Je la regarde claquer la porte derrière elle, inébranlable. Et c’est à ce moment que je me souviens du petit objet présent dans ma poche. Sa montre. Je voulais la lui rendre et j’ai encore raté une occasion de le faire. Cette fille est arrivée à me faire oublier ce pour quoi je suis venu jusqu’ici. Elle est vraiment douée. D’habitude, rien ni personne ne parvient à me détourner de mon objectif. Mais avec elle, c’est différent. Elle arrive à faire ressortir ce que j’essaie d’enfouir au plus profond de moi. Avant, jamais je ne me serais emporté ainsi. Je fixe une fois de plus le trou dans le mur. Ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. J’ai bien cru que j’allais frapper Evalina pour sa naïveté. Elle s’expose à des risques dont elle n’a même pas idée. Elle aurait pu mourir. Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi aussi brusquement. Après tout, si elle meurt, c’est son problème. Mais la reine m’a chargé de veiller sur elle, et si je n’avais pas été là, elle serait morte. Bon sang. Je presse
Comment Angie en est-il arrivé à cette conclusion ? Je ne comprends pas. D’après ce que j’ai pu observer dans ce royaume, personne n’a le même pouvoir qu’un autre. Chacun possède le sien. Pourquoi aurais-je le même que celui d’Isaac ?—Tu te trompes.—Tu as pu utiliser la localisation psychique parce que des particules de mon pouvoir flottaient encore dans l’air, explique-t-il. Et tu as pu guérir Isaac parce que Zéphyr avait la main posée sur ton épaule. Ce sont des preuves suffisantes, non ?Effectivement, ce qu’il dit n’est pas dénué de sens. Et lui n’a relevé que deux preuves. Le jour où j’avais entendu ses pensées, il avait mis sa main sur mon épaule pour me soutenir au cas où le mal de tête me reprenait. Lorsqu’il l’avait enlevé, tout s’était arrêté. J’avais beau me concentrer encore et encore pour tenter de les entendre à nouveau, c’était peine perdue. Je crois bien que ceci fait office de troisième preuve.—Avant de partir pour l’Imp
Cela faisait longtemps que je n’étais pas venue ici. Je suis adossée au mur blanc de la pièce en coupole, appelée également «la salle d’attente du Siège ». J’attends que la reine veuille bien me recevoir, tout en essayant de ne pas croiser le regard d’Angie. Je tente par tous les moyens de ne pas détourner mes yeux de ce soleil brillant éclairant la pièce à travers la baie vitrée. Ces derniers jours, le ciel est toujours d’un magnifique bleu. À vrai dire, je n’ai même jamais vu de nuages à Réturis. Pas une seule fois. Comme les étoiles sur ce royaume, j’ai l’impression qu’ils sont inexistants. Ce monde est décidément très étrange.Et je suis loin d’en avoir fait le tour. J’aimerais tant sortir dehors ! Je voudrais visiter les villages qui jouxtent le Majestueux, mais je doute qu’on me donne un jour cette permission. D’après la reine, je suis bien trop précieuse pour que l’on prenne le risque que je sorte. Je déteste me sentir comme prisonnière. Je dois rester ici, à attend
Ce dernier tressaille à l’entente de son nom prononcé par la voix grave et hésitante d’Isaac. Il n’y a pas un bruit, mis à part les respirations de chacun d’entre nous. Et encore... Pour ma part, j’ai le souffle coupé. J’attends la réponse du Leader. Les autres ne doivent sûrement rien comprendre à la situation, tout comme moi. Même si intérieurement, j’avais cette impression que les deux garçons s’étaient déjà rencontrés. Reste à savoir si Angie va assumer, ou tout simplement nier.Mais il reste muet. Immobile. Aucune émotion ne traverse son visage. Isaac s’avance, jusqu’à s’arrêter face à lui. Ils font quasiment la même taille. Isaac ne dépasse Angie que de quatre ou cinq centimètres. Les secondes s’écoulent, interminables. Les deux hommes se dévisagent.—Oui, c’est bien toi, finit par dire Isaac. Tu as beau garder le silence, je ne connais personne d’autre possédant les mêmes yeux que les tiens.Angie reste muet. Pourquoi ne répond-il pas ? Mais lorsque je
