LeoneLa nuit ne finit pas avec le départ des gardes. Elle s’épaissit, se transforme en une substance gluante qui colle à la peau, aux vêtements, à l’âme. Je reste figé sur place, les jambes lourdes comme du marbre, tandis que la salle se vide autour de nous. Les murmures sont des insectes qui bourdonnent à mes oreilles. Je ne les entends pas. J’entends encore le choc de l’acier, le râle de Morosini terrassé, et les mots de Giulia. C’est le monde dont je fais partie.Mon monde, à moi, est fait de parchemins, de dialogues socratiques, de l’ombre paisible d’un cloître. Pas de ce théâtre cruel où l’amour est une arme et la trahison, une manœuvre politique.Giulia lâche ma main. Sa chaleur, fugace, est déjà remplacée par le froid du palais. Elle se tourne vers Alvise Contarini, qui attend, patient et immobile comme une araignée au centre de sa toile neuve.—Nous devons parler, dit-elle. Pas ici.Contarini incline légèrement la tête.—Mon bureau. Dans une heure. Vous savez où.Il s’éloigne
Last Updated : 2025-12-05 Read more