Share

Chapitre 3

Author: Léo
last update Last Updated: 2025-02-18 08:20:13

Elle se détourna et sortit de la salle à pas précipités, son souffle court. Dans le couloir, elle s’appuya contre le mur froid, ferma les yeux et inspira profondément.

Elle entendit alors des pas rapides approcher.

— Sofia ?

Elle ouvrit les yeux pour voir une femme aux cheveux blonds relevés en un chignon soigné s’arrêter juste devant elle, l’inquiétude peinte sur son visage.

C’était Camille, son amie et collègue, une femme douce et perspicace qui la connaissait mieux que quiconque.

— Qu’est-ce qui se passe ? Tu es toute pâle, murmura Camille en posant une main sur son bras.

Sofia détourna le regard, cherchant ses mots.

— C’est… juste un souvenir qui est revenu, souffla-t-elle, la gorge nouée.

Camille fronça les sourcils, mais elle n’insista pas tout de suite.

— Viens, on va dans la salle des profs. Tu as besoin d’un moment.

Sofia hocha lentement la tête, sachant que, pour la première fois depuis des années, elle ne pourrait peut-être pas fuir ce passé qui la hantait.

Camille entraîna doucement Sofia vers la salle des professeurs, l’éloignant du couloir animé où les éclats de voix d’enfants résonnaient. En entrant dans la pièce paisible, Sofia laissa échapper un soupir tremblant et s’affala sur une chaise.

Camille la fixa un instant, puis alla préparer un café sans rien dire. Elle savait que Sofia parlerait quand elle serait prête.

Le silence entre elles n’était pas pesant, mais rempli de cette compréhension mutuelle qu’offrent les vraies amitiés. Sofia fixa ses mains jointes, se battant avec elle-même. Devait-elle en parler ?

Le bruit de la tasse déposée devant elle la tira de ses pensées.

— Bois, ordonna doucement Camille. Ça ne guérira pas tout, mais ça aidera un peu.

Sofia esquissa un faible sourire et prit une gorgée, sentant la chaleur du liquide la réconforter légèrement.

— C’est la date, murmura-t-elle finalement.

Camille fronça légèrement les sourcils.

— La date ?

— 17 février. Le jour où ma mère est morte.

Un silence s’installa. Camille savait que Sofia avait perdu sa mère il y a plusieurs années, mais elle n’avait jamais évoqué les circonstances.

— Je suis désolée, répondit-elle sincèrement.

Sofia secoua la tête.

— Ce n’est pas seulement ça. C’est la dernière chose qu’elle m’a dite… la dernière façon dont elle m’a regardée.

Elle serra la tasse entre ses doigts, comme pour s’accrocher à quelque chose de tangible.

Le silence était lourd dans la salle des professeurs. Sofia baissa la tête, ses doigts crispés autour de sa tasse de café. Elle sentait le regard de Camille sur elle, mais elle n’osait pas relever les yeux.

— Sofia… libère-toi s'il te plaît. Je ne voudrais pas les enfants te voient dans cet état.

Sofia ferma les paupières, comme si cela pouvait atténuer la douleur du souvenir. Son cœur battait violemment dans sa poitrine, sa gorge était serrée.

— Tu le sais déjà, pas vrai ?

Camille laissa échapper un soupir et s’installa en face d’elle.

— Je l’ai deviné, avoua-t-elle doucement. Pas tout de suite, mais avec le temps…

Sofia sentit un frisson lui parcourir l’échine. Pendant des années, elle avait tenté d’effacer cette nuit de sa mémoire, de la dissimuler sous des couches de travail, de responsabilités, et surtout sous l’amour inconditionnel qu’elle portait à ses enfants.

Mais Camille, avec son regard perçant et son cœur compatissant, avait vu au-delà du masque.

— Tu as vendu ton corps pour payer le traitement de ta mère, n’est-ce pas ?

Ces mots résonnèrent dans la pièce comme un coup de tonnerre.

Sofia sentit ses yeux s’embuer, mais elle ne pleura pas. Pas cette fois.

— Oui, souffla-t-elle.

Un silence s’installa entre elles. Un silence lourd de douleur, de regrets et de souvenirs qu’elle aurait voulu effacer.

Elle inspira profondément, sentant ses mains trembler.

— Ce soir-là… j’étais désespérée. Ma mère était à l’hôpital, et les médecins refusaient de continuer son traitement tant que je ne payais pas une partie des frais. Je n’avais plus de solution.

Elle se mordit la lèvre, luttant contre les larmes qui menaçaient de couler.

— Alors j’ai fait ce qu’il fallait.