Je descends précautionneusement de mon pégase noir. Ce dernier recule de quelques pas, les sabots claquant contre le sol de terre aride. J’attache sa corde autour d’un arbre non loin, dépourvu de feuillage. Je caresse une dernière fois sa magnifique robe noire, me demandant si j’aurais la chance de le revoir. Mais ce que je m’apprête à faire m’en fait douter. Je me détourne de lui, inspire un grand coup, puis m’élance. J’avance avec détermination jusqu’à l’Imposant qui se dresse face à moi. Peut-être que je signe mon arrêt de mort… Peu importe, j’y vais pour elle. Pour Tessia. Si je décide de faire demi-tour, plus jamais je n’oserai me regarder dans une glace.En espérant que la Démone ne bluffe pas ! Elle prétend détenir Tessia, mais je n’en ai jamais eu la preuve. Il n’y a qu’une seule façon de le découvrir... J’inspire à nouveau une grande bouffée d’air frais. Plus que quelques pas et j’atteins la grande porte en bois noir... J’avance une main tremblante vers la poignée. Je s
Mes yeux s’ouvrent lentement sur un espace sombre. Étrangement familier. Des toiles d’araignée dans les recoins, une fraîcheur à en faire dresser les poils sur la peau, une odeur de moisi, et des barreaux en acier. Je suis de retour à l’Isolement. Je me relève d’un bond, faisant abstraction des courbatures qui tétanisent mes muscles. Je me précipite jusqu’aux barreaux qui entravent ma liberté, et lorsque je les saisis à pleine main, la peinture qui s’écaille me vaut quelques égratignures.—Eh ! Il y a quelqu’un ? appelé-je.Seul l’écho de ma voix se fait entendre. L’Isolement est désert. Il n’y a personne à part moi. La Démone n’a donc pas respecté sa part du marché. À l’instant même où je me suis présentée à elle, elle s’est empressée d’envoyer l’un de ses nébors m’électrocuter. Je hurle de rage. Mes poings ne cessent de marteler les barreaux de ma cellule, seulement, je n’arrive pas à les briser comme la dernière fois. Et cela a le don de m’énerver davantage. Je n
—Marché conclu, accepte Harmonie, les yeux luisant d’une intense couleur rouge.Non, non, et non… Il est vrai qu’Angie m’avait assurée qu’il respecterait sa promesse faite à la reine – celle de me protéger au péril de sa propre vie – et je peux désormais constater que ce n’était pas des paroles en l’air. Il est réellement prêt à le faire.—Non..., murmure Isaac, serrant un peu plus fort ma main.Je ne peux pas le laisser faire. Je puise dans mes dernières ressources afin de me relever. Je m’écarte des bras d’Isaac et tente de ne pas penser à cette douleur cuisante qui me pétrifie le corps.—Qu’est-ce que tu fais ? me questionne-t-il. Tu ne dois pas te lever, tu vas avoir mal !—J’ai déjà mal, grimacé-je. Me lever n’y changera pas grand-chose.Il soupire, mais à ma grande surprise, n’insiste pas. Il doit probablement se demander ce que j’ai derrière la tête. Et c’est bien ça, le problème. Je n’ai rien. Aucun plan. Pas une
—C’est bien moi, sourit-elle, ses yeux reprenant leur couleur initiale.—Quoi ? Tu la connais ? s’étonne Apolline.Je reste muette. Comment est-ce possible ? Mélodie est ma meilleure amie. Elle ne peut pas être cette jeune femme qui se tient devant moi, arborant un sourire victorieux, presque maléfique. Mélodie est blonde aux yeux bleu gris. Même si je sais bien que ses cheveux blond platine n’étaient qu’une couleur, je refuse d’y croire. Ça m’est tout bonnement impossible. Mélodie ne peut pas être la Démone.—Evalina ? m’appelle Angie, avançant vers moi d’une démarche inhabituellement hésitante. Tu m’expliques ?Non, je ne peux pas. Parce que je ne veux pas avouer ce que j’ai en face de moi. Je ne me l’explique pas. Mélodie sourit toujours, son visage figé en une mimique méconnaissable. Elle est loin de l’amie avec qui je passais toutes mes journées, loin de l’amie souriante, joyeuse, dynamique et sincère que j’ai connue. Désormais, je ne