Je hurle de terreur. Je ne suis retenue que par les bras. Mes jambes se balancent dans le vide. Ces léldriques de malheur et leurs pinces me font un mal de chien ! Je devrais m’estimer heureuse qu’ils ne se décident pas à me lâcher en plein vol, mais ma destination me pétrifie d’angoisse. L’Imposant. J’espère seulement que la Démone va tenir sa promesse. Qu’elle relâche Tessia, saine et sauve. Histoire que mon sacrifice ne soit pas vain. Je me doutais que tout ne se passerait pas comme prévu. J’ai essayé de prévenir les Surnaturels lorsque j’ai aperçu ses monstres ailés au loin. J’ai essayé de crier pour capter leur attention, seulement, Edden et Angie étaient bien trop occupés à se battre. Quant aux autres, ils vérifiaient la zone. Le problème, c’est qu’aucun n’a pensé à vérifier juste au-dessus de nos têtes. Qu’est-ce qui a pris à Edden et Angie de s’adonner à cette bagarre ridicule ? Je pensais que les Surnaturels étaient soudés, et non qu’il puisse y avoir de telles tensions au sei
—Mélodie, attends-moi !Des éclats de rire s’échappent de la bouche de ma meilleure amie et viennent se répercuter dans la salle de classe vide. Nous avons pu nous faufiler discrètement à l’intérieur du collège, sans qu’aucun surveillant ne nous voie. Ça n’a pas été facile. On se serait crus agents du FBI à la poursuite d’un dangereux criminel. À chaque bruit suspect, Mélodie et moi nous planquions derrière n’importe quoi susceptible de nous cacher. Et à chaque fois, je ne pouvais m’empêcher de rire. Mélodie était la seule de nous deux à prendre notre mission très à cœur. Elle mettait une main sur ma bouche quand elle voyait que j’étais au bord de la crise de rire, puis elle vérifiait que la voie était libre. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvées là, dans la classe de notre professeur de français. C’est notre première heure de cours le lundi matin. D’habitude, nous ne pouvons nous rendre au collège qu’à partir de huit heures trente. Avant cet horaire, le bâtiment est
—Je vous avais demandé de ne pas lui faire de mal, s’exclame une voix féminine.Je cherche des yeux le physique de cette voix, mais à part les trénones et moi, je ne discerne personne. Je plisse les yeux pour y voir plus clair. Cette pièce a beau être spacieuse, elle n’en est pas moins très sombre. Mais la luminosité se fait soudain plus vive. Un nébor vient de brancher l’un de ces fils à une prise située un peu plus loin. Je peux désormais discerner avec plus de précision ce qui se dresse en face de moi. C’est un immense rideau rouge, fait de velours. Il couvre la distance du sol jusqu’au plafond, et de part et d’autre des extrémités de la salle. Cette pièce me fait penser à une scène de théâtre. Un rond lumineux y est réfléchi. Un projecteur doit certainement se trouver au fond de la salle. Et derrière le rideau, je ne tarde pas à distinguer une forme humaine. La mise en scène est identique à celle des spectacles de danse que ma meilleure amie et moi adorions aller voir.
