Chapitre 43 — Là où le jour hésiteISISJe me réveille d’abord au toucher.Une chaleur contre ma hanche. Une paume ouverte. Le poids précis d’un corps endormi.Puis vient le silence.Pas celui du vide. Celui des matins rares, ceux où le monde n’a pas encore trouvé le courage de recommencer.Puis la lumière.Floue. Pâle. Incertaine. Elle filtre à travers les rideaux tirés, n’éclaire presque rien, juste assez pour que l’on sache : la nuit est finie, mais elle n’est pas encore tout à fait partie.Je respire.Longtemps.Et je reste immobile.Raven dort encore. Sur le dos, la bouche entrouverte, les sourcils détendus. Il n’a pas cette tension dans la mâchoire qu’il porte habituellement, comme une seconde peau. Il est là, nu, vulnérable. Beau dans une façon qu’il ne soupçonne pas.Beau parce qu’il ne joue rien.Parce qu’il s’est laissé être.Je me redresse un peu, sans bruit, juste assez pour m’asseoir. La couverture glisse le long de ma peau. Il fait frais. Mais je n’ai pas froid.Mes jamb
Chapitre 42 — Là où le silence devient peauIsisLa nuit est tombée sans que je m’en rende compte.Pas de frontières nettes entre le jour et l’obscurité. Juste une fatigue diffuse du ciel, un effacement. Une lente mue du monde vers quelque chose de plus intime, de plus secret. Comme si la lumière avait compris qu’elle n’était plus la bienvenue ici.La maison est silencieuse. Trop vaste pour deux corps encore sur le fil, mais ce soir elle ne m’écrase pas. Elle m’enveloppe.Il fait plus chaud.Ou alors, c’est moi. Ou lui. Ou cette étrange tension suspendue entre nous depuis des jours, qui a cessé de grincer pour devenir… douce. Silencieuse.Raven a allumé un feu dans l’âtre. Sans un mot. Sans un regard en demande. Il a bougé dans la pièce comme on traverse un souvenir. Lentement. Précisément. Il connaît les gestes, il les a appris quelque part, loin d’ici. Il savait que j’avais froid. Pas physiquement. Pas vraiment. Mais ce genre de froid qui naît sous la peau. Celui qui ne se combat pa
Chapitre 41 — Là où les murs respirent encoreIsisLa maison est vieille, recroquevillée sur elle-même comme une bête endormie. Ses murs ont perdu leur voix, mais pas leur mémoire. Les volets grincent à peine, comme s’ils retenaient leur souffle. L’air est saturé d’une humidité ancienne, douce et tenace, celle des lieux oubliés mais jamais trahis.Raven pousse la porte sans violence, comme s’il demandait la permission. Elle s’ouvre dans un soupir, et l’air tiède de l’intérieur vient lécher mes joues glacées. Pas un bruit, si ce n’est celui de nos pas sur le parquet déformé. Pas une menace, et pourtant mon cœur bat trop vite. Ce n’est pas la peur. C’est autre chose. Une forme d’appréhension plus subtile, presque insidieuse : et si le calme me faisait me souvenir ?Il referme derrière moi. Je reste debout, au centre de la pièce, comme un intrus. Comme une intruse dans ma propre vie.Tout est figé, mais accueillant.Le feu dans la cheminée est mort depuis des années. Des cendres ont noir
Chapitre 40 — Là où le passé refait surfaceIsisJe suis debout dans le froid du matin. Le ciel est d’un gris métallique, uniforme, comme si le monde hésitait entre une pluie tardive et une accalmie fragile. Chaque souffle que j’expulse devient nuage. Mon cœur bat trop vite pour un jour aussi calme.J’ai noué mes affaires dans un sac trop petit. Ce que je ne prends pas, je le laisse brûler dans l’âtre. Des papiers. Des lettres. Des noms. Des chaînes. Ce n’est pas de l’oubli. C’est un refus. Le refus de me laisser définir par ce qui m’a brisée. Par ce qu’on a fait de moi.Raven attache les sangles du sac sur sa poitrine. Il a réparé la boucle hier soir, sans un mot, comme s’il réparait aussi quelque chose en moi. Il ne me presse pas. Ne me juge pas. Il me regarde respirer ce moment étrange : l’instant suspendu avant un départ.J’ai un pied dans la lumière, un autre dans l’ombre.Et c’est là que je l’entends.— Tu comptes partir sans dire au revoir ?Je me retourne, les muscles tendus,
Chapitre 39 — Là où l’on recolle les morceauxIsisLe jour s’est levé sans qu’on s’en rende compte.Le ciel a pâli, comme un corps épuisé. Le vent ne souffle plus. Même les arbres semblent retenir leur souffle. Le monde est suspendu. Figé.Je suis assise sur les marches de l’escalier. Mes mains tremblent encore, tachées de sang séché. Mon flanc me lance, mon dos brûle. Ma peau est une plaie, mais elle respire encore.Et c’est ça, le plus étrange : je suis vivante.Vivre après ça.Pas seulement survivre. Vivre, malgré la mort dans les coins, la peur incrustée sous les ongles, malgré le goût métallique dans ma bouche.Le salon est un champ de ruines. Une chaise renversée. Des lames abandonnées. Du sang dans les interstices du parquet, séché, brun comme la rouille. Le feu s’est éteint, il ne reste que des braises éparses.Raven ne dit rien. Il range.Il n’a pas dormi. Moi non plus. Nos gestes sont lents, pesants, mais nécessaires. On s’est relayés pour veiller, même si plus personne ne v
Chapitre 38 — Là où le sang appelleIsisLe premier bruit est sourd.Un craquement.Puis un autre. Plus proche.Un éclat de bois sec, arraché net.Je me redresse.Ma gorge se serre.Raven, à l’étage, m’a déjà sentie bouger. Il descend en silence, aussi fluide qu’une ombre.Il hoche la tête. Pas besoin de mots.Ils sont là.La nuit se tend. Comme une bête qui retient son souffle.Je prends la lame dissimulée dans la cloison. Le froid du métal me réveille plus vite qu’une claque.Raven vérifie les pièges du couloir. Tout est en place. Tout est prêt.Mais on ne l’est jamais vraiment.Un choc contre la porte.Puis un second.Et un rire.— Petite Isis… tu as laissé la lumière allumée. C’est pas prudent.Maddox.Je sens mes poings se crisper. Mon cœur ralentir, au lieu d’accélérer.C’est comme ça chez moi. Le sang devient glace quand il faut tenir.Je murmure à Raven :— Attends qu’ils entrent. On ne gaspille rien. Pas un coup.Il acquiesce. Sa main serre la mienne, un bref instant.Puis la