Aeris
La nuit étend son manteau d’ombre sur le château, enveloppant les couloirs de silence. Seuls les crépitements d’une chandelle vacillante viennent briser cette quiétude oppressante.
Je suis assise au bord du lit, mes doigts crispés sur le tissu sombre de ma robe. L’air est lourd, chargé d’une tension que je ne comprends pas entièrement. Mon esprit est en désordre, perdu entre ce que je ressens et ce que je refuse d’admettre.
Je devrais me réjouir d’avoir un moment de solitude. Pourtant, mon cœur bat trop fort, comme si j’attendais quelque chose… ou quelqu’un.
Un bruit léger dans le couloir me fait sursauter. Mon souffle se suspend, mon corps se fige. L’instant d’après, la porte s’ouvre dans un silence troublant.
Damián.
Il entre avec la lenteur d’un prédateur, refermant la porte derrière lui sans jamais me quitter des yeux. Son regard est sombre, insondable, et pourtant… il brûle.
— Tu es seule, murmure-t-il, sa voix grave résonnant dans l’intimité de la pièce.
Je me redresse légèrement, luttant contre l’effet paralysant de sa présence.
— Pas pour longtemps, si vous partez.
Mon ton se veut acerbe, mais il ne fait que masquer le tumulte en moi.
Damián s’avance, un sourire imperceptible au coin des lèvres. Il est toujours ainsi : insaisissable, maître du jeu.
— Ai-je déjà précisé à quel point j’apprécie ton insolence ?
Il s’arrête juste devant moi, si proche que je peux sentir l’aura glaciale qui l’entoure. L’odeur entêtante du sang et du bois brûlé s’accroche à ses vêtements, un parfum sombre qui m’attire autant qu’il m’effraie.
Je lève les yeux vers lui, défiant son regard sans vraiment en avoir la force.
— Pourquoi êtes-vous là ?
Sa main se tend lentement, ses doigts effleurant une mèche de mes cheveux avant de la faire glisser entre ses doigts.
— Parce que tu te mens à toi-même, Aeris.
Ma gorge se serre.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.
Son regard s’assombrit. Il s’abaisse légèrement, sa main toujours dans mes cheveux, et ses lèvres s’approchent dangereusement de mon oreille.
— Oh, mais si…
Un frisson me parcourt l’échine, bien malgré moi.
— Vous vous trompez.
Damián se redresse, observant mon visage avec une intensité troublante.
— Vraiment ?
Il lève la main, cette fois pour effleurer ma joue. Le contact est léger, à peine perceptible, mais il déclenche une vague incontrôlable en moi.
— Ne me touchez pas.
Ma voix tremble, et je déteste qu’il l’entende.
— Pourquoi ? Parce que tu as peur de moi… ou de ce que tu ressens ?
Je recule instinctivement, mais mon dos rencontre le mur froid. Prisonnière.
Damián avance d’un pas, réduisant à néant la distance entre nous. Son regard descend lentement jusqu’à mes lèvres, et mon souffle devient erratique.
— Dis-le, Aeris. Dis-moi de partir, et je partirai.
Un instant, un seul, je songe à le faire. À lui dire de s’éloigner, de me laisser tranquille. Mais les mots meurent sur ma langue.
Il le voit. Il le sait.
Sa main glisse lentement jusqu’à ma nuque, un geste aussi possessif que délicat. Son pouce effleure ma peau, déclenchant un frisson que je ne peux contrôler.
Et puis, il franchit la dernière barrière.
Ses lèvres effleurent les miennes, un contact à peine perceptible, comme une promesse qui ne demande qu’à être brisée.
Le temps semble suspendu.
Je pourrais le repousser. Je devrais le repousser.
Mais je ne bouge pas.
Damián attend, comme s’il me laissait une chance de fuir. Mais je n’en prends aucune.
Alors, il approfondit le baiser.
Ce n’est pas brutal, ni précipité. C’est une domination lente, un feu qui se propage insidieusement. Ses lèvres se pressent contre les miennes avec une douceur troublante, presque un défi à la cruauté qu’il représente.
Et moi ? Je me perds.
Ma main se serre contre le tissu de sa chemise, comme si j’avais besoin d’un ancrage. Mais ce n’est pas un appui que je cherche… c’est lui.
Le baiser devient plus intense, plus exigeant. Ses doigts se resserrent sur ma nuque, sa langue effleure la mienne, et un gémissement m’échappe malgré moi.
Il recule brusquement.
L’air froid s’engouffre entre nous, et je reprends mon souffle, le cœur battant à une vitesse folle.
Damián me fixe, son regard brûlant d’une lueur indéchiffrable.
— Cette nuit ne fait que commencer, murmure-t-il.
Puis il s’éloigne, me laissant seule avec la vérité.
Je suis piégée.
Non pas par des chaînes.
Mais par lui.
