Léa
J’adore voir la tête des hommes quand ils comprennent que je ne suis pas impressionnée. C’est un petit plaisir coupable, je l’avoue. Aujourd’hui encore, j’ai droit au même spectacle : un regard surpris, un sourire crispé et une tentative maladroite de masquer la déception.
— Tu es sûre que tu veux juste un café ? me demande mon rencard du jour, visiblement décontenancé.
Je hoche la tête en soufflant sur ma tasse. Il s’appelle Tristan, il est avocat et, apparemment, il pense que toutes les femmes rêvent de champagne et de dîners hors de prix.
— Oui, un café. Ça me suffit.
Je vois bien qu’il ne comprend pas. Depuis le début du rendez-vous, il me parle de ses voyages en jet privé, de ses montres hors de prix et de sa voiture de sport. Moi, je ne rêve que d’une chose : rentrer chez moi et regarder une série en pilou-pilou.
— J’ai une réservation au restaurant “Le Mirage”, tente-t-il, l’air fier.
— Oh, c’est gentil, mais je préfère rentrer.
Tristan me regarde comme si je venais d’annoncer que je mangeais du gravier au petit-déjeuner. Je lui souris poliment et avale une dernière gorgée de café.
— C’était sympa, mais je crois qu’on ne recherche pas la même chose, je lâche en me levant.
Il ouvre la bouche, probablement pour protester, mais je ne lui en laisse pas le temps. Un signe de la main, et je suis déjà dehors.
Bienvenue dans ma vie.
Un homme qui a l’habitude qu’on lui dise oui
Ce n’est qu’en tournant au coin de la rue que je le vois. Assis à une table en terrasse, habillé avec une élégance nonchalante, il observe la scène avec un sourire en coin. Ses yeux sombres, pleins de malice, ne me quittent pas.
Je le reconnais immédiatement : Maxime Devereaux, entrepreneur à succès, séducteur invétéré, connu pour son sourire ravageur et son portefeuille bien garni.
— Encore un qui pensait que tu allais tomber sous le charme de son compte en banque ? lance-t-il en levant son verre dans ma direction.
Je hausse un sourcil et continue mon chemin, mais il se lève et me rejoint avec une facilité déconcertante.
— Fascinant, ajoute-t-il en marchant à mes côtés. Les hommes t’invitent, mais toi, tu refuses tout.
— Peut-être parce que je n’ai pas besoin qu’on m’invite, je réplique en haussant les épaules.
Il éclate de rire, et je dois admettre que son rire est… agréable.
— Dans ce cas, je vais devoir trouver autre chose.
Je m’arrête et le fixe.
— Trouver quoi ?
Son sourire s’élargit.
— Un moyen de te fatiguer jusqu’à ce que tu craques.
Je le regarde un instant, puis je ris doucement.
— Bonne chance, Maxime.
Je tourne les talons, le laissant planté là, sûr de lui. Il pense que c’est un jeu. Moi, je sais qu’il va se casser les dents.
Mais je dois bien l’admettre… il m’amuse.
Maxime
J’ai toujours eu un talent particulier : séduire les femmes. Ça n’a jamais été compliqué. Un sourire bien placé, quelques mots bien choisis, un regard appuyé… et le tour est joué.
Mais elle…
Elle m’a ri au nez.
Je me repasse la scène en boucle alors que je suis installé dans mon bureau, un verre de whisky à la main. Léa. Magnifique, imperturbable, imprévisible. Elle a vu mon sourire, entendu mon défi… et elle est partie. Sans même hésiter.
— Tu réfléchis trop, Max, me lance mon ami Lucas en entrant sans frapper.
— Je réfléchis jamais trop, je réplique en vidant mon verre.
— Alors pourquoi tu fais cette tête ?
Lucas s’affale dans le fauteuil en face de moi, l’air amusé. Il sait que quelque chose me trotte dans la tête, et il a raison.
— Disons que j’ai croisé une femme… intéressante.
Il arque un sourcil.
— Intéressante ? Comme dans “je vais m’amuser avec elle quelques jours” ou “je vais la vouloir jusqu’à en perdre la tête” ?
Je ne réponds pas tout de suite. Parce que, pour une fois, je ne sais pas.