Camille l’écoutait avec une attention silencieuse, son expression empreinte de douleur pour elle.

— Je me suis rendue dans un endroit où les hommes riches obtiennent tout ce qu’ils veulent… et j’ai accepté une offre.

Sofia passa une main tremblante sur son visage.

— J’ai passé la nuit avec un inconnu. Je ne me souviens même pas de son visage, juste de son parfum… de la sensation de tout abandonner en moi pour survivre.

Camille posa doucement sa main sur la sienne.

— Et c’est ce soir-là que tu es tombée enceinte…

Sofia hocha lentement la tête.

— Oui. J’ai eu Liam et son frère ce jour-là.

Un rire amer lui échappa.

— Je suis partie de cet hôtel avec l’argent nécessaire pour payer l’hôpital… et quelques semaines plus tard, j’ai découvert que j’étais enceinte.

Elle inspira profondément, essayant de contenir l’émotion qui menaçait de l’écraser.

— J’ai tout donné pour sauver ma mère. Mais au final, ça n’a pas suffi. Elle est morte quelques semaines après… et elle est partie en colère contre moi.

Camille serra un peu plus fort sa main, comme pour lui transmettre un peu de force.

— Pourquoi crois-tu qu’elle était en colère ? demanda-t-elle doucement.

Sofia laissa échapper un rire triste.

— Parce qu’elle savait.

Elle releva les yeux vers Camille, et une larme solitaire glissa sur sa joue.

— Elle savait ce que j’avais fait. Elle l’a deviné… et elle ne l’a jamais accepté.

Un silence pesant s’installa à nouveau. Camille la regarda longuement, puis elle se leva et contourna la table pour prendre Sofia dans ses bras.

Sofia resta raide un instant, puis elle s’effondra contre son amie, laissant les sanglots qu’elle retenait depuis trop longtemps éclater.

— Tu as fait ce que tu devais faire, murmura Camille en la serrant contre elle. Personne n’a le droit de te juger.

Sofia hoqueta doucement, cachant son visage contre son épaule.

— Mais je me juge moi-même, Camille…

— Alors arrête. Parce que grâce à cette nuit, tu as eu tes fils. Et tu es une mère incroyable.

Sofia trembla dans les bras de son amie, sentant une chaleur réconfortante l’envelopper.

Pendant toutes ces années, elle avait porté ce fardeau seule. Mais aujourd’hui, elle n’était plus seule.

Et peut-être… juste peut-être… qu’elle pourrait enfin apprendre à se pardonner.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Tu es notre papa    Chapitre 26

    Après le départ de leur père, Adrien quitta lentement la salle de réunion, le visage fermé, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon. Elias, qui n’avait pas dit un mot depuis la fin de l’échange avec leur père, le suivit d’un pas rapide, son regard brûlant d’incompréhension.Dès qu’ils furent dans le couloir, Elias accéléra, le cœur battant. Lorsqu’ils franchirent la porte du bureau d’Adrien, il referma la porte derrière eux avec une certaine violence, puis se précipita vers son frère, le saisissant fermement par les épaules.— Peux-tu me dire ce que tu es en train de fabriquer ? lança-t-il, la voix tremblante de colère.Adrien resta impassible. Il baissa les yeux vers les mains de son frère, les repoussa avec calme. Sans répondre, il contourna Elias, s’installa nonchalamment dans son fauteuil en cuir, puis ouvrit le tiroir de son bureau.Il en sortit une enveloppe épaisse qu’il jeta sans ménagement sur le bureau.— Voici, dit-il sèchement. Les documents sont là. Il y a tou

  • Tu es notre papa    Chapitre 25

    Ce soir-là, Adrien rentra plus tôt que d’habitude. Lorsqu’il franchit le seuil de la maison, il tomba nez à nez avec Clara, sur le point de sortir. Elle-même sembla surprise de le voir à cette heure-là.Avec un sourire teinté d'ironie, elle le dévisagea avant de faire un pas vers la porte.— Je savais que tu étais bizarre aujourd’hui, dit-elle en jetant un coup d’œil à sa montre. Il n’est même pas encore neuf heures, Adrien. Tu es sûr que tout va bien ?Adrien la fixa. Son regard n’avait rien à voir avec celui qu’il arborait habituellement. Il était chargé de quelque chose peut-être de honte, peut-être de culpabilité.— Oui, je vais bien. Tu sors ? demanda-t-il.— Ouais. Une fête avec mes ami6s ce soir.— D’accord, répondit-il en la dépassant sans un mot de plus.Clara resta un instant figée, les sourcils froncés, le suivant du regard tandis qu’il montait les escaliers. D’un geste machinal, elle repoussa une mèche de cheveux derrière son épaule avant de finalement quitter la maison.A

