6. Je ne suis pas une salope

KILLIAN THORNE

« Qu’est-ce que tu as dit ? » demandai-je, persuadé de ne pas avoir bien entendu.

Elle répéta : « Je suis enceinte, et tu es le père. »

Pendant quelques secondes, le temps sembla suspendu. Quand j’ouvris la bouche, un rire sec m’échappa.

« Enceinte ? Et tu penses que je suis le père ? » raillai-je. « Tu te fous de moi ? »

« Je dis la vérité. Je suis enceinte de vingt et un jours — c’est de toi que je suis tombée enceinte ce soir-là », répondit-elle, lui rappelant la nuit.

C’était l’une des nuits les plus marquantes de ma vie… et pourtant aussi humiliantes : je ne me réveille jamais pour constater que la femme avec qui j’ai passé la nuit est partie. D’habitude, c’est moi qui prends la fuite, mais cette fois-ci je me suis levé dans un lit vide et mon ego en a pris un coup.

Pourquoi était-elle partie ? Le sexe était-il si mauvais ? Je me posais mille questions. J’avais couché avec beaucoup de femmes, mais avec elle c’était différent.  Tout en elle était si différent et si bon. La sensation que j'éprouvais lorsqu'elle était dans mes bras pendant l'acte était différente, incroyable, sensationnelle et passionnée.

Tout semblait bien cette nuit-là, comme si rien ne pouvait jamais mal se passer et je savais qu'elle avait passé un bon moment aussi. La façon dont elle réagissait à mon contact m’avait laissé penser qu’elle avait apprécié la nuit autant que moi. Alors pourquoi partir si tôt ?

Et tandis que j’essayais d’oublier ces pensées, la voir maintenant m’arracha à l’oubli. Comme si l’univers se moquait de moi : son visage m’était déjà familier, alors que cela ne faisait pas quarante-huit heures.

Les images de cette nuit remontèrent comme un film : ses gémissements, sa chaleur contre moi. Je sentais mon sexe s'enflammer à la pensée d'elle. Elle m’évitait clairement, et ça m’énervait. Elle se souvenait, je le savais — et l’idée qu’elle n’ait pas apprécié la nuit me mettait en rage, parce que je n’arrivais pas à la chasser de mon esprit.

Je n’ai jamais été du genre à m’attacher. Je passe une nuit, puis j’avance. Je n’ai jamais couché deux fois avec une même femme ; je ne veux pas qu’elles s’attachent à moi, je n’ai rien à leur offrir. Alors travailler à ses côtés, la voir m’éviter… non, ce n’était pas possible. J'allais lui faire payer mon ego blessé, et c'est pour ça que je l'ai virée.

Pourtant, même après l’avoir mise dehors, je n’ai pas réussi à l’oublier : ses images revenaient la nuit. Chaque matin, je me réveillais avec une érection.

« Tu dis vingt et un jours ? Donc tu as peut-être couché avec d’autres hommes entre-temps. Pourquoi m’accuser, alors ? » demandai-je, sur la défensive.

Elle ricana, blessée. « Je ne sais pas de quoi tu parles. »

« Tu sais très bien où je traîne. Ce n’est pas parce que nous avons couché ensemble que je dois être le père. J’ai vu des femmes comme toi : je ne tomberai pas dans ton piège », répliquai-je d’un ton dur.

« Des femmes comme moi ? Tu crois vraiment que je t’accuserais sans raison ? » protesta-t-elle.

« Et pourquoi pas ? » répondis-je, haussant un sourcil. « Peut-être que c’est pour te venger parce que je t’ai virée. Si tu crois pouvoir me manipuler, détrompe-toi. Je ne plaisante pas avec ça — la prochaine fois, j’appelle la police. »

« On a couché ensemble une fois ne signifie pas automatiquement que tu vas tomber enceinte, alors va voir les autres hommes avec qui tu as couché et raconte-leur, ou… » Ma phrase s'interrompit en la regardant d'un œil scrutateur. « Tu leur as dit et ils refusent aussi d'accepter ? »

Elle baissa les yeux ; ses joues se teintèrent de rouge, des larmes lui vinrent aux yeux.

« Je ne suis pas une salope. » murmura-t-elle.

« Je n'ai jamais dit ce mot, mais tu l'as dit toi-même », rétorquai-je. « Tu m'as choisie parce que je suis riche, n'est-ce pas ? Je connais des femmes comme toi et ce sont elles qui me dégoûtent le plus.»

« Je n’ai aucune raison de m’attribuer une responsabilité qui n’est pas la mienne », dis-je  « Je ne suis pas le genre d’homme à mentir sur une chose pareille. Je suis Killian Thorne, mais celui qui t'a conseillé de venir me mentir est stupide, car je ne suis pas assez crédule pour te croire. »

« Je n'ai jamais eu d'aventure d'un soir. » Une larme coula sur sa joue et elle l'essuya rapidement.

« Je n'ai aucune raison de vouloir te confier une responsabilité qui n'est pas la tienne, je ne suis pas ce genre de personne, d'accord. » Sa façon de parler semblait blessée et je me suis senti un peu mal de l'entendre parler ainsi.

« Tu es la seule avec qui j'ai couché, et personne d'autre. Peu m'importe que tu veuilles faire partie de la vie de l'enfant ou non, et je ne suis pas du genre à accuser quelqu'un à tort. Je suis venue vous informer, car je l'ai appris il y a une semaine et ça m'a fait peur. Je n'aurais jamais cru tomber enceinte, car je me croyais peut-être stérile, mais je sais maintenant que ce n'est pas le cas et je voulais que vous le sachiez, car c'était la bonne décision à prendre. » se lamenta-t-elle.