Je patiente sur mon rocher plat préféré, au pied du ruisseau qui s’écoule paisiblement, lorsque Loki s’affale une nouvelle fois à mes côtés. Contrairement au clapotis anesthésiant de l’eau, mon cœur tape un cent mètres. Que me réserve-t-on pour mon imprudence ? Non pas que je regrette une seule seconde de m’être conduite de la sorte, mais il m’est difficile d’accepter l’idée d’avoir quitté les bras de Lucas pour la dernière fois.— Curtis m’attend ? finis-je par demander alors que ce silence pesant me rend folle.Loki ne répond pas, signe flagrant de sa contrariété. Va-t-il me regretter lorsqu’on lui retirera mon instruction ? Je suis prête à parier que seule l’idée d’avoir une tâche sur son CV immaculé le contrarie à l’heure actuelle.— Il a passé le relais à Lyam, c’est ça ? deviné-je en sentant mon estomac se contracter.Cette suggestion me soulève le cœur. Je crois que je préfère encore renoncer à mes ailes et vivre une cour

— Alice !Avec une horrible impression de déjà-vu, Lucas se débattit de toutes ses forces contre le piège qui le clouait sur place, le regard fixé sur l’ombre très subjective qui se mouvait au-dessus de lui.— ALICE !Convaincu qu’un cimeterre n’aurait pas été de trop dans cette situation, Lucas se démena pour libérer sa seconde main. Seulement à peine était-il parvenu à saisir le couteau accroché à sa cuisse que son bras maniant le cran d’arrêt se trouva de nouveau bloqué.Saloperies ! maugréa-t-il.De petits chatouillis remontaient à présent de son bras à son cou, ne laissant aucun doute quant à la présence de tisseuses autour de lui. Avec effroi, il songea à son équipière silencieuse depuis beaucoup trop longtemps. Y avait-il un risque pour qu’elle se soit évanouie de terreur ? Harper n’osait envisager pire encore.D’un mouvement du menton, il libéra son épaule de la chose qui se déplaçait au ralenti. Lucas sent

— Milo ! Oh mon Dieu… Alice ! Milo est réveillé !Malgré l’hystérie de Lucie, Alice se désintéressa de ses âmes perdues au profit de la clarté éblouissante de l’arche dorée devant laquelle ils venaient d’atterrir. Y avait-il un espoir pour que Lucas trouve tout de même son chemin jusqu’à Hemera après avoir succombé aux tortures de l’Ange Noir ?— Lucas…, se lamenta-t-elle dans un soupir à peine audible.— Mon cœur, s’enthousiasma Lucie, tu m’entends ? Tu vas bien ?Non, il n’y avait pas moyen que les choses se terminent aussi bien pour lui. Dans le meilleur des cas, Lucas périrait rapidement ; mais quoi qu’il advienne, jamais il ne parviendrait à s’extraire des Affres.À moins que je retourne le chercher, conclut-elle, déterminée.— Votre équipier s’est sacrifié pour nous sauver, déclara-t-on dans son dos.Alice ne comprit pas immédiatement que l’on s’adressait à elle. Lorsque ce fut

— Je ne vois aucun intérêt à perdre du temps de la sorte, grommelé-je.Avachie sur le canapé du salon, je surveille la porte par laquelle mon père s’est éclipsé afin de retrouver Curtis. L’idée de devoir patienter ne serait-ce qu’une minute de plus alors que le sort de Lucas ne dépend que de moi me reste en travers de la gorge. Après tout, ai-je seulement besoin de l’aval du Haut-Juge pour me livrer à Lucius ?— Je suis d’accord avec toi, marmonne Anna.Son pied martèle avec impatience le fauteuil en cuir dans lequel elle s’est installée. Son angoisse est telle qu’elle ne semble même pas remarquer les caresses qu’Aldrik lui prodigue afin de l’apaiser.— Si ton père juge nécessaire d’en avertir Curtis, c’est qu’il a une bonne raison de le faire, soutient ma mère.— Sans compter que seul le grand manitou est habilité à te donner ton épée, surenchérit Aldrik. Ce serait dommage de partir au combat sans arme, tu ne crois pas ?

Lucas se réveilla en sursaut, s’empara de son téléphone portable pour constater que son alarme ne s’était pas enclenchée comme prévu et envoya ce dernier se briser contre le mur de sa chambre. Seulement cet accès de rage ne suffit pas. Dans une succession de gestes désordonnés, il mit à mal la couette dans laquelle ses pieds s’étaient entortillés et se lança à la recherche d’un autre projectile. Ses doigts crispés sur le matelas se détendirent alors sensiblement à la vision de la photo qui reposait sur sa table de chevet ; celle qu’il fixait systématiquement avant de s’endormir, convaincu que la gamine à la langue bleu schtroumpf qui s’y trouvait représentée valait la peine de se livrer aux supplices de Lucius sans chercher à résister.Lucas se souvenait parfaitement de sa première rencontre avec Allyn et de la plaisanterie qu’il avait sortie sur cette photographie. La pauvre avait semblé si perdue le jour de son arrivée à l’Organisation qu’il n’avait pas fait preuve d’une