— Elle est différente, je finis par dire.
Lucas éclate de rire.
— Maxime Devereaux, incapable de séduire une femme ? Je croyais que ça n’existait pas.
— Je ne suis pas incapable. Je dis juste qu’elle est un défi.
— Et donc… tu vas relever ce défi ?
Je souris.
— Évidemment.
Léa – Une invitation suspecte
Trois jours passent sans la moindre nouvelle de Maxime. Et franchement, je m’attendais à mieux. Un homme comme lui, sûr de son pouvoir de séduction, devrait déjà avoir tenté quelque chose.
Je me dis que peut-être, il a abandonné.
Jusqu’à ce qu’un énorme bouquet de fleurs arrive chez moi.
— C’est quoi ça ? je demande au livreur, méfiante.
— Une livraison pour vous, mademoiselle.
Je prends la carte accrochée aux fleurs et la lis à haute voix :
“Dîner ce soir, 20h, Le Mirage. Laisse-moi au moins une chance de t’épuiser. – Maxime”
Je souffle, amusée malgré moi. Il n’a pas lâché l’affaire, comme je m’en doutais.
— Je suppose que je n’ai pas le choix, hein ?
Je me parle à moi-même, et la réponse est évidente : j’irai. Pas pour lui, mais parce que j’ai hâte de voir jusqu’où il est prêt à aller.
Le dîner… et une surprise
20h pile. J’arrive devant Le Mirage, l’un des restaurants les plus chics de la ville. Le genre d’endroit où l’on réserve des semaines à l’avance et où chaque plat coûte l’équivalent d’un loyer.
Je m’attends à voir Maxime m’accueillir avec son sourire de séducteur… mais à la place, c’est un serveur qui m’emmène à ma table.
— Monsieur Devereaux nous a demandé de vous faire patienter quelques instants, mademoiselle.
LéaLe jardin était redevenu silencieux.Comme s’il reprenait son souffle après tant de cœurs battants, de mots chuchotés et de souvenirs réveillés.Camille était partie.Son ombre s’était effacée lentement dans le halo doré de la nuit, et son sourire tremblant restait encore dans l’air, comme une dernière note tenue.Elle m’avait serrée fort. Pas pour me dire adieu, non. Pour dire qu’elle comprenait. Qu’elle me rendait ma place.Qu’elle m’aimait.Mon père aussi.Il avait le regard un peu perdu, comme s’il cherchait la petite fille que j’étais encore quelques instants plus tôt. Il ne m’avait pas parlé — il n’en avait pas besoin. Ses bras autour de moi avaient suffi.Et j’avais senti son front contre mes cheveux, son souffle sur ma tempe, ce soupir qu’il n’avait pas retenu.Puis Maxime avait tout doucement éteint les guirlandes.Une à une, les lumières avaient cligné, vacillé, puis rendu l’âme, comme des lucioles fatiguées.Il avait soufflé les bougies sans bruit, ramassé les verres, l
MaximeJe l’ai regardée s’éloigner vers la salle de bains, ses hanches ondulant avec cette aisance que j’avais vu revenir peu à peu, depuis qu’on était ici.Elle se reconstruisait.Et moi, je me reconstruisais avec elle.Quand j’ai entendu l’eau commencer à couler, longtemps, sans précipitation, j’ai pris mon téléphone.Deux appels. Pas plus.Mais deux essentiels.Son père.Et Camille.Je ne leur ai pas expliqué. Il n’y avait pas besoin.J’ai juste dit que j’avais besoin d’eux ce soir. Que c’était important. Que ça devait être simple. Vrai. Doux.Comme elle.Camille a eu mille réactions en une seconde.Elle a d’abord cru à une mauvaise nouvelle. Puis à une fête surprise. Puis à une demande en mariage.Et elle m’a balancé dans la même phrase : « T’as intérêt à pas faire ça à l’arrache, Maxime, je te jure. »Je lui ai dit de me faire confiance.Son père, lui, a été d’un calme qui m’a traversé comme un souffle.« Dis-moi l’heure. »Rien d’autre.Je crois qu’il savait.Ce type sent tout.
