompre à chaque instant. Le front en sueur, la robe déchirée et maculée de sang. Du sang. Son sang.— Je vais bien, insiste-t-elle, encore et encore, comme si répéter ces mots pouvait les rendre vrais.Mais son teint est trop pâle, presque translucide. Ses jambes flanchent comme une plante desséchée. Ce rouge vif qui coule lentement sur ses cuisses me rend fou, me fait perdre pied.— Tu te vides, bordel. T’as pas vu ta tête ? Tu saignes depuis cinq putains de minutes, Willow, t’as peut-être une hémorragie !Elle me regarde avec ces yeux fous, têtus, brisés, perdus dans un monde où la douleur n’a pas de r
DAMONMes oreilles sifflent. Un goût de sang, métallique, âcre, envahit ma bouche, me submerge, me noie. Mes côtes sont en feu, chaque inspiration un coup de poignard rouillé qui me lacère les poumons. Le volant, enfoncé dans mon torse, m’écrase, m’empêche de respirer. Mon bras gauche pend, mou, inutile, comme un poids mort accroché à mon épaule. Mes jambes… je ne les sens plus. Rien. Juste un vide glacial là où elles devraient être.Le moteur gémit, un râle d’agonie mécanique, un écho de ma propre douleur. L’odeur d’essence sature l’air, âpre, suffocante. Elle s’infiltre dans ma gorge, colle à ma langue, brûle mes narines. Je tousse, et le goût du sang s’intensifie, chaud, poisseux. Chaque mouvement, chaque souffle, est une torture. Je suis coincé, prisonnier d’une carcasse de métal tordu, un cercueil roulant qui m’enserre comme un étau.Et devant moi… Cassidy.Étendue sur le capot, brisée, désarticulée. Une poupée cassée abandonnée sur un tas de ferraille. Sa robe de fiancée, blanch
Fuir. C’est tout ce qui reste. Plus rien d’autre. Ma tête est vide, un brouillard épais où la raison n’a plus sa place. Je ne pense plus. Je ne réfléchis plus. Je fonce, comme un animal traqué, les tripes nouées par une rage qui brûle encore, un feu qui me dévore de l’intérieur. La clé tourne dans le contact, le moteur rugit, et sans savoir pourquoi, j’attrape le bras de Cassidy, la tirant vers la voiture.— Monte ! je grogne, la voix rauque, presque inhumaine.Elle obéit, tremblante, ses yeux écarquillés par la peur. L’automatisme, peut-être. Ou la lâcheté. Je ne sais pas. Mes mains tremblent sur le volant, mes phalanges blanchies par la pression. La pluie martèle le pare-brise, un rideau d’eau brouillant la route. Le goudron file sous les roues, un tapis noir déroulé devant le diable lui-même. Les gyrophares clignotent au loin dans le rétroviseur. Rouge. Bleu. Rouge. Bleu. Les flics. Ils nous collent au train, leurs sirènes hurlant comme des chiens affamés.Cassidy est à côté de moi
DAMONLe monde s'écroule. Alors je frappe.Je sens que tout m’échappe. Les regards. Les murmures. Les flashs. L’humiliation.Maxime vient de m’arracher la verrine. Il me grille devant tout le monde. Ce mec que j’aurais dû écraser depuis le début est là, debout, avec mes secrets dans la main. Et tout le monde le regarde, lui. Pas moi.J’ai envie de hurler.Cassidy s’effondre à genoux. Elle m’a trahi. Ou elle panique. Je ne sais pas. Je ne sais plus.Je fais un pas en arrière, prêt à me tirer. Faire ce que je sais faire : fuir, vite, et cogner si besoin.Mais une main m’attrape violemment le bras.— Pas si vite, enculé.C’est Bastien. L’ancien flic. Le chien errant de Maxime. Il m’empoigne comme s’il venait de me retrouver après dix ans de chasse.Son regard est noir. Implacable. Il veut m’arrêter. Ici. Devant tout le monde.Il croit que c’est fini ? Que j’ai perdu ?Mon poing part. Un direct dans sa gueule. Il recule, surpris par la violence. Il tente de se reprendre, me bloque l’ép
MaximeJe dévale les marches comme un homme consumé par les flammes. Mes jambes s’élancent avec une fureur contenue, mon cœur cogne dans ma poitrine tel un tambour de guerre.Dans l’enceinte de mon esprit, une seule image tourne en boucle, obsédante : Damon, la verrine cristalline, la gélule dissimulée.L’air siffle, coupant, tandis que je jaillis dans le jardin, un théâtre festif s’étendant devant moi, ignorant et insouciant. Les violons grincent leur mélodie mielleuse, des rires éclatent encore parmi les invités, des bulles de champagne dansent dans les flûtes.Et là, au cœur de cette mascarade, lui.Damon.Un sourire ourle ses lèvres, un toast scintille dans une main, et dans l’autre, la verrine en cristal – celle qu’il a souillée de son crime. Mon regard s’aiguise, se mue en lame affûtée. Je fends la foule avec détermination, esquivant un plateau d’argent, un bouquet de roses, un éclat de rire. Il tend la verrine à William Leclair, le père de Willow, qui s’apprête à la saisir, con
WILLOWLe jardin de mes parents est terne avec l'hiver qui arrive.La réception a lieu dans le hall , le salon et la salle a mangé chez mes parents.Chaque pétale semble avoir été sélectionné à la pince.Chaque verre de champagne brille comme un piège.Maxime serre ma main plus fort que nécessaire. Il sourit. Je fais semblant aussi. Tout le monde fait semblant.C’est la fête. C’est les fiançailles officielles de Cassidy et Damon.Et pourtant, moi, je suis à deux doigts de vomir devant toute cette mascarade.Je n'ai rien dit a mes parents mais j'imagine qu'ils vont tombé de haut les pauvres...Avec la santé fragile de maman, ils n'avaient pas besoin de ça !— Respire, murmure Maxime. Dans une heure, tout sera terminé.Je lève les yeux vers lui.Il est beau.Trop calme.Trop propre pour l’homme que je sais capable de faire tomber un empire à mains nues.— Tu crois vraiment qu’il va tenter quelque chose aujourd’hui ?— Il va le faire. Parce qu’il pense qu’il a gagné. Et c’est exactement