Je suis balancée dans ma cellule comme un vulgaire bout de chiffon. Les barreaux se referment derrière moi dans un fracas assourdissant, tandis que les nébors s’éloignent au loin. Mon nez se fronce de dégoût à l’odeur familière de pourriture qui règne à l’Isolement. Mes larmes coulent le long de mes joues. Je me recroqueville et enfouis ma tête entre mes genoux. Des sanglots étouffés se répercutent à travers la cellule. Mes pensées fusent à mille à l’heure, tout se bouscule. Les derniers souvenirs que j’ai de Roxana remontent alors à la surface. Comme la fois où nous nous étions poursuivies dans la classe avec nos doigts pleins de pâte à tartiner. Ou bien celle où l’on avait dansé comme des folles à ma soirée d’anniversaire. Ou encore, lorsqu’elle m’avait offert son cadeau au parc, juste avant que ma vie ne tourne au drame improbable. Je porte une main autour de mon cou et serre le collier entre mes doigts. Cette petite note de musique, une clé de sol, sertie de quelques pierres de sap
—Evalina !Cette voix... elle m’est étrangement familière. Si familière qu’elle me contraint à desserrer mon emprise. Ma victime peut à nouveau respirer. Ce n’est pas normal. Je ne devrais pas la laisser vivre. Je fronce les sourcils de frustration et reprends où j’en étais pour en finir, quand une seconde voix, plus grave, se fait entendre à travers le hall.—Ne fais pas ça !Ne fais pas quoi ? Je veux juste achever ma proie, mais quelque chose au fond de moi me pousse à abandonner. Je la repose au sol et elle s’écroule dans un bruit sourd. J’entends d’ici son sifflement irrégulier, signe qu’elle est toujours en vie. Pourquoi l’ai-je relâchée, alors que mon instinct m’intime de la tuer ? Mes yeux recommencent à me brûler. C’est alors que des bras m’enserrent la taille et me tirent en arrière. Je bute contre quelque chose de dur, mais de doux à la fois. Un corps. Quelqu’un me maintient dans ses bras pour m’empêcher d’atteindre mon but ultime. L’extase f
La mort peut être douce. Elle peut être brutale. Ou encore attendue. Elle peut décimer une personne en l’espace de quelques secondes. Elle atteint son entourage en faisant des ravages, bien pires que le cœur de la victime qui s’arrête. Elle peut amener à la dépression. Elle peut amener à la folie. Elle peut survenir après une maladie. La mort peut soulager. Elle peut horrifier. Elle peut être lente. Elle peut être rapide. Comme le corps, qui se tient juste sous mes yeux. Sans vie, et atrocement froid. Même l’odeur caractéristique de la mort semble avoir pris possession des lieux. Je continue à croire que ce n’est pas possible. Une vie ne peut pas s’arrêter comme ça. Zéphyr a été étranglé sous mes yeux. Mais Angie ? Il ne peut pas mourir ainsi. Il est plus fort que ça. Mes mains tiennent toujours sa tête froide, mon front collé au sien. Je ferme les yeux, essayant vainement de lui faire parvenir ma force. Je ne sais pas comment, mais j’essaie… Je sais que tu peux le faire, il te suffit
Je me précipite jusqu’à l’infirmerie. J’ignore les appels de Zéphyr et d’Angie qui tentent de m’en empêcher. Ils ont vraiment cru que je resterais là, les bras croisés, à assimiler la nouvelle sans rien faire ? Ce n’est pas mon genre. Je longe les couloirs du château et ne tarde pas à pousser la porte du dispensaire. Je jette un regard circulaire dans la salle et le trouve allongé dans un lit blanc, des machines reliées à son corps. Un corps qui m’a l’air amaigri. Il est visiblement toujours dans le coma. Je l’entends à peine respirer. Il est en train de mourir à petit feu... par ma faute. Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Dès l’instant où je me suis retrouvée dans cet Isolement de malheur, Isaac a été là pour moi. Il m’a pris ma peine. Il m’a rassurée. Il s’est confié à moi. Du moins... un peu. Je ne connais pas toute son histoire, mais ce dont je suis certaine, c’est qu’il a traversé des moments affreux et qu’il ne s’attendait sûrement pas à mourir ainsi. Que s’est-il passé dans ma tête
Je la regarde claquer la porte derrière elle, inébranlable. Et c’est à ce moment que je me souviens du petit objet présent dans ma poche. Sa montre. Je voulais la lui rendre et j’ai encore raté une occasion de le faire. Cette fille est arrivée à me faire oublier ce pour quoi je suis venu jusqu’ici. Elle est vraiment douée. D’habitude, rien ni personne ne parvient à me détourner de mon objectif. Mais avec elle, c’est différent. Elle arrive à faire ressortir ce que j’essaie d’enfouir au plus profond de moi. Avant, jamais je ne me serais emporté ainsi. Je fixe une fois de plus le trou dans le mur. Ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. J’ai bien cru que j’allais frapper Evalina pour sa naïveté. Elle s’expose à des risques dont elle n’a même pas idée. Elle aurait pu mourir. Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi aussi brusquement. Après tout, si elle meurt, c’est son problème. Mais la reine m’a chargé de veiller sur elle, et si je n’avais pas été là, elle serait morte. Bon sang. Je presse