Maxime
Je m’installe, perplexe.
Pourquoi m’inviter si c’est pour arriver en retard ?
Dix minutes passent. Puis quinze.
Je commence à en avoir assez quand une silhouette s’approche enfin. Mais ce n’est pas Maxime.
C’est un homme que je ne connais pas, élégant, aux cheveux poivre et sel. Il s’assied en face de moi sans attendre mon autorisation et me tend la main.
— Léa, enchanté de vous rencontrer.
Je fronce les sourcils.
— Vous êtes… ?
— Thierry Devereaux, le père de Maxime.
Je le regarde, incrédule.
— Pardon ?
Il sourit.
— Mon fils m’a beaucoup parlé de vous. Et je voulais voir par moi-même qui était cette femme qui lui résistait.
Je croise les bras, mi-amusée, mi-agacée.
— Et Maxime, il est où ?
— Il m’a dit qu’il arriverait “plus tard”.
Je souffle. Évidemment. Un test.
— Et donc, votre mission, c’est quoi ? Je dois vous impressionner ?
— Oh non, pas du tout. Je veux juste comprendre pourquoi mon fils, qui n’a jamais eu à courir après une femme, semble aussi fasciné par vous.
Je retiens un sourire. Maxime a vraiment osé envoyer son père pour m’évaluer ? Il veut jouer ? Très bien.
Je me redresse, prends mon verre et le fixe dans les yeux.
— Alors allons-y. Posez vos questions, monsieur Devereaux. Je suis curieuse de voir si je passe votre test.
Et quelque part en moi, je sens déjà que ce jeu va devenir encore plus intéressant que prévu.
Léa
Je fixe Thierry Devereaux avec un mélange d’amusement et d’agacement. Son regard perçant me scrute, comme si j’étais une énigme qu’il cherchait à résoudre.
— Vous savez, je n’ai jamais eu droit à un interrogatoire parental dès le premier rendez-vous, je lâche en buvant une gorgée de vin.
Il esquisse un sourire.
— Vous n’êtes pas une femme ordinaire, Léa.
— Et Maxime, c’est lui qui vous a demandé de venir m’évaluer ?
Thierry s’appuie contre son fauteuil, détendu, mais je sens qu’il ne rate aucun de mes gestes.
— Disons qu’il m’a parlé de vous d’une manière… inhabituelle. J’ai voulu voir par moi-même.
J’arque un sourcil.
— Et qu’a-t-il dit, exactement ?
— Que vous étiez différente. Que vous n’étiez pas impressionnée par l’argent, les cadeaux ou le pouvoir.
Il s’arrête une seconde, avant d’ajouter :
— Et que cela l’agaçait autant que ça l’intriguait.
Je retiens un sourire. Alors monsieur Devereaux junior est frustré ? Tant mieux.
— Et vous, alors ? Je vous intrigue aussi ?
Thierry rit doucement.
— J’ai rencontré beaucoup de femmes dans ma vie. Celles qui veulent séduire mon fils, celles qui veulent séduire mon argent, et celles qui veulent séduire les deux.
Je pose mon verre et croise les bras.
— Et moi, dans tout ça ?
Il me regarde droit dans les yeux.
— Vous, vous n’essayez de séduire personne.
Le silence s’installe. Il a compris. Moi, je suis juste là pour observer son fils se casser les dents sur moi.
Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi lui s’intéresse autant à moi.
— Pourquoi cette conversation, alors ? Je demande enfin.
Thierry se penche légèrement vers moi.
— Parce que Maxime est un homme qui a toujours tout eu sans effort. Et vous êtes la première chose qu’il veut… mais qu’il ne peut pas avoir.
Son regard se fait plus perçant.
— Alors je me demande : combien de temps tiendrez-vous avant qu’il ne vous fasse céder ?
Je souris, doucement, et prends mon verre.
— Qui vous dit que c’est moi qui vais céder ?
Thierry éclate de rire.
— Dans ce cas, mademoiselle Léa, nous avons tous les deux hâte de voir comment ce jeu va se terminer.
Maxime – Le Contrôle en Péril
Je regarde l’heure sur ma montre. 21h30.
Si Léa est toujours là, ça signifie qu’elle joue le jeu.
