Tous les chapitres de : Chapitre 21 - Chapitre 30
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19.
<nostalgie>Cancer des ovaires / Ablation totale / Seize ans / Fatal(ité)J’aurais dû lui dire, seulement je n’ai jamais pu m’y résoudre. « Pas tellement envie d’enfant » est un passe-partout beaucoup plus simple à encaisser. J’aurais dû lui dire. On était amis, amants, amoureux. Il aurait compris, j’en suis persuadée.Et puis…. Il aurait aussi compris que je ne suis plus une femme. Enfin, je crois. C’est ce que je me suis dit, à seize ans, surtout quand j’ai demandé aux autres. « Qu’est-ce qui fait que je suis une femme, hein ? » Les hormones, tout ça, ça vient avec la différence entre nos sexes. C’est ce qu’on a vu en bio. Moi je me suis cantonnée à cette définition. Plus d’ovaires… eh bien… moi. Il ne restait que moi, dans mon corps pas bien proportionné.— Mais, ovaires ou pas, je reste une femme, non ?Bouche ouverte, fermée, poisson hors de l’eau qui ne peut plus respirer. On ne me répond p
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20.
<rêve>— Tic, tac, tic, tac, récite Isaac.Il attend toujours, emmitouflé dans les couvertures qui, il l’espère, le maintiendront en vie assez longtemps pour être secouru. Je suis à nouveau plongée dans sa psyché et la douleur se fait mienne quand je réalise que son flanc est totalement infecté.Je suis sa dernière solution. Je le réalise en suivant le cours de ses pensées : il n’attend plus que moi. Il veut me forcer à venir à lui, il monte des plans pour chercher mon point faible, a épluché les données disponibles sur moi en ligne.Il n’a rien trouvé. Il fait la liste du néant de mon existence, réalise que je n’ai ni travail, ni petit ami, ni argent. Une mère à la rigueur, mais il l’a mise de côté lorsqu’il a réalisé qu’elle était déjà sur le point de passer l’arme à gauche.Il n’a alors plus d’autre solution. Je devine ce qu’il a en tête au moment où il s’empare du couteau.Isaac aime faire les choses en grand. Et il déteste
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21.
Je me retourne et colle Nora contre le mur en plaquant ma main sur sa bouche pour lui intimer de se taire. Ses sanglots ruissellent sur ses joues et elle porte une main à ma taille pour s’ancrer à la réalité. De larges traînées de sang maculent mes vêtements – le sien – mais ça n’a pas d’importance. Pour le moment il faut juste échapper aux gardes, nous verrons après pour le reste.À tâtons je ferme à clé le cagibi sombre où je viens de nous cloîtrer, tandis que de l’autre côté de la porte, les gardes s’approchent bruyamment.C’est quitte ou double, même si je suis persuadée qu’ils ne nous ont pas vues.Les claquements de talons des officiers résonnent dans chacun de nos muscles et vrillent notre crâne. Les yeux de Nora sont si dilatés qu’elle a l’air droguée. Je presse mon corps contre le sien dans l’espoir de faire cesser nos tremblements, alors que son sang continue d’imbiber nos vêtements. Le bruit des voix étouffées nous parvient et je perçois dans le regard d
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22.
Ne pas réfléchir. Ne pas considérer. Oublier qu’il y a une gamine en train de crever dans un placard à balais. Oublier que le cadavre troué de Leïa m’a regardée m’éloigner dans ce magnifique dédale opalin. Et le soleil, toujours à me narguer avec ses rayons chauds dardés sur moi. Je pleure parce que je ne peux plus arrêter, je pleure parce que je n’ai pas le droit de faire autre chose pour le moment.Je dois me rendre aux cuisines.J’ai besoin d’en parler à quelqu’un, de cracher tout ce que j’ai sur le cœur. C’est con : je n’ai pas le temps pour ça, je devrais courir de toutes mes forces vers la cuisine, mais mon cœur clopine, mes souffles s’égarent, mes pensées divaguent. Je pose une main contre le mur, laisse les traces rougeâtres de la vie de Nora sur les vitres. Je m’en fous qu’on me pourchasse. Je m’en fous qu’on me coure après et que le diable soit à mes trousses.
<iMessage : Ellis>— Nora laissée. Cuisine dans cinq minutes
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23.
Bonjour, bouche de fusil.Je lève les mains en l’air et lâche le couteau. Je me rends. C’est bon, j’ai assez joué à la fugitive.On est dans ce qui semble être un garage, une sorte de sous-terrain humide. J’aperçois des camions garés derrière les soldats, alors que l’un d’eux détache des menottes de sa hanche et m’ordonne de sortir.— Gardez bien les mains en l’air.Je m’exécute du mieux que je peux, même si je tremble de tous mes membres. Il m’ordonne de me tourner et je prends conscience que je vais mourir ici. Ils vont me déchiqueter, ouvrir mon crâne, bousiller le reste de l’héritage Wheel. J’ai envie de rire face à l’ironie de la chose, mais je ne pourrais sortir que des sanglots. Alors que je l’imagine me passer les menottes, le déchirement d’une détonation me fait tanguer.J’ai envie de vomir.Je m’arc-boute, les mains au-dessus de la tête à cause des vibrations qui retentissent dans mon crâne. Je fais un pas en avant pour me
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24.