Le silence est assourdissant après son départ. Mon cœur cogne violemment dans ma poitrine, comme s’il tentait de briser les murs invisibles qui m’emprisonnent. Je passe mes doigts sur mes lèvres, encore brûlantes du baiser échangé. Une folie. Une erreur.
Je me lève brusquement, cherchant à reprendre le contrôle de mon esprit. Mon corps, lui, est encore sous l’emprise de ce moment interdit. Je dois me ressaisir. Ce n’est qu’un jeu pour lui. Un moyen de m’éprouver, de tester mes limites.
Mais alors pourquoi tremble-je encore ?
Les heures s’étirent, interminables. Je n’arrive pas à dormir, hantée par l’image de Damián, par la sensation de sa peau froide contre la mienne, par cette fièvre étrange qui s’est emparée de moi.
Quand enfin l’aube pointe, je suis déjà debout, observant la lumière dorée se faufiler à travers les lourds rideaux de la chambre. Une journée nouvelle, une nouvelle bataille à mener contre mes propres pensées.
Un bruit au-dehors attire mon attention. Des voix basses, une agitation inhabituelle dans la cour. Intriguée, j’enfile une cape sombre et quitte ma chambre discrètement.
Les couloirs du château sont vides à cette heure, mais une tension flotte dans l’air. En descendant les marches de pierre menant à l’entrée principale, je distingue plusieurs cavaliers sur des montures sombres, leurs visages masqués par l’ombre de leurs capuches.
Damián se tient au centre, imposant et impassible. Il échange quelques mots avec un homme que je ne connais pas, avant de croiser mon regard.
Un éclair traverse ses yeux, fugace, mais suffisant pour me glacer le sang.
Il s’approche lentement, ses pas résonnant sur les pavés.
— Tu es matinale.
Je me redresse, tâchant de masquer l’effet qu’il a encore sur moi.
— Qu’est-ce qui se passe ?
Il ne répond pas immédiatement. Son regard glisse sur moi, analysant chaque détail, comme s’il cherchait à déceler ce que je ressens encore après la veille.
— Une affaire à régler, répond-il finalement. Rien qui ne te concerne.
Je fronce les sourcils.
— Alors pourquoi ce remue-ménage ?
Un sourire énigmatique effleure ses lèvres.
— Curieuse ?
Je croise les bras, refusant de me laisser déstabiliser.
— Vous m’empêchez de quitter ce château, vous m’imposez votre présence… Il est normal que je veuille comprendre ce qui se passe sous mon propre toit.
Son sourire s’élargit légèrement, amusé.
— Ton propre toit ?
Un frisson me parcourt. Je me suis piégée toute seule.
Damián fait un pas de plus, réduisant la distance entre nous. Il est trop proche. Encore.
— Tu es nerveuse, murmure-t-il.
— Je ne le suis pas.
Mensonge.
Il incline la tête, ses yeux sombres me transperçant.
— Très bien. Alors accompagne-moi.
Je tressaille.
— Où ?
— Puisque cela te concerne tant, viens voir de tes propres yeux.
Il tend la main vers moi. Un geste d’invitation, mais aussi un avertissement silencieux.
Je devrais refuser. Je devrais tourner les talons et regagner ma chambre. Mais une force inexplicable me pousse à accepter.
Je glisse ma main dans la sienne.
Sa poigne est froide, implacable. Un frisson remonte le long de mon bras, mais
je n’ai pas le temps d’y réfléchir davantage.
Damián m’entraîne avec lui, et je sais, au plus profond de moi, que je franchis une frontière invisible dont je ne pourrai plus revenir.
