Chapitre 2 : L’Héritage Caché

Le moteur de la berline ronronnait doucement alors qu’ils s’éloignaient de l’agitation de la ville. Élisa fixait la route à travers la vitre, les lumières de New York disparaissant peu à peu derrière eux. Son esprit était en ébullition. Comment pouvait-elle être la fille d’Edward Lancaster ?

Adrian conduisait avec un calme imperturbable. Son regard était fixé sur la route, mais il percevait l’agitation intérieure de la jeune femme. Après plusieurs minutes de silence, il prit la parole.

— Je sais que c’est beaucoup à encaisser. Mais vous devez comprendre que votre vie est sur le point de changer.

Élisa tourna enfin la tête vers lui, cherchant des réponses dans son expression impassible.

— Pourquoi maintenant ? Pourquoi cette lettre ? Pourquoi mon père voudrait-il me voir après toutes ces années ?

Adrian hésita un instant avant de répondre.

— Parce qu’il est malade. Et parce qu’il a des ennemis.

Le cœur d’Élisa se serra. Elle n’avait jamais connu cet homme, et pourtant, l’idée qu’il puisse être mourant éveillait en elle un sentiment qu’elle ne comprenait pas encore totalement.

— Quels ennemis ? demanda-t-elle, la voix plus tremblante qu’elle ne l’aurait voulu.

Adrian jeta un regard rapide dans le rétroviseur avant de poursuivre.

— Edward Lancaster a bâti un empire. Un empire qui attire la convoitise. Beaucoup voudraient le voir tomber. Et maintenant qu’il vous a reconnue comme son héritière, vous êtes une cible.

Le mot « cible » résonna en elle comme une alarme. Une sueur froide coula le long de sa nuque.

— Je ne veux rien de lui, protesta-t-elle. Je ne veux pas de son argent ni de son héritage.

— Cela ne dépend plus de vous, Élisa, répliqua Adrian avec gravité. Vous êtes son unique héritière. Et certains feraient n’importe quoi pour s’assurer que vous ne revendiquiez jamais ce qui vous revient de droit.

Un frisson parcourut son échine. Elle était entrée dans un monde dont elle ignorait tout, et il semblait bien plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé.

— Nous arrivons, annonça Adrian.

Devant eux, une immense propriété se dressait dans l’obscurité. Une grille imposante s’ouvrit lentement alors que la voiture avançait sur l’allée de gravier. Élisa sentit son cœur s’accélérer. Derrière ces murs, un homme qu’elle n’avait jamais rencontré l’attendait. Son père.

Elle inspira profondément. L’heure des révélations avait sonné.

La voiture ralentit et s’arrêta devant l’entrée principale du manoir. De grandes colonnes de marbre soutenaient une imposante façade illuminée par des projecteurs. Élisa n’avait jamais vu une telle opulence. Elle sentit une boule se former dans sa gorge alors qu’Adrian coupait le moteur.

— Prête ? demanda-t-il en tournant légèrement la tête vers elle.

Elle secoua la tête.

— Pas du tout.

Il eut un léger sourire, presque compatissant, avant de sortir de la voiture et de venir lui ouvrir la porte.

— Il est préférable de ne pas le faire attendre, ajouta-t-il.

Élisa inspira profondément et sortit de la voiture. L’air frais de la nuit lui fouetta le visage, l’aidant à reprendre ses esprits. La porte du manoir s’ouvrit presque aussitôt, révélant un homme d’âge mûr, aux traits sévères et au regard perçant.

— Mademoiselle Moreau, bienvenue, déclara-t-il d’une voix grave.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle en scrutant son visage.

— Je suis Henry, le majordome de la famille Lancaster. Votre père vous attend.

Elle jeta un regard inquiet à Adrian, qui hocha doucement la tête comme pour l’encourager. Avec une certaine appréhension, elle suivit Henry à l’intérieur.

L’entrée du manoir était aussi grandiose qu’elle l’avait imaginé : un sol en marbre poli, des lustres scintillants, et des tableaux de maîtres accrochés aux murs. Tout respirait le luxe et la puissance. Mais pour Élisa, cet endroit n’était qu’un château inconnu, rempli de mystères et de dangers.

— Votre père est dans son bureau, indiqua Henry en la guidant à travers un long couloir orné de portraits de famille.

Elle s’arrêta devant une porte en bois massif. Sa main tremblait légèrement lorsqu’elle posa les doigts sur la poignée. Était-elle prête à affronter cet homme ? À entendre la vérité ?

Avant qu’elle ne puisse changer d’avis, la porte s’ouvrit lentement.

Derrière un bureau imposant, un homme aux cheveux grisonnants et au regard perçant était assis. Son visage était marqué par les années, mais une prestance indéniable émanait de lui.

— Élisa… murmura Edward Lancaster, sa voix rauque trahissant une certaine émotion.

Elle sentit son souffle se couper.

— Vous… êtes vraiment mon père ?

Il hocha lentement la tête.

— Oui. Et il est temps que tu connaisses toute la vérité.

Les minutes suivantes furent un tourbillon d’émotions. Edward lui raconta comment, des années auparavant, une liaison secrète avec sa mère avait conduit à sa naissance. Mais pour protéger son empire, il avait été contraint de la cacher du monde. Lorsqu’il avait voulu la reconnaître, il était déjà trop tard : sa mère avait disparu, et Élisa avait grandi sans jamais savoir qui il était.

— Je n’ai jamais voulu t’abandonner, Élisa, affirma-t-il, la voix lourde de remords. Mais j’avais des ennemis prêts à tout pour me détruire, et ils auraient pu te prendre pour m’atteindre.

— Et maintenant ? Pourquoi me chercher après toutes ces années ?

Edward se leva lentement, s’appuyant sur sa canne. Il semblait fatigué, affaibli.

— Parce que je suis mourant. Et parce que je veux réparer mes erreurs avant qu’il ne soit trop tard.

Élisa sentit un poids s’abattre sur sa poitrine. Elle était en colère, confuse, mais aussi bouleversée par cette révélation. Cet homme, qu’elle n’avait jamais connu, était en train de lui tendre la main après des années de silence.

— Et moi, je suis censée faire quoi avec tout ça ? demanda-t-elle, la voix tremblante.

Edward s’approcha et posa une main sur son épaule.

— Accepter ton héritage. Et te préparer, car ceux qui m’ont toujours voulu du mal ne s’arrêteront pas à moi. Ils viendront pour toi.

Une sueur froide parcourut le dos d’Élisa. Elle venait à peine d’entrer dans ce monde, et déjà, elle réalisait qu’elle en était prisonnière.