MaëlysLisbonne – Très tard dans la nuitAppartement d’ÉléaJe n’ai pas dormi.Éléa m’a proposé le canapé, une couverture douce et l’illusion d’un refuge.Mais le sommeil refuse de m’habiter. Il m’observe de loin, comme Aleksandr l’a fait ces dernières semaines. Sans jamais s’approcher.Je suis restée là, immobile, les yeux ouverts dans le noir, les pensées comme des aiguilles plantées dans ma chair.Je l’aime.C’est ma vérité.Crue. Inconfortable. Inacceptable.Je l’aime avec cette douleur sourde qui ne veut pas guérir. Je l’aime sans sécurité, sans promesse, sans place.Et je ne suis pas la seule.Je le vois bien. Je l’ai vu dès le premier jour. Ce lien invisible entre lui et Eden.Ce feu ancien. Cette intimité qui n’a pas besoin de mots.Et moi, dans tout ça ?Un battement de cœur en trop.Je voudrais haïr Eden.Je voudrais la réduire à une rivale, une menace, une étrangère.Mais je n’y arrive pas.Parce qu’elle aussi… elle saigne.Et c’est peut-être ça le plus insupportable.Je me
ÉléaLisbonne – Fin de soiréeAppartement de l’ombre et du souffleJe n’ai pas vu la scène.Mais je l’ai entendue.Chaque mot. Chaque silence. Chaque fracture dans la voix de Maëlys.Depuis le couloir, le souffle de sa douleur a traversé les murs.Il s’est faufilé sous les portes, s’est accroché à l’air, a figé le temps.Et maintenant que ses pas se sont éloignés, tout reste suspendu. En apnée.Je pousse la porte du salon, doucement.La lumière est fauve, presque irréelle, comme un dernier éclat avant la nuit.Aleksandr est debout, figé. Il fixe la porte comme s’il espérait la voir revenir.Eden, elle, garde les yeux baissés, le souffle court, les bras croisés contre elle comme pour contenir l’explosion.— Bravo, dis-je en avançant d’un pas. Vous avez brûlé le dernier pont.Aleksandr se retourne. Son regard est noir, chargé de cette colère sèche qui ne sait pas où frapper.Mais je ne recule pas.Je le connais trop bien pour me laisser impressionner par sa façade.— Ce n’est pas le mom
MaëlysLisbonne : début de soiréeAppartement de l’ombre et du souffleJe suis là.Assise dans un coin, presque invisible, serrant mes mains sur mes genoux pour contenir ce feu qui gronde en moi, menaçant de tout embraser.J’essaie de ralentir ma respiration, de calmer ce tumulte qui bat sourdement dans ma poitrine.Mais c’est impossible.Chaque détail autour de moi s’imprime avec une netteté douloureuse.Je pourrais détourner les yeux, faire semblant que rien ne me touche, feindre l’indifférence.Mais je ne peux pas.Parce que je vois tout.Chaque geste, chaque regard, chaque souffle qui danse entre Eden et Aleksandr.Je ressens tout, avec une intensité brûlante, à la limite de l’insupportable.Leurs regards qui se cherchent, se frôlent, se fuient.Comme deux astres en orbite, irrésistiblement attirés mais contraints à la distance.Leurs silences qui parlent plus fort que n’importe quelle parole.Leurs mains presque jointes, hésitantes, comme deux braises qui refusent de se mêler, ma
EdenLisbonne : fin d’après-midiAppartement de l’ombre et du souffleJe ne voulais pas y croire.Je ne voulais pas laisser cette ombre s’immiscer entre nous.Mais le feu… le feu n’est jamais pur.Il brûle. Il consume. Il divise.Aleksandr est revenu. Seul.Plus tard que prévu. Plus brusquement.Le silence entre nous n’a jamais été aussi lourd.Parce qu’il n’est plus le même.Il porte quelque chose de brutal, de chaotique, comme une tempête refoulée qui menace d’exploser à tout instant.Je le sens dès qu’il franchit la porte.Un poids dans sa mâchoire serrée, une violence contenue dans ses prunelles sombres.Il ne parle pas, il avance.Et dans son sillage, il y a cette tension une électricité mauvaise, une fissure qui menace de craquer sous la pression.Maëlys est là aussi.Silencieuse, prudente.Elle observe.Mais cette fois, ce n’est plus elle qui est au centre.C’est une autre présence, invisible mais brûlante, tapie dans chaque regard, dans chaque silence.Je regarde Aleksandr, le
EdenLisbonne : début d’après-midiIls sont partis.Et avec eux, le silence a changé.Ce n’est plus celui de l’attente, ni de la guérison.Ce n’est plus celui qui pèse ou qui prépare.C’est un silence creux.Mais ce creux n’est pas vide.Il est habité. Chargé.Un creux qui respire encore de leur passage, de leur poids, de ce qui a été laissé.Un silence qui palpite, comme une cicatrice qui ne saigne plus mais qui vibre encore au toucher.Je n’ai pas bougé.Je suis restée là, assise au sol, dos contre le mur, jambes croisées sous moi.Le plateau est toujours là. Le thé tiédi. Le pain entamé.Tout est figé, mais rien n’est mort.Je respire lentement.Pas pour me calmer.Pour ressentir.Les fibres du parquet sous moi.Les veines du bois.La lumière diffuse sur les murs.La trace infime de leurs présences.Mais surtout, la sienne.Aleksandr.Il est encore là, même absent.Je ne devrais pas penser ça.Mais il faut nommer ce qui revient.Il faut reconnaître ce qui réclame.Il y a en lui que
EdenLisbonne : fin de matinéeAppartement de l’ombre et du souffleLe silence est dense.Pas oppressant. Pas douloureux.Mais solennel. Chargé d’un écho ancien.Il s’installe comme un souffle oublié, un murmure sacré qui a traversé les âges.Il imprègne les murs, la poussière suspendue dans la lumière, le bois craquant sous les pas.Mais surtout, il vibre entre nous.Je suis là. Assise. Présente.Pas comme une spectatrice.Pas comme une prêtresse non plus.Mais comme une sœur d’âme, une mémoire vivante du feu qui réclame.Ils dorment encore. Étendus l’un près de l’autre.Pas dans une étreinte.Dans un équilibre. Une tension douce, intacte.Comme deux braises côte à côte, dont la chaleur ne se mêle pas encore, mais dont l’incandescence s’accorde.Mais c’est lui que je regarde.Aleksandr.Sa peau est encore pâle, ses traits tirés, mais quelque chose a changé.Ce n’est pas la guérison.C’est un décalage subtil. Comme un voile qui serait tombé de ses yeux.Et même dans le sommeil, je sen