AerisLes jours passent, mais une nouvelle lumière semble envahir ma vie. Damián et moi, nous avons traversé tant de turbulences, tant de doutes, que l'idée d'une paix durable semblait presque inatteignable. Pourtant, il est là, à mes côtés, et pour la première fois depuis longtemps, je ressens la chaleur d’un amour qui ne me fait pas peur. Un amour sincère, débarrassé de manipulations, de mensonges et de trahisons. Un amour que nous avons construit patiemment, dans l’ombre de notre passé, mais avec la volonté de ne jamais retourner à ce qui nous a brisés.Je me tiens face à lui, les yeux emplis d'émotion, en voyant l'homme qu'il est devenu. Il n'est plus le seigneur cruel qui a décidé de ma destinée, ni celui qui a cru que la manipulation était le seul moyen de m'approcher. Il est simplement Damián, l’homme qui m’a montré que même les âmes perdues peuvent se retrouver.Je me rappelle de ces moments où je croyais que l’amour ne pouvait exister entre nous, où je croyais que nous n’étio
AerisJe me suis longtemps demandé si l’amour pouvait réellement être une force assez puissante pour briser les chaînes de la douleur, pour effacer les cicatrices du passé. Mais chaque jour qui passe à ses côtés, je réalise que la réponse n'est pas aussi simple. Damián est une contradiction. Il est l'homme qui m'a donné des promesses d'éternité, mais qui a aussi brisé tout ce que j'avais cru connaître du monde. Son amour est aussi intense que ses secrets, aussi profond que ses mensonges.Nous sommes là, dans l’obscurité d’une chambre qui respire encore la tension de nos derniers échanges. La lumière tamisée filtre à peine à travers les rideaux, et je suis perdue dans l'abîme de mes pensées. Est-ce que je devrais lui donner une chance ? Peut-être qu'il a changé, peut-être qu'il est capable de m'aimer véritablement. Mais à chaque pensée qui effleure mon esprit, je me rappelle de tout ce qu'il a fait. Je me rappelle des mensonges, de la manipulation, de cette sensation de me retrouver to
DamiánLe silence entre nous est lourd, presque palpable. Je peux sentir sa respiration irrégulière contre mon épaule, un murmure d’émotions qui cherche à s’échapper, mais se heurte à l’indécision. Aeris, cette femme complexe et belle, me brise à chaque instant. Elle est une énigme que je n’ai jamais pu résoudre, et je commence à douter si je veux réellement en connaître la solution. Elle a le pouvoir de m’échapper, de faire vaciller tout ce que j’ai construit, et pourtant, je suis incapable de me détourner d’elle.Elle pleure, et c’est moi qui ai causé cette douleur. Pas par malice, mais par la nécessité de mes choix. J’ai manipulé les fils de sa vie pour que ses yeux restent fermés, pour qu’elle ne voie pas la réalité de ce que j’étais, de ce que j’ai dû devenir pour survivre dans ce monde où tout est jeu de pouvoir et de manipulation. Et maintenant, tout ce que je peux faire, c’est la tenir, l’apaiser, espérer que l’amour que j’ai pour elle soit suffisant pour guérir les blessures
AerisJe suis assise dans l’obscurité de ma chambre, seule avec mes pensées. La lumière tamisée des bougies dansantes ne parvient pas à apaiser l’angoisse qui me ronge. Les échos de la bataille contre mon ombre résonnent encore en moi, mais ce n’est pas cela qui me tourmente. C’est la conversation que j’ai eue avec Damián, quelques instants après la défaite de l’entité obscure.Il m’a dit des choses que je n’ai pas voulu entendre, des vérités qui me frappent de plein fouet, et je ne peux les ignorer. Des vérités sur lui. Sur nous. Des révélations sur ce qu’il a vécu, sur les sacrifices qu’il a faits et sur les choix qu’il a dû prendre pour arriver là où il est aujourd’hui.Je me suis sentie envahie par un tourbillon d’émotions contradictoires, et il a vu l’hésitation dans mon regard. Il a vu cette étincelle de doute que je croyais cachée. Comment ne pas être bouleversée par les révélations qu’il m’a faites sur son passé, sur ses actions, sur les vies qu’il a prises pour s’assurer sa p
AerisL’énergie dans l’air vibre autour de moi, une chaleur presque insupportable qui semble brûler chaque particule de ma peau. La lumière que j’ai invoquée dans mes mains pulse, elle aussi, comme un cœur battant. J’ai senti la puissance, cette magie ancienne et sauvage qui me traverse, se mêlant à l’essence même de mon être. Ce n’est pas seulement de la magie. C’est la manifestation de tout ce que je suis devenue, tout ce que j’ai vécu.Et pourtant, face à l’ombre de moi-même, je me sens vulnérable, comme une petite flamme fragile face à un océan de ténèbres. Mais je refuse de reculer. Je refuse de laisser cette version déformée de moi m’envahir, de laisser cette obscurité détruire ce que j’ai construit avec Damián.Le sourire de la créature se tord, se fait plus menaçant. "Tu penses vraiment pouvoir m’échapper ? T’es-tu jamais demandé pourquoi tes ténèbres te suivent ? Pourquoi elles semblent toujours être un pas devant toi, comme une ombre qui ne se dissipe jamais ?" Sa voix, d’ab
AerisLa lumière vacille autour de nous, à peine suffisante pour dévoiler les contours du monde qui s’étend devant nos yeux. Les ténèbres ont été repoussées, mais l’air reste lourd, saturé de cette aura magique étrange. Le sol, autrefois solide et sûr, se transforme sous nos pieds en un terrain instable, fissuré, comme si le monde lui-même tentait de se rebeller contre notre victoire.Je me relève lentement, mes jambes encore tremblantes sous le poids de ce que nous venons de traverser. Le souffle m’arrache la gorge, une douleur sourde au creux de l’estomac. Ce n’est pas seulement la magie qui m’a épuisée. C’est cette bataille, cette guerre contre des ombres que nous pensions pouvoir contrôler. Nous avons gagné, oui, mais à quel prix ?Damián se tient à mes côtés, son regard sombre perdu dans l’horizon brisé. Il semble si distant, comme si la lutte de ce soir avait ouvert une brèche dans son âme. Pourtant, il ne dit rien, comme toujours, préférant le silence à tout autre moyen d’expre