LéaLe matin est tombé sur la maison comme un voile de soie.Je me suis réveillée avant lui.Ou plutôt : je me suis laissée réveiller par la lumière.Elle entrait à flots, douce et dorée, comme si elle savait que c’était notre premier matin ici. Qu’il ne fallait rien brusquer. Rien forcer.Tout était encore en suspens.Des cartons posés contre les murs, des vêtements sans place, des objets silencieux sur les étagères vides.Mais dans le lit, ce matin-là, il y avait nous.Je suis restée allongée un moment, à l’écouter respirer derrière moi.Son torse effleurait mon dos.Son bras, en travers de mes hanches, me gardait là, ancrée.Ce n’était pas une étreinte possessive.Plutôt un fil invisible.Un attachement muet.J’avais envie de bouger, de me retourner. De le regarder dormir.Et puis non.Je voulais juste être là, dans cette lenteur neuve.Dans ce presque rien.Il y avait une paix dans ce lit qu’on avait déplacé la veille au soir, à la hâte, au milieu des rires fatigués et des draps f
LéaLe carton glisse entre mes doigts.Il n’est pas lourd. Pas vraiment. Mais mes bras tremblent un peu.Ce n’est pas la fatigue.C’est autre chose. Une onde invisible qui parcourt mon corps, entre la peur et l’excitation.Je suis debout au seuil de la maison.Notre maison.Maxime ouvre la porte devant moi, avec ce geste calme et précis qu’il a toujours eu, comme s’il savait exactement ce qu’il faisait — alors que je vois bien dans ses yeux qu’il est aussi bouleversé que moi.Le bois craque légèrement sous nos pas.L’air est un peu plus frais à l’intérieur. Et il y a cette odeur particulière — mélange de peinture, de poussière fine et de promesses.Il pose la main sur le chambranle, puis se tourne vers moi.« Bienvenue chez toi. »Je ne réponds pas.Je ne peux pas.Je regarde autour de moi, les murs nus, les fenêtres immenses, les éclats de lumière qui se posent déjà au sol comme des présences.C’est réel.Et irréel.Je pose le carton dans l’entrée.Et j’avance.---MaximeElle marche
LéaLa nuit avançait.À petits pas feutrés, comme si elle avait peur de troubler l’équilibre fragile qui s’était instauré entre nous.Je croyais que les émotions s’étaient déjà toutes exprimées.Que le cœur avait tout dit.Mais Maxime gardait encore quelque chose.Je le sentais dans sa respiration.Dans cette tension infime, nichée au creux de son silence.Il m’avait parlé d’amour.Il avait posé ses mains sur mon ventre, sur ce petit être à venir.Et moi, je m’étais laissée envelopper.Pas tout à fait rassurée.Mais un peu plus vivante.Et pourtant…Il y avait autre chose.Un éclat au fond de ses yeux.Une hésitation qui n’avait rien à voir avec le doute.Plutôt cette forme d’appréhension qu’on ressent juste avant de faire un pas important.Un saut.Il s’est redressé légèrement, sans me lâcher du regard.Comme s’il se préparait à me confier une vérité encore plus fragile.Et j’ai su.Qu’on allait franchir une autre frontière.« Il y a encore une chose que je dois te dire… »Sa voix ét
LéaIl était presque vingt-trois heures.La nuit avait recouvert la ville d’un silence dense, ponctué de quelques sirènes lointaines et du clapotis discret de la pluie contre les vitres.J’étais dans mon lit, mais pas vraiment là. Mon corps reposait, figé, alors que mon esprit flottait quelque part entre le regret, l’attente et la fatigue.Je ne pleurais plus.Je ne pensais plus pleurer.Mais chaque battement de cœur était une tension muette, un fil tendu à craquer.Je croyais qu’il ne viendrait pas.Je croyais que c’était fini.Qu’il n’y avait plus rien à dire.Et pourtant… quelque chose en moi résistait.Pas l’espoir — non. Plus ça.Mais un instinct, peut-être. Une mémoire.Et puis, la sonnette.Un son net, étrangement doux dans cette nuit suspendue.Mon cœur a cessé de battre pendant une seconde.Puis il est reparti, en désordre.Je suis restée figée.Quelques secondes à peine.Mais assez pour sentir ce qu’un simple « ding » pouvait réveiller.La peur. L’élan. La colère. Le manque.