TANIA— Comment… comment as-tu pu ?Ma voix se brise. Mes jambes vacillent, mes mains tremblent. Chaque fibre de mon corps hurle, incapable de se tenir droite. Devant moi, la scène est un cauchemar éveillé : Lucas, mon Lucas, étendu sur le lit avec elle. Ses lèvres encore rougies par les baisers, ses mains encore posées sur son corps.Je suffoque. Mon souffle s’emballe, irrégulier, brûlant. Les larmes coulent, chaudes, brulantes, comme si elles voulaient laver ma honte et mon incrédulité. Chaque goutte est un coup de couteau que je me donne moi-même.— Dis-moi que ce n’est pas vrai, dis-moi que ce n’est pas…LUCASJe me redresse lentement, sans hâte, laissant chaque geste peser. Mes yeux plongent dans les siens, glacials, implacables. Pas de détour, pas de tendresse. Pas un mot d’excuse. Le moment est là, parfait, cruel.— C’est vrai.Ses yeux s’écarquillent, son souffle se coupe. Les sanglots redoublent. Je la regarde chanceler sous le poids de mes mots, et je continue :— Je ne t’ai
LUCASLa porte de la 408 est restée entrouverte. Pas par hasard. Je l’ai laissée ainsi, volontairement. Une fissure dans le silence, une invitation muette. Si quelqu’un doit entrer, si quelqu’un doit voir, il faut que ce soit elle. Le piège est prêt, il n’attend plus que son spectateur.Alix ne le sait pas. Elle avance dans la chambre comme on franchit une frontière interdite, à petits pas, incertaine. Ses yeux se posent sur moi, brillants d’un trouble qu’elle tente de masquer. Elle hésite, suspendue entre la raison et le vertige. Ses doigts agrippent ma chemise, se crispent un instant, puis se relâchent comme si elle venait de se pardonner son propre abandon.Je ne l’arrête pas. Au contraire, ma main se pose doucement sur sa hanche, et ce contact suffit à la faire céder. Elle revient vers moi, ses lèvres retrouvent les miennes, plus pressantes cette fois, comme si elle craignait que je lui échappe.Son parfum m’enveloppe. Sa chaleur me traverse. Ses bras m’entourent, ses mains parcou
LUCASLa porte de la suite 408 reste entrouverte, mais la lumière du couloir ne m’atteint plus. C’est comme si elle s’était arrêtée au seuil, tenue à distance par la bulle que nous venons de créer. Ici, il n’y a plus qu’elle et moi.Alix est toujours là, collée contre moi, son souffle mêlé au mien. Sa main demeure sur ma nuque, ses doigts jouant avec mes cheveux comme une musique discrète. Ses yeux brillent d’un éclat que je n’ai pas l’habitude de voir chez elle : moins de calcul, plus de trouble.Je pose mon front contre le sien. Je sens sa chaleur rayonner, une fièvre douce. Ses lèvres effleurent les miennes à nouveau, mais cette fois sans empressement, juste pour goûter l’instant. Elle dépose un baiser, puis un autre, plus long. Je l’accueille.Sa main glisse lentement de ma nuque vers ma gorge, puis descend sur ma poitrine. Le tissu de ma chemise amortit son contact, mais je le sens malgré tout. Ses doigts s’attardent, tracent des lignes invisibles, comme si elle voulait mémoriser
LUCASLa porte de la suite 408 reste entrouverte. Un mince filet de lumière découpe la moquette du couloir, comme une lame fragile. J’ai choisi cette chambre au bout du palier pour une raison simple : le silence. L’endroit parfait pour que les pensées puissent crier sans témoins.Alix entre sans bruit. Ses pas sont mesurés, calculés, comme tout chez elle. Sa robe souligne ses formes mais ne les impose pas. Elle sourit ce sourire conventionnel, poli, presque administratif mais ses yeux contiennent une autre promesse. Elle dépose son sac sur un fauteuil, geste de routine, puis se tourne vers moi.— Belle chambre, dit-elle d’une voix égale.— Elle est au bout du couloir, répondis-je. Personne ne nous dérangera.Elle esquisse un rire bref, puis vient vers moi. Sa démarche n’a rien de pressé. Elle sait que chaque seconde qu’elle prend est une seconde que je passe à l’observer. Ses doigts glissent un instant sur la table, comme si elle cherchait un appui, puis elle s’arrête à un souffle de
LUCASJe regarde l’heure sur ma montre. 21h12. Bientôt.Le message est parti depuis longtemps. Trois phrases, simples, sèches, précises : 22h. Hôtel Montclair. Chambre 408. Pas besoin d’autre chose. Trois phrases qui sont devenues une chaîne autour de son cou. Elle a dû bondir, sourire comme une enfant, le cœur affolé. J’imagine ses doigts tremblants caressant l’écran, ses lèvres s’étirant dans ce sourire idiot qu’elle croit secret. Je connais déjà la scène. Je sais comment elle se prépare : fébrile, exaltée, persuadée de se donner à l’homme de sa vie.Et ce soir… ce soir, cette illusion, je vais la pulvériser.Quatre mois. Quatre mois de patience, d’ombre, de calcul. J’ai façonné Tania comme on modèle une argile docile. Je l’ai laissée croire que ses gestes, ses choix, son désir naissaient d’elle. Quelle absurdité. Chaque soupir qu’elle a poussé, c’est moi qui l’ai arraché. Chaque tremblement de ses cuisses, c’est moi qui l’ai orchestré.Je revois nos premières rencontres. Sa méfianc
TANIALe téléphone vibre doucement sur ma table de chevet, un son à peine perceptible dans le silence de la chambre. Mais pour moi, c’est une déflagration. Je tends la main, mes doigts fébriles glissant sur l’écran. Quand mes yeux lisent les mots, mon cœur s’arrête une fraction de seconde.« 22h. Hôtel Montclair. Chambre 408. »Je reste immobile, le souffle coupé, comme si tout mon corps avait besoin d’un temps pour comprendre. Puis une chaleur, brutale, dévorante, monte de ma poitrine à mon visage. Je souris, incapable de me contenir, un sourire qui appartient à une femme qui sait qu’elle est désirée.Lucas.Je relis le message une fois, deux fois, trois fois. Chaque chiffre est une promesse. Chaque lettre, un ordre que je ne pourrais ignorer. Ce soir, il m’appelle. Ce soir, il me veut. Et moi… moi je brûle déjà.Je me lève d’un bond, le parquet froid sous mes pieds nus me ramenant à la réalité. Dans le miroir, je croise mon reflet : joues rouges, yeux brillants, lèvres entrouvertes.