J’arrive devant Le Mirage, mains dans les poches, mon sourire habituel en place. Mais en entrant, je suis accueilli par une vision qui me fait tiquer.
Elle. Assise face à mon père.
Elle ne semble ni stressée, ni impressionnée. Pire encore, elle a l’air… de s’amuser.
Quand elle me voit, elle lève son verre.
— Tiens, voilà enfin le fils prodige.
Je fronce légèrement les sourcils.
— Désolé du retard.
Je regarde mon père, qui m’adresse un regard mi-amusé, mi-satisfait.
— Tu m’avais dit que tu arriverais plus tard. Je ne pensais pas que tu comptais me laisser tout le travail.
— Quel travail ? je demande en prenant place à côté de Léa.
Elle tourne la tête vers moi, un éclat de défi dans les yeux.
— Me fatiguer.
Un silence s’installe. Elle m’observe, amusée, sûre d’elle.
Mon père rit doucement et se lève.
— Je vais vous laisser, alors. Maxime, bonne chance.
Il s’éloigne, me laissant seul avec elle.
Je la regarde, les coudes sur la table.
— Je dois admettre, tu t’en es bien sortie.
— Ah bon ? Je croyais que c’était moi qui devais être épuisée.
Je souris.
— C’est ce que je croyais aussi.
Elle croise les jambes, appuie son menton sur sa main et me fixe avec un sourire en coin.
— Et maintenant, c’est quoi la suite de ton plan, monsieur le grand séducteur ?
Je la fixe, réfléchissant. Ce que je voulais, c’était la déstabiliser. Mais elle vient de faire exactement la même chose avec moi.
Et ça, c’est inédit.
— Je vais devoir improviser, je finis par dire.
Elle rit doucement.
— Alors bonne chance, Maxime. Parce que moi, je ne joue pas pour perdre.
LéaLe jardin était redevenu silencieux.Comme s’il reprenait son souffle après tant de cœurs battants, de mots chuchotés et de souvenirs réveillés.Camille était partie.Son ombre s’était effacée lentement dans le halo doré de la nuit, et son sourire tremblant restait encore dans l’air, comme une dernière note tenue.Elle m’avait serrée fort. Pas pour me dire adieu, non. Pour dire qu’elle comprenait. Qu’elle me rendait ma place.Qu’elle m’aimait.Mon père aussi.Il avait le regard un peu perdu, comme s’il cherchait la petite fille que j’étais encore quelques instants plus tôt. Il ne m’avait pas parlé — il n’en avait pas besoin. Ses bras autour de moi avaient suffi.Et j’avais senti son front contre mes cheveux, son souffle sur ma tempe, ce soupir qu’il n’avait pas retenu.Puis Maxime avait tout doucement éteint les guirlandes.Une à une, les lumières avaient cligné, vacillé, puis rendu l’âme, comme des lucioles fatiguées.Il avait soufflé les bougies sans bruit, ramassé les verres, l
MaximeJe l’ai regardée s’éloigner vers la salle de bains, ses hanches ondulant avec cette aisance que j’avais vu revenir peu à peu, depuis qu’on était ici.Elle se reconstruisait.Et moi, je me reconstruisais avec elle.Quand j’ai entendu l’eau commencer à couler, longtemps, sans précipitation, j’ai pris mon téléphone.Deux appels. Pas plus.Mais deux essentiels.Son père.Et Camille.Je ne leur ai pas expliqué. Il n’y avait pas besoin.J’ai juste dit que j’avais besoin d’eux ce soir. Que c’était important. Que ça devait être simple. Vrai. Doux.Comme elle.Camille a eu mille réactions en une seconde.Elle a d’abord cru à une mauvaise nouvelle. Puis à une fête surprise. Puis à une demande en mariage.Et elle m’a balancé dans la même phrase : « T’as intérêt à pas faire ça à l’arrache, Maxime, je te jure. »Je lui ai dit de me faire confiance.Son père, lui, a été d’un calme qui m’a traversé comme un souffle.« Dis-moi l’heure. »Rien d’autre.Je crois qu’il savait.Ce type sent tout.