  • Tu es notre papa    Chapitre 24

    Camille observa Sofia avec attention. Son amie était crispée, son regard perdu dans le vide, et ses mains tremblaient légèrement. Elle n’était pas seulement en colère. Non, elle était bouleversée.— Sofia, où sont les garçons ? demanda Camille d’une voix douce, mais ferme.Sofia détourna le regard avant de répondre d’un ton sec :— Dans leur chambre.Camille haussa un sourcil.— Attends… Tu es fâchée contre eux ?Sofia serra la mâchoire et se redressa brusquement, croisant les bras comme pour se protéger.— Pourquoi je ne le serais pas ? J’ai le droit d’être en colère contre eux !Camille secoua la tête, abasourdie.— Mais Sofia… Ce ne sont que des enfants ! Ils n’ont que trois ans !— C’est justement ça le problème ! répliqua Sofia, la voix tremblante d’émotion. Ils n’ont que trois ans et pourtant, ils réfléchissent plus qu’un adulte ! Qui leur a donné la permission de partir comme ça ? De traverser la ville seuls ? Tu te rends compte des dangers qu’ils ont courus ?Camille s’approch

  • Tu es notre papa    Chapitre 23

    Sofia ne disait plus un mot. Son visage était fermé, son regard distant. Lorsqu’ils arrivèrent à la maison, elle enleva son manteau, se dirigea vers la cuisine et prépara le dîner en silence. Pas un seul regard vers ses fils, pas une parole échappée de ses lèvres. Elle était là, mais en même temps absente, enfermée dans sa déception et sa colère.Les jumeaux s’installèrent sagement à table, jetant de rapides coups d'œil vers leur mère qui s’activait devant les fourneaux. L’ambiance était lourde, pesante. Ils savaient qu’ils avaient franchi une limite, qu’ils avaient blessé Sofia, mais ils ne savaient pas comment arranger les choses.Quelques minutes plus tard, elle posa deux assiettes devant eux sans un mot. Le repas était servi, mais le silence pesait comme une chape de plomb. Habituellement, Sofia discutait avec eux, leur demandait comment s’était passée leur journée, racontait quelques anecdotes, plaisantait même parfois. Mais ce soir-là, rien. Juste le bruit des couverts cognant c

  • Tu es notre papa    Chapitre 22

    Elle inspira profondément, essayant de maintenir le contrôle. Quand elle parla à nouveau, sa voix était froide et tranchante, la dureté du moment l'enveloppant.Sofia fixa intensément ses enfants, son regard glacial plongeant dans le leur. Elle pouvait sentir la colère et la confusion bouillir en elle, mais une question persistait : quel père étaient-ils allés voir ? Leurs mensonges ne faisaient plus sens, et son instinct maternel la poussait à obtenir la vérité.Elle s’approcha d’eux, ses bras croisés sur sa poitrine, ses yeux brillant d’une colère qu’elle ne pouvait plus contenir.— Quel père êtes-vous allés voir ? demanda-t-elle d’une voix froide et autoritaire.Liam se mordit la lèvre inférieure, évitant le regard de sa mère. Noah, lui, ne pouvait plus supporter la pression. La vérité s’échappa de ses lèvres, brisée par la honte et la peur de la réaction de sa mère.— Adrien Lancaster, murmura-t-il, les yeux baissés.Sofia sentit son cœur s'arrêter un instant. Un choc violent trav

  • Tu es notre papa    Chapitre 21

    Après le départ d’Elias, Adrien resta un moment immobile derrière son bureau, le regard perdu dans le vide. Son frère avait soulevé trop de questions auxquelles il refusait de répondre. Il n’avait pas besoin de complications dans sa vie, et encore moins d’enfants surgissant de nulle part pour bouleverser son existence parfaitement contrôlée.Il poussa un profond soupir et se passa une main sur le visage avant de se lever brusquement. Son regard sombre se posa sur la baie vitrée qui offrait une vue imprenable sur la ville.— Merde…Sa mâchoire se contracta alors qu’il repensait à ces deux enfants. Ils lui ressemblaient, certes, mais cela ne signifiait rien. Il y avait des milliers de personnes dans ce monde avec des traits similaires. Et cette Sofia… Pourquoi maintenant ? Pourquoi n’était-elle jamais venue avant s’il était vraiment leur père ?Non. Il ne voulait pas entrer dans ce jeu. Il avait été clair avec eux.“Je ne suis pas votre père.”Ces mots avaient résonné dans son bureau co

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status