Isaac est ensuite retombé dans les vapes. Je me suis marrée un moment sur sa phrase : si même la Rébellion ne veut pas de nous, nous sommes bien barrés. J’ai supposé qu’il s’agissait d’une pointe d’arrogance, dont il a l’air bourré. Ellis a terminé de le recoudre et s’est attaqué à sa jambe, mais à part des bleus devenus jaunes, il n’a trouvé aucune blessure inquiétante. Nous l’avons laissé sur le sol, de peur de le bouger et de rouvrir ses plaies.— Et maintenant ? l’interrogé-je.— Tu n’es pas fatiguée ?— Je suis morte.— Alors dormons et attendons de voir si ce con survit.Je fais le tour du propriétaire : rien à manger, pas d’eau chaude, à peine un filet de boue froide sort du robinet. Il y a bien une chambre, mais le matelas est tellement miteux que j’ai peur de dormir dessus.— Prends le canapé. Et range cette lame, soupire-t-il, ou tu vas te blesser.Je hoche la tête et la cache sous l
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25.
J’ai l’impression que les nanorobots cliquètent dans ma tête alors qu’ils se mettent en branle pour soigner ma commotion. Je ne peux m’empêcher de sourire ; Everlasting m’a peut-être sauvé la mise, pour une fois. La douleur reflue lentement mais je garde la tête dans les nuages, une brume désagréable vrillant mes tempes. Un bandeau m’obstrue la vue et aux vibrations que je ressens, je suis dans une voiture. Une voiture, vraiment ?<nostalgie>— Ils vont bientôt nous retirer le tracteur, soupire mamie.— Pourquoi ? demandé-je, alors qu’on est secoués comme des sacs de pommes de terre.— Trop de pollution, je crois que c’est lié aux moteurs, ma chérie. Mais c’est ton grand-père qui aurait pu nous dire, il s’y connaissait bien en mécanique, tu sais. Il travaillait dans le Glove, il y a bien longtemps. Ce tracteur, c’était le sien, alors j’aimerais le garder encore un peu… même si nous avons l’interdiction de nous en servir. Nous n
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26.
Le coup part et ricoche près de mon oreille pour aller se perdre dans les fourrés dans un écho strident. Je m’arc-boute tout en portant la main à mon tympan en grognant. Harmonie n’en a que le nom : sa tête est en bordel, elle vient de me tirer dessus !— C’était un test ? crié-je. Vous auriez pu me toucher !— Comme tu le dis si bien, tu as un truc très intéressant sous le crâne, mais certaines personnes changent soudainement d’avis lorsqu’elles sont soumises à la pression. Sache qu’on va devoir te retirer ce que tu as dans la tête, je n’ai pas envie que de petits génies d’Everlasting se mettent à te pirater.— Je vais mourir si vous faites ça.— Oui, peut-être. Mais nos médecins ont appris à retirer Soulmates, alors je doute que le deuxième leur pose problème. Et puis nous n’avons pas le choix.Je ne veux pas qu’ils me le retirent, c’est ma seule porte de sortie. Tout ce que je vaux se trouve dans mon crân
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27.
Je suis en vie.Ça pétarade sous mon crâne, mais je suis en vie. J’ai envie de m’arracher la tête, les yeux, la peau, tout ce qui me compose, mais je suis là, à pouvoir respirer et penser. Alors tout va bien. J’ai l’impression d’avoir un marteau piqueur dans la tête. Je cligne plusieurs fois des yeux, afin de chasser les points noirs qui dansent devant moi.J’entrevois un visage. Je fais le point. On me parle. Les mots sonnent désordonnés.— As ?— Hmmm.— Hé, doucement.Après avoir inspiré, expiré, dégluti, je réalise enfin qui me parle. Ellis. Mes yeux font le point vers son sourire timide. Qu’est-ce qu’il fait là ? Il me sourit, me parle gentiment. Je suis au paradis, c’est définitif.— Tu es là; toi aussi ?J’ai la voix qui tremble, tous les sens en pagaille. Le haut, le bas, le dessus ou le dessous n’ont plus de signification. Si le paradis ressemble à une vieille chambre de garage en bordel
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28.
Quand je repose le dossier me dévoilant les grandes lignes de ma mission, je ne me sens pas bien. Ils ne sont pas sérieux ? Non, ils ne peuvent pas... Est-ce un test ? Une façon de prouver ma valeur, ma volonté de m’intégrer ? Est-ce que le but même de cette mission existe ? Se jouent-ils de moi ?Je reste coite sur mon lit, sans faire le moindre mouvement, abasourdie par ce que je viens de découvrir, par tout ce que ça remet en question et par l’avenir que je vois se créer sous mes yeux, alors que je pensais tout espoir vain.<nostalgie>— Tu seras brillante, As, et tu pourras m’aider avec Soulmates.On regarde les nanorobots vibrer sous l’œil acéré du microscope. Elles me fascinent, ces petites bêtes. Papa croit qu’elles pourront nous guérir, un jour. J’aimerais bien.— Ça, tu vois, c’est le futur, et c’est ce genre de choses que les ingénieurs inventent. C’est pour ça qu’on est utile. Certains pensent que ce
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