Les lustres de cristal jetaient des éclats glacés sur les visages maquillés de la haute société. La salle résonnait d’un tumulte feutré : éclats de rires polis, cliquetis de coupes, murmures intéressés. Camille avait tout orchestré à la perfection.Et Élina, perchée sur ses talons, dans une robe noire fendue jusqu’à la cuisse, avançait comme une funambule sur un fil tendu au-dessus du vide.Alexander était là, à quelques pas, costume impeccable, regard de marbre. Depuis leur confrontation, un silence abyssal les séparait. Rien n’avait été dit depuis, mais tout se jouait maintenant.Camille, elle, flottait d’invité en invité, charme incarné, venin masqué. Jusqu’à ce que la musique s’interrompe subtilement, remplacée par un tintement de verre contre cristal.— Mes chers amis… déclara-t-elle depuis le centre de la salle, sourire aux lèvres, flûte à la main. J’ai pensé qu’un peu de vérité, dans ce monde de faux-semblants, serait… rafraîchissante.Un murmure s’éleva. Les regards convergère
La porte claqua derrière elle, mais Élina ne sursauta pas.Elle s’était attendue à ce qu’il vienne. Il n’aurait pas pu rester silencieux après avoir entendu cette phrase. "S’il faut le trahir pour gagner, je le ferai."Elle n’avait pas vu les micros, bien sûr. Mais elle avait senti sa présence. Comme un fauve blessé qui rôde dans l’ombre, prêt à bondir.Elle était dos à lui, dans sa robe de soie sombre, les épaules nues, les cheveux défaits. Son reflet dans la baie vitrée ne tremblait pas. Elle non plus.— Tu t’es bien amusée ? lança Alexander, la voix tranchante, dangereusement calme.Élina tourna la tête, lentement. Le regard qu’elle posa sur lui n’était plus celui d’une victime.— Tu m’espionnes dans ma propre chambre. C’est ça, ta façon d’aimer ?Il rit, froidement.— Ne joue pas l’offensée. Tu mènes une guerre contre moi en glissant des promesses à mes ennemis. Ne viens pas pleurer quand je vérifie sur quel front tu dors.Elle s’avança de quelques pas, sans détourner les yeux.—
Le carnet d’Élina s’étalait sur le lit, griffonné de noms, d’alliances, de trahisons. Des flèches reliaient Marcus à Camille, Damian à Alexander, Sophia à des souvenirs enfouis… et elle, Élina, trônait au milieu de cette toile.La proie était devenue tisseuse.Et cette fois, elle n’allait pas se contenter de survivre.Marcus fut le premier à mordre à l’hameçon.Il l’avait rejointe dans un restaurant discret, réservé par ses soins, éclairé à la bougie. Élina portait une robe noire, simple mais assassine. Elle savait comment jouer ce rôle désormais : séduire pour manipuler.— Tu veux que je trahisse Camille ? demanda Marcus en sirotant un whisky.— Non. Je veux que tu la serves... en me servant, répondit-elle. C’est une nuance subtile.Il la fixa, amusé.— Et qu’est-ce que j’y gagne ?Elle sourit, s’approchant lentement, ses doigts frôlant son poignet.— Le frisson du pouvoir. Et peut-être... moi.Il haussa un sourcil, intrigué. Il n’avait jamais vu une femme aussi calme, aussi dangereu
Le club privé se trouvait derrière une façade anonyme, dissimulée au cœur d’un immeuble haussmannien. Aucune enseigne. Aucun nom. Juste une porte de bois massif, gardée par deux hommes en noir qui ne souriaient jamais.Camille lui avait donné rendez-vous ici. “Un lieu où les décisions se prennent, Élina. Pas où elles se subissent.”Élina franchit le seuil, guidée par une hôtesse vêtue de noir. L’intérieur ressemblait à un ancien salon de diplomates : murs tapissés de velours sombre, candélabres en bronze, et au centre… elle, Camille, assise sur une méridienne en cuir bordeaux, comme une reine décadente.— Élina, souffla-t-elle en se levant. Tu ressembles de plus en plus à une Montalban sans le savoir.Élina ne répondit pas. Ses pas résonnaient sur le parquet. Elle gardait le visage fermé, le cœur en guerre.Camille lui tendit un verre de vin rouge.— Bois. Ce que je m’apprête à te proposer ne peut s’entendre le cœur sec.Élina prit le verre. Mais ne but pas.Camille s’approcha, si prè
La pluie battait contre les vitres de l’ancienne maison familiale. Une pluie fine, insistante, comme si le ciel lui-même voulait laver les souvenirs incrustés dans les murs.Élina était venue seule.Elle n’avait rien dit à Alexander. Ni à personne.Juste un besoin irrépressible de fouiller. De comprendre. De respirer loin de la suffocation ambiante.La maison appartenait à son grand-père. Fermée depuis sa mort. Abandonnée, figée dans une époque révolue. L’air y était froid, poussiéreux, chargé d’un parfum de cire et de secrets.Dans le bureau, elle ouvrit les tiroirs un à un. Des carnets, des lettres, des photos en noir et blanc. Et puis… un double fond.Ses doigts tremblèrent lorsqu’elle fit glisser la planche. Une enveloppe jaunie s’y trouvait, scellée par un cache de cire craquelé. Dessus, un mot manuscrit : “À Élina, quand le moment sera venu.”Son cœur rata un battement.Elle l’ouvrit, lentement, comme on entrouvre une porte qu’on n’est pas sûr de vouloir franchir.À l’intérieur,
La nuit avait recouvert la ville comme une seconde peau. Silencieuse, lourde, complice.Élina hésita un instant devant la porte d’Alexander. Sa main tremblait à peine. Pas de peur. De conscience. Une conscience aiguë de ce qu’elle s’apprêtait à franchir. Une limite. Un point de non-retour.Quand elle frappa, la porte s’ouvrit aussitôt.Il était là.Nu-pieds, chemise entrouverte, les manches relevées. Le regard fatigué mais félin. Comme s’il l’attendait depuis toujours.— Tu es venue, murmura-t-il.— J’aurais dû fuir.— Tu ne fuis pas, Élina. Tu choisis le feu.Un silence. Elle entra.La porte se referma doucement derrière elle. Le monde extérieur n’existait plus. Il n’y avait que ce huis clos tendu, palpitant, où tout n’était que désirs contrariés et vérités suspendues.Il ne lui demanda rien.Elle ne dit rien.Leurs corps parlèrent à leur place.Ses doigts glissèrent sur la nuque d’Alexander. Il répondit d’un souffle rauque. En une seconde, elle fut plaquée contre le mur, ses lèvres