LéaLe matin est tombé sur la maison comme un voile de soie.Je me suis réveillée avant lui.Ou plutôt : je me suis laissée réveiller par la lumière.Elle entrait à flots, douce et dorée, comme si elle savait que c’était notre premier matin ici. Qu’il ne fallait rien brusquer. Rien forcer.Tout était encore en suspens.Des cartons posés contre les murs, des vêtements sans place, des objets silencieux sur les étagères vides.Mais dans le lit, ce matin-là, il y avait nous.Je suis restée allongée un moment, à l’écouter respirer derrière moi.Son torse effleurait mon dos.Son bras, en travers de mes hanches, me gardait là, ancrée.Ce n’était pas une étreinte possessive.Plutôt un fil invisible.Un attachement muet.J’avais envie de bouger, de me retourner. De le regarder dormir.Et puis non.Je voulais juste être là, dans cette lenteur neuve.Dans ce presque rien.Il y avait une paix dans ce lit qu’on avait déplacé la veille au soir, à la hâte, au milieu des rires fatigués et des draps f
LéaLe carton glisse entre mes doigts.Il n’est pas lourd. Pas vraiment. Mais mes bras tremblent un peu.Ce n’est pas la fatigue.C’est autre chose. Une onde invisible qui parcourt mon corps, entre la peur et l’excitation.Je suis debout au seuil de la maison.Notre maison.Maxime ouvre la porte devant moi, avec ce geste calme et précis qu’il a toujours eu, comme s’il savait exactement ce qu’il faisait — alors que je vois bien dans ses yeux qu’il est aussi bouleversé que moi.Le bois craque légèrement sous nos pas.L’air est un peu plus frais à l’intérieur. Et il y a cette odeur particulière — mélange de peinture, de poussière fine et de promesses.Il pose la main sur le chambranle, puis se tourne vers moi.« Bienvenue chez toi. »Je ne réponds pas.Je ne peux pas.Je regarde autour de moi, les murs nus, les fenêtres immenses, les éclats de lumière qui se posent déjà au sol comme des présences.C’est réel.Et irréel.Je pose le carton dans l’entrée.Et j’avance.---MaximeElle marche
LéaLa nuit avançait.À petits pas feutrés, comme si elle avait peur de troubler l’équilibre fragile qui s’était instauré entre nous.Je croyais que les émotions s’étaient déjà toutes exprimées.Que le cœur avait tout dit.Mais Maxime gardait encore quelque chose.Je le sentais dans sa respiration.Dans cette tension infime, nichée au creux de son silence.Il m’avait parlé d’amour.Il avait posé ses mains sur mon ventre, sur ce petit être à venir.Et moi, je m’étais laissée envelopper.Pas tout à fait rassurée.Mais un peu plus vivante.Et pourtant…Il y avait autre chose.Un éclat au fond de ses yeux.Une hésitation qui n’avait rien à voir avec le doute.Plutôt cette forme d’appréhension qu’on ressent juste avant de faire un pas important.Un saut.Il s’est redressé légèrement, sans me lâcher du regard.Comme s’il se préparait à me confier une vérité encore plus fragile.Et j’ai su.Qu’on allait franchir une autre frontière.« Il y a encore une chose que je dois te dire… »Sa voix ét
LéaIl était presque vingt-trois heures.La nuit avait recouvert la ville d’un silence dense, ponctué de quelques sirènes lointaines et du clapotis discret de la pluie contre les vitres.J’étais dans mon lit, mais pas vraiment là. Mon corps reposait, figé, alors que mon esprit flottait quelque part entre le regret, l’attente et la fatigue.Je ne pleurais plus.Je ne pensais plus pleurer.Mais chaque battement de cœur était une tension muette, un fil tendu à craquer.Je croyais qu’il ne viendrait pas.Je croyais que c’était fini.Qu’il n’y avait plus rien à dire.Et pourtant… quelque chose en moi résistait.Pas l’espoir — non. Plus ça.Mais un instinct, peut-être. Une mémoire.Et puis, la sonnette.Un son net, étrangement doux dans cette nuit suspendue.Mon cœur a cessé de battre pendant une seconde.Puis il est reparti, en désordre.Je suis restée figée.Quelques secondes à peine.Mais assez pour sentir ce qu’un simple « ding » pouvait réveiller.La peur. L’élan. La colère. Le manque.