Le soleil n’avait pas encore atteint son zénith quand deux gardes frappèrent violemment à ma porte.
— L’Alpha t’attend, dit l’un d’eux d’une voix sèche.Mon ventre se serra aussitôt. Depuis les murmures de mort entendus dans la nuit, je vivais dans un état d’alerte permanent. Chaque pas, chaque ombre, chaque souffle de vent me paraissait porteur de menace. Mira voulut protester, ses lèvres s’ouvrant déjà sur une supplique, mais je lui lançai un regard suppliant.— Reste ici. Je reviendrai, murmurai-je.Elle me serra la main une dernière fois, ses doigts crispés autour des miens, ses yeux brillants d’inquiétude. Puis les gardes me séparèrent d’elle, et je fus poussée dehors.Le chemin jusqu’à la clairière me sembla interminable. Chaque pas m’enfonçait un peu plus dans l’étau invisible des regards. Lorsque nous atteignîmes enfin le centre du village, je vis que la meute entière s’était déjà rassemblée. Le cercle était serré, compact, leursDepuis la nuit du cercle des anciens, mes gardes ne me quittaient plus. Leurs silhouettes, toujours présentes, étaient devenues les barreaux invisibles de ma prison. Ils veillaient à chaque pas, chaque souffle, chaque regard que je posais sur Mira. Et plus leurs yeux me fixaient, plus la peur me rongeait. Parce qu’au fond, je savais : tôt ou tard, quelqu’un découvrirait que la lumière dans mes paumes n’était pas seulement faite pour guérir. Mais ce soir-là, la chance — ou peut-être la Lune — m’offrit une brèche. Les gardes, croyant que je dormais, avaient quitté mon seuil pour rejoindre un feu plus loin. Mira, rapide comme une ombre, s’engouffra dans ma cabane. Ses yeux brûlaient d’impatience. — Viens, souffla-t-elle. Avant qu’ils ne reviennent. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Nous avons couru à travers le village endormi, fendant l’air glacé, jusqu’à la clairière dissimulée derrière le vieux chêne creux. Là, l’air sentait la mousse humide et la résine. La lune, haute et pleine,
La marche jusqu’à ma cabane se fit dans un silence pesant, seulement troublé par le craquement des torches dans la nuit et le bruit régulier des pas de mes gardes. Je ne voyais pas vraiment où je mettais les pieds ; tout ce qui m’habitait, c’était encore le poids du regard de Caius, ce timbre grave résonnant dans ma tête : « Tu n’as plus le droit de me mentir. » Quand la porte se referma derrière moi, Mira bondit aussitôt, ses yeux agrandis par l’angoisse. — Lyra ! Est-ce qu’il t’a touchée ? Est-ce qu’il t’a fait du mal ? Je voulus répondre mais ma gorge se serra. Mes jambes cédèrent et je m’effondrai sur la paillasse. Les larmes, que j’avais contenues devant Caius, jaillirent enfin. Mira s’agenouilla et prit mes mains brûlantes entre les siennes. — Raconte-moi, souffla-t-elle, sa voix vibrante d’une rage contenue. — Il sait… dis-je d’un souffle brisé. Il a vu la lumière. Pas la guérison… l’autre. La brûlure. Mira se figea, ses yeux s’écarquillant. — Par la Lune… Et alors ? Qu’
La nuit s’était posée sur Silverpine comme un manteau étouffant quand les gardes frappèrent à ma porte. Leur ton ne souffrait aucune discussion.— L’Alpha veut te voir.Je n’eus pas le choix. Mes jambes tremblaient tandis qu’ils me conduisaient à travers le village endormi, jusqu’à une cabane isolée où Caius tenait ses conseils. Une torche brûlait à l’entrée, projetant sur les murs des ombres inquiétantes.On me poussa à l’intérieur. La porte claqua derrière moi.Caius était là, seul. Assis, les bras posés sur ses cuisses, son regard noir m’attendait. La pièce était silencieuse, si silencieuse que j’entendais mon propre cœur cogner dans ma poitrine.— Approche, dit-il d’une voix basse.Chaque pas résonnait comme une condamnation. J’aurais voulu fuir, mais ses yeux m’attiraient et me piégeaient tout à la fois.— Les trois guerriers blessés, reprit-il sans me lâcher du regard… Ils ont dit que leurs cicatrices venaient d’un ennemi. Mais je connais la morsure des crocs. Ce que j’ai vu sur
Le bruissement des buissons enfla, d’abord comme un frottement de feuilles, puis comme un ventre de forêt qui gronde. Les voix, basses, se rapprochaient. Mira me tirait déjà par le bras, mais mes jambes, lourdes et creuses, refusaient d’obéir. Mon cœur cognait si fort qu’il couvrait presque le bruit de leurs pas. — Je l’ai vue, je te dis, chuchota une voix rauque. La lumière. — Alors ce soir, on met fin à cette mascarade, répondit l’autre, plus grave. Trois silhouettes surgirent du rideau d’ombre, découpées à la lune. Je reconnus leurs allures, leurs cuirasses assombries par la résine, les bandages serrés aux poignets : des guerriers de Silverpine. Des nôtres. Leurs pupilles brillaient, fendues de reflets pâles sous l’éclat de la lune. Leur odeur, un mélange de sueur, de cuir mouillé, et de furie me frappa à la gorge. — Voilà la sorcière, grogna le premier, un large balafré dont le profil se brisait en arête sur la pommette. Il
L’aube filtra entre les pins, grise et glaciale, comme une lame émoussée. J’avais à peine fermé l’œil. Chaque fois que je sombrais dans la torpeur, je revoyais la lumière jaillir de mes mains, non pas pour apaiser, mais pour frapper. Le cri des guerriers se mêlait à ma respiration. L’odeur de brûlé me collait à la peau. Je m’étais roulée en boule sur la paillasse, incapable de calmer les tremblements de mes membres. Mira, blottie contre le mur, veillait toujours. Elle répétait comme un mantra que personne ne nous avait suivies, que les trois lâches n’oseraient jamais parler. Mais ses mots ne suffisaient pas à étouffer cette vérité : tôt ou tard, Caius saurait. Et il sut. À la mi-journée, le roulement sourd des tambours brisa le silence du campement. Chaque battement résonnait dans ma poitrine comme un verdict. La meute entière fut convoquée dans la clairière des Ancêtres. Je savais pourquoi. Quand j’arrivai, escortée par me
La nuit enveloppait Silverpine, dense et glacée, lorsque Mira glissa de nouveau dans ma cabane. Les gardes, affalés contre les murs, respiraient lourdement, bercés par leur certitude que je n’étais qu’une prisonnière épuisée, incapable du moindre sursaut. Ils ignoraient que mes yeux fixaient le plafond depuis des heures, trop brûlants pour se fermer, trop habités par l’écho des épreuves du jour.— Viens, murmura Mira d’une voix à peine audible. J’ai trouvé un endroit.Je me redressai d’un bond, mon cœur cognant aussitôt dans ma poitrine. Ses mots se frayèrent un chemin entre mes hésitations. Après la confrontation avec Caius, j’avais douté. Ses paroles résonnaient encore dans ma mémoire : « Rien ne m’échappe. » Alors qu’il voie. Qu’il sente. Cette fois, ce serait à mes conditions.Nous traversâmes le village à pas de loup. Le sol humide s’enfonçait sous nos pas, l’air piquait mes joues. Chaque ombre s